Vendredi 11 février 2022 a été dramatique pour les habitants de la région de Kaolack, attristées par un accident de la circulation d’une rare violence survenu à l’aube sur la route de Gossass. L’accident a causé 9 morts et 27 blessés. Les victimes revenaient du magal de Porokhane. Sur la scène du drame, les usagers ont eu droit à des images difficiles, ponctuées par un décor macabre.
Maguette Diagne 50 ans – Son fils Mor Talla Diagne, encore sous le choc, raconte son dernier échange téléphonique avec sa regrettée mère. «Cela remonte au jeudi dernier vers 23 heures, je l’ai appelée pour prendre de ses nouvelles avant de lui demander de ne pas nous oublier dans ses prières. Quand j’ai appris, par l’intermédiaire d’un voisin du quartier, le sort du minicar qui les transportait, j’ai tenté, en vain, de le joindre au téléphone. C’est plus tard, en insistant, qu’un gendarme m’a confirmé au bout du fil qu’elle faisait partie du lot des morts. C’était comme si la terre se dérobait sous mes pieds.»
Momy Diagne, 67 ans – Elle fait partie des responsables du dahira. Elle est aussi celle qui est la plus assidue au Magal de Porokhane depuis des décennies. Elle a rendu l’âme en faisant l’une des œuvres qui l’agrée. La nuit du Magal (jeudi), elle a joint son fils du nom de Ibra Ndiaye pour le rassurer qu’elle est bien arrivée à Porokhane dans de bonnes conditions. Qu’elle était sur le point de faire ses valises pour retourner à Touba. Informé de l’accident, son premier réflexe a été de tenter de joindre sa maman. Naturellement, il n’arrivait pas à la joindre. Il est tombé sur un élément des sapeurs-pompiers qui lui a annoncé la mauvaise nouvelle.
Amy Ndiaye, 19 ans – Elle était à son premier Magal de Porokhane. Amy laisse ainsi derrière elle un mari inconsolable. Aliou Niang, époux de la victime, a été informé de la tragédie depuis la commune de Kafountine où il tient un garage de mécanicien. Auparavant, le jeudi matin précédent la mort de son unique épouse, il a eu à s’entretenir avec el le au téléphone. Une conversation qui tournait autour d’une commission que lui avait chargée sa tante, relative à un lot de vêtements qu’elle devait remettre aux homonymes de «Mame Diarra».
Ndiémé Faye, 65 ans. Elle fait partie des sages du dahira. Son fils Dame Badiane, à qui elle s’est confiée juste avant son départ en sollicitant des prières pour un voyage paisible, n’a constaté le décès qu’à son arrivée à l’hôpital de Kaolack. «C’était la course à l’information ici dans le quartier quand la nouvelle a fait le tour, chacun s’empressait de se rendre le premier sur les lieux. C’est à l’hôpital, au moment de procéder à l’appel nominatif des victimes, que j’ai appris le décès de ma mère.»
Soda Diaw, 14 ans. La plus jeune victime a effectué son premier voyage sans retour à Porokhane. Son père Cheikh Diaw se rappelle leur dernière entrevue. «Le matin du mercredi, elle m’a trouvée au Marché au poisson pour que je lui achète une paire de chaussure, c’était notre dernier contact. C’est sa tante qui m’a informé, à hauteur de Gossass, de son décès alors que j’étais sur la route de Kaolack.»
Mame Diarra Ndiaye, 22 ans. L’une des rares fois qu’elle a manqué à l’appel du Magal, c’était l’édition de 2021, avec le contexte de la pandémie du Covid-19. A la veille de son voyage pour Porokhane, elle a joint son époux qui était hors de Touba en signe d’au-revoir. Khadim Fall se rappelle d’une «épouse qui tient à la parole donnée. En atteste, selon lui, un jouet que tient entre ces mains leur unique fille de 3 ans, Maty Fall, qu’elle avait promis de lui acheter une fois arrivée à Porokhane. A l’annonce de l’accident, j’ai appelé sur son téléphone, mais elle l’avait abandonné à la maison. C’est ma mère qui m’a finalement répondu. Mais c’est plus tard que j’ai appris la mauvaise nouvelle».
Fate Touré, 54 ans, et Sagar Dia, 41 ans. Elles étaient des coépouses inséparables, à la vie comme à la mort. La dernière nommée a laissé derrière elle son unique fille de 12 ans, Maty Mbaye, jusque-là non informée du décès de sa mère.
Binta Mbengue, 17 ans. Elle était à son deuxième Magal. Elle semblait flairer le coup fatidique. Selon les dires de sa maman, après avoir quitté le domicile pour rejoindre le minicar en partance pour Porokhane, elle est retournée lui remettre la somme de 500 FCfa en guise de complément de sa cotisation pour le dahira «Sopey Serigne Fallou». Son petit frère âgé de 12 ans, Cheikhouna, rescapé du drame, s’en est sorti avec des courbatures.
ABDOULAYE BAMBA SALL