Non-respect de la parité : Dr Fatou Sow Sarr crache ses vérités

par pierre Dieme

Les élections locales ont révélé une anomalie : la parité n’a pas été respectée par certaines coalitions. A en croire Dr Fatou Sow Sarr, socio-anthropologue et directrice de l’Institut de la famille et du genre, les maires de Yewwi Askan Wi doivent respecter leurs promesses. Cette dernière était l’invitée du Grand oral sur Rewmi Fm.

Quel commentaire faites-vous sur la victoire des Lions ?

Il faut d’abord rendre grâce à Dieu pour avoir décroché la Coupe d’Afrique des nations. Il nous a permis d’avoir ces moments extraordinaires et au-delà de la joie, il faut féliciter les personnes qui ont rendu cela possible et rendre hommage aux joueurs et à Aliou Cissé. Il nous a appris que c’est dans la persévérance, la foi et le courage qu’on peut performer. Les jeunes ont eu une formation sociale qui a pu avoir des résultats avec leur effacement. Nous sommes loin des périodes de show, la discipline et l’humilité symbolisées par Sadio Mané qualifient cette équipe. Il n’y a que des leçons à tirer pour donner une nouvelle orientation à la jeunesse. Il faudrait en profiter, avec des spécialistes dans le domaine social, mais l’utiliser comme un rebond et inculquer l’amour pour sa patrie. Il y a autant de messages à décortiquer.

Le pouvoir a tendu la main à l’opposition qui a répondu favorablement. Faudrait-il rentabiliser tout cela ?

Oui il nous faut des moments de bonheur. La vie, ce n’est pas un long fleuve tranquille, car il y a des moments de turbulence comme de détente. Les sports ont cette dimension politique, sociale. Au Sénégal, cela a été un moment où tout le monde s’est retrouvé avec cette difficile période de Covid, pré-électorale et la tension au summum. Les gens ne doivent jamais s’arrêter de remercier Dieu car Il leur a donné un cadeau pour faire baisser tout de suite les tensions. Macky Sall a appelé tout le monde, sachant que c’est une question du peuple afin que les gens oublient leur différence. Le sport est capable de faire l’unité et ce n’est ni la religion ni la politique. Il est capable de nous faire oublier nos différends. Mais il ne faut pas rêver aussi car on va revenir encore à la réalité. Mais il faut souhaiter qu’il y ait des moments de joie et de détente. Il faut les provoquer, le faire et continuer, mais saluer aussi la capacité de l’opposition, dont le fait de comprendre les moments et les lire. Cela aurait été gauche de refuser et ils ont montré que leur geste donne aux populations d’espérer avec la maturité d’avoir des dépassements, car seule la nation compte.

Il y a une véritable industrie qui peut se bâtir à travers le Sport. J’ai été aux alentours des marchés à Dakar, comme Sandaga et Kermel. Il y a de grandes fabriques avec les couleurs du pays. Alors, cela a régénéré toute une économie locale. Ce qui prouve qu’il y a une possibilité qu’on puisse investir dans ce sport et faire baisser les tensions dans les régions, ville ou village. Pourquoi ne pas concevoir ce système comme une pyramide et ne pas simplement voir le sport par rapport à l’international ? Alors il faut consolider les acquis, mais en mettant l’accent sur le génie sénégalais. Il faut être dans une logique de production et de création de richesse pour que le sport s’autofinance. Alors il suffira de donner les éléments nécessaires aux experts qui sortiront les modèles ou modalités. Que Dieu nous aide à continuer, mais que les autorités sachent en faire un nouveau départ pour valoriser ce sport et comprendre en quoi le sport est aussi important.

Quel bilan tirez-vous des élections locales en tant que membre du Caucus des femmes leaders ?

Oui nous avons fait un atelier de validation en tirant le bilan. Le caucus a été créé en 2010 pour se battre et faire la sensibilisation sur la loi sur la parité. Nous étions un an avant au Mali à Bamako, dans le cadre du Pnud pour appuyer les femmes maliennes pour la révision du Code la femme. Imam Dicko en a profité pour amener 50 000 personnes au stade de Bamako et c’est comme ça que le texte a été jeté à la poubelle. Ce fut une chute libre pour le Mali. Alors j’ai convoqué les instances. Il fallait changer d’approche. Sachant qu’il y avait un modèle religieux qui se mettait en place. Et le Président Wade avait suffisamment de latitude avec les religieux. Ce fut le moment ou jamais. Nous savions que le Sénégal allait changer avec cette loi. Il y a eu de la résistance dans certaines localités. Nous avons découvert en 2014 qu’il n’y avait que 14 femmes maires. Il fallait faire quelque chose. Il fallait trouver un juste milieu et négocier avec les leaders. D’aucuns ont pris des engagements avec une forte inscription des femmes sur les listes. Nous ne voulions pas moins de 10% de femmes inscrites. Nous avions, après évaluation, 26% avec 146 femmes têtes de liste majoritaire. Celles qui sont sur la liste proportionnelle étaient nombreuses. Les femmes se sont battues. Elles étaient là pour nous expliquer leurs programmes. Des leaders politiques ont joué le jeu, mais dans la coalition Yewwi askan wi, il n’y avait pas de femme tête de liste majoritaire. Trois femmes ont été maires, dont Khadija Mahécor à Golf sud, Aminata Kanté à Sahm notaire et Maïmouna Dièye. Il y a 18 femmes maires actuellement. L’évaluation qualitative a été faite et c’est le nombre de femmes qui ont défié leurs propres leaders pour créer leur propre liste. C’est dans le pouvoir comme l’opposition et c’est magnifique. Le Sénégal va changer de visage, des femmes ont des bandeaux de maires et dans beaucoup de localités, la parité est respectée. Le sous-préfet de Dakar Plateau s’est battu aussi. Mais dans certaines localités, ce n’est pas respecté. C’est un scandale et c’est une mauvaise publicité. L’AJS prêtait son concours aux collectivités où la parité n’a pas été respectée pour les traduire en justice. Aujourd’hui, on se bat pour plus de femmes dans les partis. Après cela, on va regarder le fonctionnement des collectivités locales car il faut aussi qu’elles soient au service des besoins des femmes. Les gens de Yewwi nous avaient promis une rupture. Mais s’ils font la même chose que les gens de Benno, ils auront déçu pas mal de personnes.

La criminalisation de l’homosexualité, d’aucuns pensent que l’Etat a un agenda caché. Quel est votre avis ?

J’ai longtemps attiré l’attention des uns et des autres. C’est un débat à affronter. J’ai toujours dit qu’il faut anticiper et dire ce que nous ne voulons pas. On interdit l’inceste dans notre société. J’ai vu des homosexuels qui se sont remariés. Donc la société avait réussi à les encadrer et à les ramener sur le droit chemin. Il y a des règles qu’il faut accepter. Donc ce sont des déviations qui peuvent venir d’un malaise social, d’un problème de socialisation, bref les causes sont multiples. La question qui se pose à nous est une bataille nationale. Il y a un agenda international sur l’homosexualité, tout le monde le sait. Moi je travaille sur un document en 2019 avec Mame Makhtar Gueye de Jamra, parce que je sais ce qui se passe et donc suis capable d’anticiper. Il fallait avertir mais avec un débat national et politique. Il faut faire bloc et faire face à l’extérieur. La moitié de la société est contre l’homosexualité. Là où le bât blesse, c’est qu’on devrait être ensemble comme un seul homme pour dire non. Des groupes se sont levés pour dire « sam Jikko yi », le gouvernement aurait dû dire OUI. Macky l’a clamé certes mais il doit leur dire qu’il est le gardien des valeurs. Pour l’utilisation de la loi, il faut reconnaître qu’il y a une utilisation politique. D’autres questions se poseront dans ce pays dans les prochaines années. C’est une question sérieuse et grave. Il y a tout un système de destruction de ce monde et de valeurs, mais ce n’est pas partout que c’est possible. C’est dans les sociétés les plus fragiles. Dans les médias, les films que vous diffusez, les séries etc. Mais de manière subliminale, on est en train d’entrer dans la conscience des gens, de jeunes que c’est possible. C’est pourquoi il faut revenir à la famille et définir les grilles d’analyses à inculquer à l’enfant. L’Etat doit accompagner les familles et les parents. Il faut une solidarité nationale. Il ne faut pas en faire un problème politique, mais de société ou c’est l’ensemble des Sénégalais qui devraient discuter et protéger notre avenir. Les puissances extérieures sont d’une force extraordinaire, mais ne pourront nous vaincre que si nous sommes séparés.

Le viol persiste aussi dans ce pays, comment analysez-vous tout cela ?

C’est tout cela qui traduit le malaise et le mal être social. Effectivement la question de la sexualité est un problème dans ce pays. Nous avons l’inceste aussi et il faut trouver des spécialistes pour examiner ce qui se passe. Il y a la promiscuité aussi mais il faut résister. Quels sont les ressorts qui sont cassés ? Ce pays a besoin d’une santé mentale. La violence est un dérivé de la santé mentale.

MOMAR CISSE

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