Au pays des “Door Kat”

par pierre Dieme

L’année 2021 s’achève, et comme en 2020, elle laisse un goût amer lorsque l’on prend le temps de revisiter l’actualité. Le Sénégal va mal. Il faut être un optimiste béat ou vivre dans une tour d’ivoire pour prétendre le contraire. Prenons par exemple ces quatre derniers mois où le pays renvoie l’image d’une société corrompue, avec des scandales qui se succèdent à un rythme effréné. Et comme souvent quand un corps pourrit, c’est par le haut qu’il commence. Nos élites n’ont pas brillé par leur vertu ni par l’exemplarité.

L’assemblée, cœur de la démocratie, censée être un condensé en miniature du peuple, a perdu le peu qui lui restait de crédit dans une affaire de trafic de faux passeports diplomatiques, où deux de ses membres sont mouillés jusqu’au cou.

Le Trésor public, institution qui dans l’idéal devrait compter en son sein des personnes à l’abri de toute tentation crapuleuse, est aujourd’hui ébranlé par une rocambolesque histoire de détournements dont les principaux suspects sont deux Inspecteurs. 5 milliards de nos deniers se sont volatilisés dans cette opération qui n’a pas encore livré tous ses secrets.

Si les cadres de l’administration publique donnent le la, les simples fonctionnaires eux-aussi suivent la cadence. Ainsi à la LONASE, ce que l’on peut appeler un gang de caissiers a opéré un véritable casse avec un peu plus d’un milliard de francs CFA détourné au moyen d’une ingéniosité qui ferait pâlir les scénaristes de Marodi.

Même des lanceurs d’alerte, qui sont d’ordinaire à la pointe du combat pour la démocratie, la transparence et la lutte contre la corruption, nous pensons à Simon et Kilifeu du Mouvement Y’en A Marre, ont donné d’eux une image pitoyable, dans des vidéos où leur honorabilité et leur éthique a pris un sacré coup.

Un seul dénominateur commun dans toutes ces affaires : l’argent.

Doit-on changer notre devise, “Un Peuple, Un But, Une Foi”, par “En avoir ou pas”. La quête de l’argent – “L’argent, l’argent roi, l’argent Dieu, au-dessus du sang, au-dessus des larmes, adoré plus haut que les vains scrupules humains, dans l’infini de sa puissance”, s’écriait Zola- semble être notre moteur, notre seul idéal de vie. Et pour amasser le plus possible au diable les scrupules, les principes, l’honneur et la décence ordinaire.

Aucune strate sociale n’est épargnée par le mal. Les “door kat” (escrocs dans le wolof populaire) se trouvent partout.

Il suffit juste de se jeter dans la colonne faits-divers et les excellentes narrations de notre confrère ici à Emedia, Cheikh Moussa Sarr, pour mesurer la profondeur abyssale du mal. Tantôt c’est un charlatan qui se vautre dans l’inceste pour “augmenter ses pouvoirs magiques” afin d’attirer une clientèle toujours plus large.

Une autre fois, c’est une dame travaillant dans le département monétique de la CBAO qui pioche 27 millions F CFA dans le compte des clients.

Récemment, c’est un homme, qui, après avoir séduit l’ex femme de son mari, a usé de tous les subterfuges possibles pour soutirer frauduleusement 22 millions F CFA à sa nouvelle conquête.

Il y a de la matière pour poursuivre cette litanie de faits ad nauseam.

Mais relevons, pour terminer, que ces multiples exemples montrent qu’il est temps d’en finir avec cette notion très nombriliste et égocentrique de “homosenegalensis”. Concept creux et fallacieux dont on use et abuse. Le Sénégalais n’est pas fait d’une étoffe spéciale, il appartient à la commune humanité, avec ses vertus et ses vices.

Par Adama NDIAYE

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