Macky Sall entre continuité politicienne et révolution technocratique

par pierre Dieme

La nomination du futur Premier ministre suivi d’un nouveau gouvernement devrait donner le ton, en ce qui concerne future configuration du régime de Macky Sall.

Le président de la République doit nommer un nouveau Premier ministre et une nouvelle équipe gouvernementale, après le Sommet de l’Union africaine à Addis Abeba (5 et 6 février) afin de donner une nouvelle orientation à l’action gouvernementale. Ainsi, le choix entre technocrates et politiques se pose dans la prochaine équipe gouvernementale qui aura la double mission d’élargir sa base et de mener à bien les réformes liées à la demande sociale. De ce fait, l’option d’un gouvernement technocratique ou politicien servira de grille de lecture pour connaitre la réponse du président face à la percée de Yaw. 

La nomination du futur Premier ministre suivi d’un nouveau gouvernement devrait donner le ton, en ce qui concerne future configuration du régime de Macky Sall. Le président de la République doit prendre sa décision au retour du Sommet de l’Union africaine à Addis Abeba (5 et 6 février). Et éviter le scénario des élections locales de 2009 qui ont préfiguré la chute de Me Abdoulaye Wade en 2012. 

En effet, la défaite dans de grands centres urbains comme Dakar, Thiès, Ziguinchor et Kaolack, pose un certain nombre de questions concernant la prochaine structure gouvernementale. Quelle est la meilleure formule (technocrates ou politiques) pour entourer le Premier ministre ? Quels sont les meilleurs profils de ministres pour prendre en charge la demande sociale ? Un prochain gouvernement resserré ou une équipe élargie en vue des Législatives de juillet 2022 ? Autant d’interrogations qui risquent de secouer le ‘’Macky’’ dans les prochains jours.

Le président Sall s’est illustré, depuis son accession au pouvoir, à conjuguer efficacité dans l’action gouvernementale et légitimité politique pour ses principaux collaborateurs. 

Ainsi, différents profils se sont succédé à la tête du gouvernement. À côté de vrais technocrates Abdoul Mbaye (2012-2013), Mahammad Boun Abdallah Dionne (2014-2019), on dénombre aussi une vraie politique, avec Aminata Touré (2013-2014).

Après sa réélection, le président Macky Sall a opté pour une gouvernance plus directe, avec la suppression du poste de Premier ministre en novembre 2020. Le chef de l’État a mis en place un gouvernement très politique, avec une coalition élargie : Rewmi, Parti des libéraux et démocrates/And Suqali (PLD/AS) et Osez l’avenir. Les quelques survivances de la technocratie avec Amadou Hott, Ismaël Madior Fall ont été obligés de mouiller le maillot sur le terrain politique.

L’échec de plusieurs ministres occupant des postes stratégiques :  Abdoulaye Diouf Sarr, Omar Guèye, Assome Diatta, Yankhoba Diattara complique l’équation pour Macky Sall. D’autant que la majorité, dans un contexte de cherté de la vie et de pénuries, risque aussi d’être confrontée à un ennemi plus implacable : un parti sans leader, sans idéologie, sans siège social, sans cartes de membre pour ses adhérents :  le PVD, c’est-à-dire « Parti de la vie », d’après Maodo Malick Mbaye, responsable politique à Thiès. 

Selon le DG de l’Anem, si le gouvernement ne prend pas de mesures d’atténuation des effets découlant de la hausse des prix et de la pénurie de certaines denrées, le mécontentement des populations risque de retentir lourdement dans les urnes. En vue des prochaines législatives, le profil et le parcours du quatrième Premier ministre sera décisif pour conduire les troupes de la majorité face à la dynamique de Yewwi Askan Wi qui a surfé sur un large mécontentement populaire. 

La nécessité du statu quo et le risque de décrochage de la base militante 

Selon Momar Dieng, journaliste et analyste politique, au regard du discours officiel tenu par la majorité présidentielle qui parle d’une large victoire lors des Locales du 23 janvier 2022, on risque de s’acheminer vers un statu quo. Mais en tant que leader de la majorité, Macky Sall doit aussi faire une lecture plus approfondie, au regard des déconvenues des ministres et directeurs des entreprises publiques et parapubliques lors de ces Locales. Un choix cornélien pour le chef d’État qui doit ménager sa base militante qui réclame la tête des responsables de la majorité battus à l’occasion des Locales, mais aussi qui est aussi tenté de répondre au message envoyé par les électeurs.   

‘’Quand on n’arrive pas à gagner Dakar, Rufisque, Guédiawaye, Thiès et Ziguinchor, on peut se poser des questions. Je pense que le président Macky Sall est un politique. Donc, en principe, il doit tenir compte du message envoyé par les électeurs. Mais cette fois, le président Sall, contrairement à 2014 n’a pas précisé que ceux qui perdront leur base seront sanctionnés. De plus, il me parait problématique de bouder tous les ministres et directeurs généraux qui ont perdu’’, soutient l’ancien rédacteur en chef du journal ‘’EnQuête’’.

D’après Momar Dieng, le prochain Exécutif avec un remaniement plus politique ou plus technocratique se fera en fonction des appréciations du président Macky Sall qui doit aussi consolider sa majorité, sans oublier la quête d’un bilan en vue de la Présidentielle de 2024. ‘’Le président a dit qu’il a un mandat à terminer. Sur ce plan, on pourrait dire qu’il peut maintenir un certain statu quo, s’il décide de ne pas être candidat ; il doit penser à un successeur pour 2024. La proximité de ce scrutin peut le pousser à ne pas changer la cartographie électorale du pays. D’autant plus que les élections législatives n’entraînent pas de grands bouleversements politiques, du fait que le système électoral actuel qui favorise la majorité qui a largement les moyens de les remporter”, affirme-t-il. 

Le profil du Premier ministre, baromètre d’un virage politique ou social du régime

Dans la même foulée, Momar Diongue, politologue, soutient que tout bouleversement majeur du gouvernement avec des sanctions contre les ministres battus, indiquera aux Sénégalais que Macky Sall n’a pas compris le message envoyé par les électeurs et sympathisants du ‘’Parti de la demande sociale’’.

‘’Si le Macky Sall sanctionne des ministres perdants, ça voudra dire qu’il reste dans son optique d’une orientation très politique de son action. Cela voudra dire que le seul critère de performance qui compte à ses yeux, demeure les résultats électoraux. Ainsi, il va envoyer un mauvais signal aux Sénégalais en indiquant aux responsables de sa majorité que le seul critère pour faire partie de l’équipe gouvernementale, c’est d’obtenir des résultats électoraux. Ça serait une meilleure façon de dire aux Sénégalais qu’il n’a pas fait une bonne lecture des résultats de Yaw’’, indique-t-il.

Avant de poursuivre :  ‘’La coalition de l’opposition doit ses résultats à la demande sociale qui est restée insatisfaite. On a élu des maires de Yaw que les populations ne connaissaient même pas, parce qu’on était dans une logique de sanctions. Aujourd’hui, l’école est en crise, les secteurs des transports, de la santé sont aussi dans la tourmente. Ainsi, s’il ne répond pas à ces exigences, ça veut dire qu’il n’est pas prêt à prendre en charge les requêtes du ‘Parti de la demande sociale’.  S’il ne le fait pas, il va vers un renforcement de l’opposition et de Yaw, en vue des prochaines législatives’’, déclare-t-il. 

Selon le journaliste politique, la nomination du futur Premier ministre indiquera la nouvelle configuration que Macky Sall va donner au prochain gouvernement. ‘’Si Macky Sall estime que la priorité est de répondre à la demande sociale, il mettra un Premier ministre technocrate qui ne va pas perdre son temps à faire de la politique politicienne, mais qui sera là pour booster l’action gouvernementale. Néanmoins, s’il considère que la demande sociale n’est pas essentielle et que l’importance se trouve à massifier sa coalition, il va choisir un politique et il fera fausse route, car il n’a pas compris le message adressé par les Sénégalais au mois de mars dernier et qui a été renouvelé, en partie, le 23 janvier dernier. Les Sénégalais l’attendent sur la satisfaction de leurs besoins pressants et non dans la politique politicienne permanente’’, conclut-il.  

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