Avoir coûte-que-coûte un garçon, au prix de l’héritage !

par pierre Dieme

Polygamie et compétition de progéniture entre coépouses – Au Sénégal comme beaucoup de pays à majorité de croyants, et même de religions traditionnelles, le fils succède à son père et est le principal héritier des biens de ses parents, devant les filles

Au Sénégal comme beaucoup de pays à majorité de croyants, et même de religions traditionnelles, le fils succède à son père et est le principal héritier des biens de ses parents, devant les filles. Etant conscientes de l’opportunité qui s’offre à celles qui en comptent plusieurs, dans les couples polygames, certaines coépouses sont comme en réelle compétition/concurrence d’enfantement notamment pour (ne) donner naissance (qu’) à des garçons qui sont des «pions» pour acquérir le maximum de parts de l’héritage du père (notamment musulman ou de religion traditionnelle), après la mort de ce dernier. Avoir un ou des fils est une aubaine pour des femmes polygames et, par conséquent, elles sont mêmes prêtes à accoucher chaque année, pour espérer que cette chance leur souri.

Dans nombre de foyers, plus précisément sénégalais, la polygamie ne cesse de créer une rude compétition entre les femmes qui se battent, chacune à son niveau, pour avoir un ou plus de garçons, au nom de l’héritage. Comme si elles ont déjà connaissance que les maris, les hommes, vont mourir les premiers et leur léguer, elles et leurs enfants, tous les biens. Conséquences, elles remplissent les maisons d’enfants, comme des poules pondeuses, la motivation inavouée lors de la conception étant de donner naissance à un garçon. Et ce nouveau visage «cynique» de la polygamie n’est pas inconnu des femmes.

Selon Ndeye Anta, les femmes sont tellement obnubilées par les biens qu’elles sont prêtes mêmes à tuer leur mari car elles sont pressées de mettre la main sur l’héritage qui sera attribué au fils.  «Elles ont tellement accouché, qu’elles ne ressemblent plus à rien, on dirait des poules pondeuses. Et tout ça pour avoir des garçons dont l’héritage sera réclamé à leur nom, une fois la mort de leur père. Pour moi, avoir une fille ou un garçon, c’est du pareil au même ; l’essentielle est qu’il soit en bonne santé», dit-elle. Avoir un garçon, au prix de l’héritage, c’est là une préoccupation de coépouses qui ne se reposeront qu’après avoir eu un fils ou, à défaut, à la ménopause. Pour celles qui ont la mal chance de n’avoir des filles, dans les couples musulmans surtout, elles seront laissées en rade car les garçons sont «privilégiés» dans les héritages : un fils obtient une part équivalent à celle de deux filles, selon la loi islamique.

Suffisant pour que Diewo Bayo Fall s’invite dans le débat. Elle ne porte pas de gants pour assener ses vérités. «Dieu ne m’a donné que des garçons et ma coépouse, des filles uniquement. Mais ce n’est pas pour autant que je me glorifie. Et déjà, quand on parle ainsi, cela veut dire qu’on est en train d’attendre impatiemment la mort du ‘’vieux’’ pour monopoliser l’héritage. Alors qu’en réalité, on ne sait même pas qui va mourir en premier», déplore cette mère de famille.

«LA POLYGAMIE FAIT PEUR ET LES HOMMES NE SE RENDENT PAS COMPTE DE LA RUSE DES FEMMES»

C’est au tour de Fanta de répliquer pour balayer d’un revers de mains les propos de Diewo. Pour elle, avoir un fils quand on est dans la polygamie, c’est plus avantageux que d’avoir des filles qui n’hériteront rien de leur père. «Fiche moi la paix», rétorque-t-elle à son amie qui semble deviner là où elle veut en venir. «Qui n’aimerait pas que son fils hérite les biens de son père. Ceux qui disent le contraire, sont des hypocrites», lâche-telle. Et renchérir : «avant d’enfanter, je ne souhaitais que d’avoir un garçon par ce que je sais ce que ça signifie de ne pas voir un garçon. Ma mère est une preuve vivante car elle n’a que des filles qui n’ont rien eu et cela m’a servi de leçon. Même si je n’avais pas un garçon, j’aurais tenté encore et encore, jusqu’à en avoir. Dans les pays islamique, la fille n’est pas tenue en compte pour l’héritage. Et quand c’est un garçon, on a le privilège quand on est la maman. Et compenser toutes ces années de mariages, c’est la moindre des choses», explique-t-elle avec un sourire comme pour narguer son amie. Quant à Seydou Gueye, il estime que cette concurrence est malsaine car elle est masquée d’intérêt personnel. «Auparavant, les coépouses aimaient avoir un garçon qui succéderait le père dans le travail. Mais, maintenant, elles sont attirées par l’héritage et même dans leur prière, elles implorent Dieu de leur donner un fils. Alors qu’en réalité, elles le font par pur intérêt. La polygamie fait peur et les hommes ne se rendent pas compte de la ruse des femmes», estime Seydou qui pense que rien ne vaut cette concurrence insidieuse.

AMADOU MAKHTAR KANTÉ, IMAM MOSQUEE POINT E : «L’Islam demande à chaque musulman de faire son testament…»

«Dans la religion musulmane, l’héritage a plusieurs formes. Il faut d’abord savoir la valeur de l’héritage : si c’est un terrain, argent, entreprise, des troupeaux, compte bancaire etc. Il faut d’abord savoir ce qu’on doit hériter ; après ça, on fait une évaluation des biens du défunt, on globalisé tout et on calcule la somme. Après on identifie le nombre des héritiers et on fait la division selon la Charia, le fils ayant droit au double de sa sœur. Alors, tout individu peut léguer ses biens par testament. Le testament est ce qu’un défunt a laissé à sa mort où il dit ses souhaits. C’est la définition juridique du testament et c’est ça aussi sa définition dans la Charia, dans la droit islamique. L’Islam demande à chaque musulman de faire son testament et ce testament doit être intégralement respecté par sa famille, ses héritiers, tant qu’il n’y a pas dans le testament un contenu qui n’est pas compatible, dans la Charia, dans ce cadre-là, on ne respectera pas le testament  ; sinon quand c’est conforme à la Charia, on doit le respecter. Maintenant le contenu énuméré est libre. Chacun écrit son testament comme il veut parce que chacun a son propre vécu, sa famille s’est composée d’une certaine façon, etc. C’est pourquoi le testament est trop personnel et très privé. Donc vous écrivez ce que vous voulez. Vous pouvez écrire même comment vous voulez que votre deuil se passe, s’il y a des recommandations dans vos biens et justement dans vos biens, à condition de ne pas donner une part qui n’est pas acceptée par la Charia. Pas mal de recommandations qui ne dépendent que du défunt. Quand donc les héritiers, les membres de la famille ou les frères du défunt contestent le testament, c’est de leur droit d’aller en justice et la justice va trancher. Même dans la Charia s’il y a quelque chose qui enfreint les règles de la Charia, par exemple si quelqu’un dit  : «à mon décès, vous donnez la moitié de mes biens à ma fille, la Charia va dire Non parce qu’elle a déjà prévu la part de chacun qui est que chaque garçon aura le double d’une fille». Maintenant, il est possible de dire : «le 1/3 de mes biens, je les consacre à telle et telle personnes, mais pas plus que ça». Et c’est des détails que les juristes musulmans connaissent et le principe c’est ça. Si c’est du côté Charia, ils doivent se rapprocher des oulémas et des religieux pour être sûr que ce qu’ils contestent est contestable du point de vue de la Charia Sinon, s’ils contestent par rapport au droit positif, ils vont en justice.»

CODE DE LA FAMILLE – DROIT MUSULMAN, DROIT COMMUN, TESTAMENT : … Ce que dit la loi sur l’héritage

En matière d’héritage au sein de la famille, la loi sénégalaise semble très ouverte, selon qu’il s’agisse du recours aux dispositions religieuses ou aux testaments par les héritiers. Droit musulman, droit commun, testament, etc. le Code de la famille prévoit tout.

Textes religieux, droit commun ou testaments, l’héritage est souvent source de conflits dans certaines familles, surtout polygames, au Sénégal. Pour ce qui est de la dernière option pour départager les héritiers, il y a plusieurs formes de testaments dans le Code de la famille sénégalais. La loi permet à quelqu’un de faire le testament de son vivant. Donc, de son vivant, une personne peut procéder au partage de ses biens entre ses héritiers ou bien des personnes qu’il choisira. Autant elle peut bien dire qu’elle lègue c’est-à-dire donne de l’argent ou bien tel voiture, tel immeuble à son garçon, tel autre immeuble à sa fille et tel autre immeuble à sa nièce. C’est la liberté de léguer, et on l’appelle le légataire ; ce qui est différent d’un héritier. Selon les textes, le légataire, c’est celui qui a été désigné dans un testament alors que l’héritier lui hérite directement par la loi.

TESTAMENT : «QUOTITE DISPONIBLE» ET «RESERVE HEREDITAIRE»

Un légataire peut décider de donner une partie de ses biens à une tiers personne, à qui il veut sauf, que il y a des limites. Le Code de la famille ne permet pas à un légataire de léguer tous ses biens, comme il le veut. Il y a une limite qu’on appelle la «Quotité disponible». C’est-à-dire qu’une personne doit laisser toujours une partie à ses héritiers et la Quotité disponible est seulement les 2/3 c’est dire la partie des biens sur laquelle une personne peux donner à qui tu veux. Par exemple, pour quelqu’un qui a 100 million de francs CFA, la quotité disponible, si c’est les 2/3, il ne pourra disposer que de 66 millions ; donc les 33 millions restants, ce sera pour ses héritiers. Et c’est ce qu’on appelle la réserve héréditaire.

Pour ce qui concerne les biens de quelqu’un, il y a ce qu’on appelle la quotité disponible et la réserve héréditaire : la quotité disponible veut dire qu’on peut disposer des biens jusqu’à deux tiers (2/3), mais le tiers (1/3) restant c’est pour les héritiers. Autrement dit, une personne qui a des enfants ne peut pas dire : «moi, je donne tous mes biens à ma nièce». Elle ne peut pas parce que si elle le fait son testament va être annulé. En effet, si elle peut donner les 2/3 à n’importe quelle personne, le 1/3 restant revient à ses enfants qui doivent aussi vivre. Ce qui est normal parce que c’est eux qui sont légitime, aux yeux de la loi. Et le législateur a ainsi limité la marge de manœuvre en créant ce qu’on appelle la réserve héréditaire qui sera là pour les héritiers. Ces dispositions concernent le testament.

 REGLES DE SUCCESSION DE DROIT MUSULMANS

Maintenant, si le défunt n’a pas fait de testament, la loi Sénégalaise a adopté des options aussi bien pour des personnes qui étaient musulmans de leur vivant que celle qui ne l’étaient pas. Etant dans un pays un pays laïc, le législateur a pris les devants pour réglementer le tout. C’est ainsi que, prévoit le Code de la famille, pour les personnes qui étaient des musulmans, de leur vivant, qui se sont toujours comporté comme des musulmans, leur succession sera dévolue selon les règles de succession de droit musulman. «Par exemple X qui décède, on sait que X priait, il jeûnait, on sait qu’il allait à la mosquée, on sait qu’il célébrait les fête de Tabaski et de Korité ; celui-là on présume qu’il était musulmans. Donc sa succession sera dévolu suivant les règles du droit musulmans», détaille un juriste.

LA SUCCESSION DU DROIT COMMUN

À côté des règles de succession de droit musulmans, il y a ce qu’on appelle les successions de droit commun. La succession du droit commun, c’est souvent pour les non musulmans. Mais, il n’empêche que quelqu’un qui est musulman de son vivant peut déci der que ça succession sera fait de droit commun. Il est donc libre. Cependant, s’il ne dit rien, on considère, qu’étant musulmans, sa succession sera fait du droit musulmans.

LE SORT DE L’ENFANT NATUREL, SEULE DIFFERENCE ENTRE LES DISPOSITIONS DU CODE DE LA FAMILLE ET DE LA SUCCESSION DU DROIT MUSULMAN, LA «CHARIA»

La succession de droit musulmans qui est prévu par le Code de la famille est presque identique à la disposition de succession du droit musulman par la Charia. Il y a juste quelques différences notamment celle du sort de l’enfant naturel qui est disposé ; alors que dans la Charia, l’enfant naturel n’hérite pas, même si on lui accorde une part qui n’est pas considérée comme héritage car défalquée du bien avant le partage. Alors que dans la succession du droit musulman qui est prévu par le Code de la famille du Sénégal, l’enfant naturel est considéré comme un légataire égal à (celui) d’un enfant légitime. Ce présumé légataire, il lui sera réservé une partie des biens égale à la partie d’un enfant légitime.

LES PARTS DU (DE LA) CONJOINT(E) SURVIVANT(E) ET AUTRES

Dans l’héritage, il y a également une partie du (de la) conjoint(e) survivant(e) et beaucoup d’autres parts. Dans le cas de la conjointe survivante c’est-à-dire l’épouse qui survie à son mari, en droit commun, pour ce qui est de l’enfant naturel, il ne pourra hériter que si l’épouse avait connaissance de l’existence de cet enfant-là du vivant de son mari. Il n’est pas question qu’on attende à sa mort, que le mari reconnaisse un enfant naturel là-bas, sans que son épouse le sache  ; ce qui est source de quelques divergences. Bref, la succession de droit commun est différente de la succession du droit musulman. Pour ce qui concerne celui du droit commun, par exemple, il y a ce qu’on appelle l’ordre des descendants. Lorsqu’une personne décède, ce sont ses enfants qui prennent sa succession et son épouse. Selon l’ordre des descendants ce sont ces derniers qui prennent tout son bien, les autres n’ont pas droit à la succession. S’il y a un enfant né d’une union, il écarte tout le monde  ; alors qu’en droit musulman, il y a les filles, les collatéraux, les frères du défunt. Si la personne qui décède est un musulman de son vivant et qu’il a laissé à lui succéder une veuve et une fille, cette veuve et cette fille auront seulement droit à une partie de la succession et non tout. Il y a une part réservée à ceux qu’on appelle les collatéraux, ce sont les frères du défunt, et ça se comprend facilement. «La fille elle peut aller se remarier et la mère aussi ; donc les biens échappent facilement à toute sa famille de sang. C’est pourquoi en droit musulman, s’il n’y a que des filles, les collatéraux auront autre chose», explique-t-on pour le droit musulmans.

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