Étude sur les rémunérations dans l’Administration : Dysfonction publique

par pierre Dieme

Les syndicalistes de l’enseignement sont en grève depuis des mois, pour exiger le respect des accords de 2018 et la révision du système de rémunération des agents de l’Administration. Un système de rémunération caractérisé par des disparités et iniquités, révélées par une étude réalisée en 2015. Le Quotidien se penche sur les révélations et recommandations de cette étude, qui devraient permettre de corriger ces dysfonctionnements.

Rattrapé par sa générosité sélective envers ses agents, l’Etat aura du mal à trouver la bonne formule pour corriger les inégalités. Volontaire, Macky Sall bute sur la réalité. Après avoir gelé leurs plans d’actions pour l’année scolaire 2020-2021 à cause de la crise liée au Covid-19, les enseignants, qui font partie des corps les plus lésés, ont déterré la hache de guerre pour exiger le respect des accords de 2018 et surtout la révision du système de rémunération. Concernant ce dernier point, une étude réalisée en 2015 avait révélé des disparités et iniquités, sources de frustrations. Partant de ce constat, ladite étude réalisée par le cabinet Mgp-Afrique, a montré que «la réforme du système de rémunération des agents de l’Administration est donc devenue incontournable, en vue non seulement de promouvoir une meilleure allocation des ressources budgétaires, mais également d’accroître l’équité dans les rémunérations et de mettre en place un système qui permette de motiver les agents de l’Etat les plus performants».
Ce travail effectué il y a 6 ans, avait décelé «un certain nombre de contraintes qui pèsent sur le budget de l’Etat, du fait de la masse salariale des agents publics». Dans le document, les auteurs avaient rappelé que les 103 358 agents de l’Etat émargeant sur le Titre II du budget de l’Etat, représentent une masse salariale de «485,2 milliards pour 1482,5 milliards de recettes fiscales, ce qui représente un ratio de 32,7 %». Ils avaient ainsi précisé que «ces chiffres, tirés des dépenses imputées au Titre II du budget de l’Etat, n’incluent pas celles afférentes au personnel des institutions, ni ne tiennent compte des dépenses de personnel imputées sur des crédits de matériel, voire sur des dépenses communes».

«Salaires ou indemnités payés directement sur une base mensuelle, sans rapport avec leurs soldes indiciaires»
L’étude s’était aussi penchée sur «l’évolution des grilles indiciaires, la prolifération des primes et indemnités, les augmentations successives de la rémunération des agents de l’Etat». Elle avait ainsi révélé qu’aussi bien «en valeur absolue qu’à travers l’accroissement de la valeur du point d’indice, combinées à la reprise des recrutements et aux reversements effectués, ont conduit à un accroissement de la rémunération des agents et, consécutivement, à une forte progression de la masse salariale au cours des quinze dernières années, surtout dans sa composante primes et indemnités». Sur les disparités, l’étude avait ainsi montré «une différence d’échelles indiciaires entre certains corps de même niveau de recrutement, soit une progression de carrière plus rapide dans certains corps par rapport à d’autres de même niveau, du fait d’un nombre plus restreint de classes ou d’échelons, conféré par leur statut». Et aussi «une couverture incomplète de la durée normale de carrière par le nombre d’échelons contenus dans chaque échelle». Autre dysfonctionnement, c’est le fait qu’au cours «de ces dernières années, les agents d’un certain nombre de corps ont pu bénéficier de salaires ou indemnités payés directement sur une base mensuelle, sans rapport avec leurs soldes indiciaires, ou en référence à d’autres corps ou fonctions de l’Administration». Dans le document, il est fait état du cas «des inspecteurs généraux d’Etat, dont les rémunérations actuelles, d’un montant sans commune mesure avec celles qu’ils auraient perçues sur la base de leur échelonnement indiciaire, revalorisé du reste en 2006, ont été fixées, de surcroît, nettes d’impôts (cf. le décret n° 2011-1044 du 26 juillet 2011) ; des magistrats supérieurs, en l’occurrence les présidents et procureurs des hautes juridictions, dont les rémunérations ont été alignées sur celles octroyées aux membres du Conseil constitutionnel à la veille de l’élection présidentielle de 2012 ; des conseillers en organisation, qui n’ont certes pas bénéficié d’une telle rémunération globale, mais qui ont obtenu un alignement de leurs indemnités de fonction sur celles des conseillers techniques de la présidence de la République, pour pouvoir disposer de rémunérations substantielles (cf. le décret n° 2014-800 fixant le rang, les indemnités et avantages des conseillers en organisation en service au Bureau organisation et méthodes);
, etc.». Les auteurs de cette étude avaient également souligné «les effets pervers de tels décrets instituant des rémunérations ou indemnités de fonctions globales, en lieu et place des soldes indiciaires». Ils avaient ainsi fait savoir qu’il «ne s’agit là que «d’indemnités différentielles de salaire», allouées aux intéressés pour leur permettre d’atteindre un certain niveau de rémunération». Et d’expliquer : «Leurs salaires indiciaires étant ainsi maintenus en vigueur, même virtuellement, pour la gestion des carrières et les avancements notamment, c’est sur cette base que devrait s’effectuer, selon toute logique, la détermination de l’assiette de leurs pensions de retraite, une situation qui leur sera donc défavorable à terme.» Mais, avaient-ils relevé : «Il semblerait d’ailleurs, d’après les données de solde de 2014, que les agents de certains de ces corps, notamment les Ige et les magistrats (pour ce qui concerne certaines fonctions occupées), cumulent leurs an­ciennes primes et indemnités avec cette sorte de solde globale qui leur a été octroyée, atteignant ainsi des niveaux inattendus.»

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