Dimanche 6 février 2022, vers 22 heures, les Sénégalais sont plongés dans une sorte d’euphorie collective qui submerge toutes les difficultés économiques auxquelles ils sont confrontés en ce début d’année. Pour la première fois de leur histoire, ils viennent, au bout du suspense, de remporter un premier sacre avec l’équipe nationale de football A. Le peuple court derrière un trophée depuis le début des années 60.
C’est l’hystérie dans tout le pays. Dans les 14 régions et dans la Diaspora, tout le monde exulte. Du président de la République à la petite Aïcha Fadé, âgée de seulement 4 ans et demi, l’heure n’est pas aux petits calculs arithmétiques pour savoir si la bourse va tenir d’ici la fin de ce fou mois de février. Il faut profiter du moment.
Effectivement, c’est ce que font, au sens figuré, les commerçants, dès le lendemain du sacre inédit des « Lions » de la Teranga. Profiter de cette hystérie collective pour augmenter le prix du sucre. À part deux ou trois internautes qui se sont indignés sur les Réseaux Sociaux, rien d’autre. Toutes les attentions sont orientées vers l’Aéroport Léopold Sédar Senghor où le vol spécial qui doit ramener Aliou Cissé et ses protégés doit se poser le lundi 7 février. Journée déclarée chômée et payée par le chef de l’Etat, via un arrêté de son ministre du Travail, quelques heures après la finale de la CAN.
Les Sénégalais viennent de partout pour célébrer Sadio Mané et Cie. Les images de l’accueil historique font le tour du monde et impressionnent la planète Terre. Sur le toit nu d’un bus sans aucune sécurité, les joueurs de l’équipe nationale sont escortés par des centaines de milliers de Sénégalais qui n’ont d’yeux que ce bout de métal plaqué Or qui contient assez de substances anesthésiantes pour plonger 17 millions d’âmes dans un état de latence déroutant.
Pour ce peuple qui jouit, rien ne peut freiner son court voyage dans le firmament. Tout est beau, tout roule, tout se passe comme dans le meilleur des mondes.
Les enseignants insensibles à l’anesthésie collective
Le chef de l’Etat Macky Sall reçoit les « Lions » et leur délégation de 50 personnes au Palais le lundi 7 février pour les décorer, les élever au rang de Commandeur (pour certains), chevaliers (pour d’autres) de l’Ordre National du Lion, les récompenser de 50 millions (par tête) et de deux terrains (200 m2 à Dakar et 500 m2 à Diamniadio). Ils le méritent crient le peuple. Vrai, répondent les syndicats d’enseignants. Mais non sans rappeler au Gouvernement que leurs revendications méritent également d’être satisfaites.
Le Cusems et le Saems promettent de poursuivre leur plan d’actions consistant à paralyser le système éducatif. Depuis novembre, les élèves du Public n’arrivent pas à faire régulièrement leurs cours. Ils ont même organisé plusieurs manifestations sur l’étendue du territoire pour appeler les autorités à trouver un terrain d’entente avec les enseignants et mettre un terme à cette grève qui compromet leur avenir.
Les parents d’élèves également ont organisé, pas plus tard qu’hier samedi, une grande marche pour appeler à la fin de la crise scolaire.
Malgré deux rencontres entre enseignants et membres du Gouvernement, dont une samedi avec le ministre des Finances, aucun accord n’a pu être trouvé entre les deux parties. Les enseignants indiquent qu’ils vont bel et bien poursuivre leur mot d’ordre de grève jusqu’à ce que le Gouvernement respecte les engagements qu’il avait pris en 2018. Cette semaine encore, les élèves sénégalais vont perdre des heures de cours qu’ils ne pourront jamais rattraper.
Les prix des denrées flambent
Une semaine après l’arrivée du trophée continental à Dakar, les prix des denrées de première nécessité continuent de flamber. Le pain, le sucre, l’huile ont vu leurs prix grimper. Mais la dose d’anesthésie semble encore trop forte dans les veines des Sénégalais pour se lever et s’offusquer de cette inflation qui consume aussi bien les poches du Goorgorlou que le panier de la ménagère. Pour le moment, le président de la République tient un bon allié pour tempérer toute colère qui pourrait engendrer un soulèvement: la CAN.
AYOBA FAYE de pressafrik