La vérité sur les terres de LSS

par pierre Dieme

Si certaines terres ont été acquises par l’Etat par expropriation pour cause d’utilité publique, d’autres l’ont été par un acte volontaire signé par des dignitaires lébous, moyennant une somme d’argent conséquente.

Les langues continuent à se délier sur les terres léboues de l’Aéroport Léopold Sédar Senghor de Dakar. D’abord, rapporte un interlocuteur citant une contribution de Djibril Ba, ancien responsable à l’Asecna, en date de 2013, ‘’le principal terrain de l’aéroport de Dakar reste le T.F 4407/DG du 15 Avril 1944, acquis suite à une réquisition en date du 22 Juin 1943 et pour une surface globale de 471 hectares.’’

‘’Toutes ces terres ont été cédées à 40 francs le mètre carré en 1943 et pour un montant global, à l’époque, de quarante-sept millions huit cent cinquante-six mille six cent quarante (47 856 640) francs métropolitains, soit vingt-trois millions neuf cent vingt-huit mille trois cent vingt (23 928 320) francs Cfa’’, informait le document que nous avons pu parcourir. Avant de préciser : ‘’Une liste de 91 dignitaires lébous, disponible auprès de l’Asecna, de la Direction des Domaines et de l’Agence des Aéroports du Sénégal –ADS- précise le nom et prénoms, la date de naissance et la profession des personnes ayant cédé leurs terres, la superficie de celles-ci et le montant de la transaction.’’

Outre le TF 4407/DG, le patrimoine foncier de l’Aéroport de Dakar-Yoff comprend les terrains ‘’militaires français’’ de l’aéronautique et d’autres provenant de l’expropriation pour cause d’utilité publique. C’est en 1973 que l’Etat a procédé à une grande opération d’expropriation pour cause d’utilité publique, portant sur de vastes superficies situées aussi bien vers Tonghor que du côté de la VDN actuelle, pour des besoins d’allongement de la piste principale 01/19. ‘’Ce sont de grandes surfaces situées sur l’ancienne « bande verte » et également toutes les terres situées à l’Ouest de la VDN et dont l’occupation actuelle a fini par encercler la balise du VOR’’, soulignait l’expert (cf décret n° 74-938 du 19 Septembre 1974).

Parmi les titres fonciers du domaine militaire transférés totalement à l’Etat du Sénégal, en 1974,  il y a outre le 4407/DG du 15-04-1944 d’une superficie de plus de 471 ha, le 4189/DG du 14-10-1941 d’une superficie de près de 05 ha, le 4366/DG du 1er-07-1943 d’une superficie de 12 ha environ, le 5019/DG du 22-12-1948 d’une superficie de 62 ha 80 a, ainsi que des 199 autres T.F figurant sur les documents fournis par la Paierie de France et sur les cartes réalisées par la Direction du Cadastre du Sénégal. ‘’Tous ces terrains et immeubles énumérés exhaustivement figurent dans l’accord en matière domaniale entre la France et le Sénégal, signé à Paris le 29 Mars 1974. Ces terrains ont été mis officiellement à la disposition de l’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar – ASECNA – pour compter du 1er Janvier 1961.’’

Joint par téléphone, l’ancien responsable du Contentieux à l’Asecna précise : ‘’Ce document a effectivement été écrit en 2013 dans un contexte où l’Etat du Sénégal, avec le nouveau régime, annonçait un audit du patrimoine foncier. C’était pour montrer qu’un audit foncier est plus que nécessaire à la fois pour mesurer l’étendue des occupations illégales au niveau de l’Aéroport de Dakar, mais également, pour décourager toutes les tentatives, actuellement en cours, au niveau de l’Aéroport Blaise Diagne de Diass.’’

Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. La spéculation autour des terres de LSS s’est poursuivie de plus belle. Et en toute illégalité, si l’on en croit l’expert. ‘’On a souvent cédé ces terres à travers un simple décret. Or, c’est par une convention domaniale entre la France et le Sénégal que ces terres ont été transférées au Sénégal avec des conditions bien précises, notamment leur mise à la disposition de l’Asecna. Laquelle convention a été ratifiée par l’Assemblée nationale. Il faut donc respecter le parallélisme des formes. Pour verser ces terres dans le domaine privé de l’Etat, il faut nécessairement passer par l’Assemblée nationale. On ne peut les céder par un décret.’’

Déjà en 1995, la liste des illégaux dépassait les 400

Ce bradage du patrimoine foncier des aéroports ne date pas d’aujourd’hui. De 800 hectares initialement, le périmètre aéroportuaire de l’AIBD est à présent nettement inférieur à 600 hectares. ‘’Cette occupation illégale s’est surtout accentuée dans les années 90 avec l’occupation des titres fonciers T.F 4366, 4189 et 5019/DG situés au Nord et à l’Ouest de la cité Asecna-Batterie – cités BIAGUI et Cadres Lébous entre autres – suivie du « dépeçage » de l’ancienne école d’Air Afrique au profit de certaines autorités de la République et, paradoxalement, de hauts cadres de l’Aéronautique civile’’, affirme le document.

En 1995 déjà, le nombre de ces occupations illégales dépassait les 400. ‘’Certes, beaucoup de ces illégaux disposent à présent de documents « valables », même si, comme le constatait Monsieur le Juge, le soubassement juridique des actes d’attribution n’était pas légal. En effet, l’Avocat de l’ASECNA, M. le Bâtonnier Y. THIAM – avait même pu obtenir du juge, lors de l’audience du 28 Avril 1997, l’autorisation d’expulsion d’un grand nombre de ces occupants illégaux, bien que la mesure n’ait jamais été suivie d’effet.’’

Pour en revenir aux terres acquises par le moyen d’expropriation pour cause d’utilité publique, le juriste renseignait que ‘’cette opération d’utilité publique a cependant engendré beaucoup d’injustices, surtout si on tient compte du fait que ces terres sont souvent cédés gratuitement à des tiers qui les revendent à des prix prohibitifs, alors que les anciens propriétaires, respectueux de la Loi et ayant cédé leurs biens pour cause d’utilité publique, sont connus et figurent dans le Décret précité.’’

Il faut rappeler qu’en 2012, le président de la République Macky Sall s’était engagé à faire l’inventaire de tout ce patrimoine. Malheureusement, on ne sait pas ce qu’il est advenu de ces engagements fermes du Président Sall pris depuis la campagne électorale pour la Présidentielle d’alors. Les remous actuels autour de ces terres remettent à nouveau cet engagement sur la table.

Le virus Senghor infecte Blaise Diagne

Alors qu’on n’a pas fini de parler du bradage de l’Aéroport Léopold Sédar Senghor, Blaise Diagne risque d’être dans la même situation dans les années à venir. Pour une superficie totale de 8000 hectares, l’aéroport n’utilise qu’une toute petite portion. Déjà, une bonne partie de cette superficie a été cédée dans des conditions souvent nébuleuses à des organismes publics comme privés.

Beaucoup de zones grevées de servitudes aéronautiques ou radio-électriques ont déjà fait l’objet d’attribution par des autorités locales, mais également par le ministère des Mines et de l’Industrie. ‘’La situation, informe Monsieur Ba, est aggravée par les tentatives de « promoteurs immobiliers » qui, sous le couvert de création de « villes nouvelles », cherchent à s’approprier de vastes espaces situés à l’intérieur du Domaine aéroportuaire de Diass. Parmi ces derniers, il y a le nom de l’entreprise Egbos qui vient souvent.

MOR AMAR

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