Plus de deux années environ après la suppression du poste de Premier ministre dans le gouvernement sénégalais, Macky SALL rétropédale à 180 degrés et restitue à l’architecture institutionnelle du pays sa fameuse Primature, sceau du chef du gouvernement
Le retour programmé de la Primature dans l’armature institutionnelle n’a pas encore fini de susciter moult réactions au sein de la classe politique, des observateurs et du citoyen lambda. Encore moins de livrer tous ses secrets. Alors que les uns parlent de pilotage à vue de la gouvernance politique, les autres font valoir la nécessité institutionnelle et refusent toute idée de tâtonnement de la part du Président Macky Sall. Un chef de l’Etat qui semble lui arc-bouté dans un schéma politique et/ou politicien bien mitonné dans sa tête. Pour cause, le retour de la Primature est annoncé à la veille d’échéances électorales dites cruciales pour l’avenir de la majorité présidentielle. Surtout en perspective des Locales et autres Législatives à venir, voire de la Présidentielle de 2024 pour laquelle on soupçonne le chef de l’Etat de vouloir briguer un autre mandat
Plus de deux années environ après la suppression du poste de Premier ministre dans le gouvernement sénégalais, le président de la République et patron de la majorité parlementaire rétropédale à 180 degrés et restitue à l’architecture institutionnelle du pays sa fameuse Primature, sceau du chef du gouvernement. Lors du Conseil des ministres du mercredi 24 novembre, Macky Sall a ainsi fait part à l’attelage gouvernemental du retour imminent du poste de Premier ministre. Une station qui avait été biffée du Sénégal en mai 2019, lorsque le dernier titulaire au poste, Mahammed Boun Abdallah Dionne, avait été mis au frigo pour rapprocher… le président de la République de la gestion des dossiers phares du gouvernement. La décision du chef de l’Etat de remettre au goût du jour la Primature ne continue pas moins de susciter des réactions au sein de la société sénégalaise. En bien et/ou en mal, suivant la plupart du temps la posture d’empathie ou de défiance des uns et des autres vis-à-vis du pouvoir de Macky Sall.
Ainsi en est-il de l’opposition qui diagnostique, dans le retour programmé de la Primature dans l’armature institutionnelle, un véritable pilotage à vue de l’action gouvernementale, voire un tâtonnement symptomatique d’un régime en pleine crise de confiance. Suffisant pour pousser les partisans du pouvoir à sortir du bois pur contre-attaquer et dégager en touche toutes les récriminations à l’endroit du poste de Premier ministre, actuellement sur l’agenda du Chef de l’Etat. Parmi ces défenseurs de l’action du Président, on retrouve en premier le ministre des Collectivités territoriales, par ailleurs porte-parole du gouvernement, Oumar Guèye pour qui, contrairement à ce que pensent certains acteurs politiques, notamment ceux de l’opposition sur le retour annoncé du poste de Premier ministre, il n’y a aucun tâtonnement dans la gouvernance publique des affaires par le président Macky Sall.
Selon le ministre porte-parole du gouvernement qui était devant l’Assemblée nationale, le jeudi 25 novembre, dans le cadre de la réforme de l’Acte III de la décentralisation aux fins d’y insérer l’élection des maires et présidents de Conseil départemental au suffrage universel direct, «il n’y a aucun tâtonnement concernant la question du retour du poste de Premier ministre. Le président Macky Sall a senti la nécessité de faire revenir le poste de Premier ministre, il n’y a aucune raison de polémiquer sur une telle question ». Aymérou Gningue, le président du groupe parlementaire de la majorité, Benno Bokk Yakaar, n’en dira pas moins. Aussi indiquait-il au micro de Sud Fm, dimanche dernier, que rien n’a été le fruit d’un tâtonnement dans cette décision du chef de l’Etat. Au contraire, selon lui, la restauration de la Primature répondait à un schéma cohérent et bien pensé, relativement à deux impératifs dont la forme de gouvernance appliquée au Sénégal (budget-programme) et le souci de donner au Parlement la possibilité de procéder aux évaluations des politiques publiques.
CALCUL POLITICIEN OU BROUILLAGE DES CARTES
Annoncé à moins de deux mois de la date des Locales prévues pour le 23 janvier, le retour de ce poste de chef de gouvernement est loin d’être gratuit chez Macky Sall, passé de maître du jeu politique à maître du coup de Jarnac politique. Et ce n’est pas l’opposition qui affirmera le contraire, elle qui subit depuis 2012 tous les coups de boutoir d’un adversaire qui use à satiété de tous les stratagèmes politiques pour gagner les élections.
De 2012 à aujourd’hui, Macky Sall a su ainsi rafler toutes les joutes auxquelles il a pris part face à son opposition. A la veille des élections locales de janvier, jaugées déterminantes pour les Législatives de 2022 et la présidentielle de 2024, le chef de l’Etat avance un pion qui pourrait servir de véritable détonateur et/ou de force motrice pour sa majorité. Etant entendu que le retour du poste de Premier ministre est synonyme de dissolution du gouvernement et probablement de postes à pouvoir dans le nouvel attelage à composer, il est aisé de penser que l’investissement sera maximal pour les responsables de la majorité qui voudront faire leurs preuves en vue de gagner les grâces du chef de l’Etat. Cette carte jouée par Macky Sall, à la veille des élections, pourrait aussi cacher bien d’autres secrets. Ce n’est pas Ousmane Sonko, le leader de Pastef-Les Patriotes qui dira le contraire. Aussi a-t-il dit à Tivaouane, samedi dernier, que « Je suspecte Macky Sall d’envisager cette option afin d’organiser des législatives anticipées, ce qui entraînerait le report des locales ». C’est dire à quel point pour beaucoup d’esprits, le président Macky Sall est bien arc-bouté dans un schéma politique et/ou politicien savamment mitonné dans sa tête, avec ce retour de la Primature annoncé à la veille d’échéances électorales dites cruciales pour l’avenir de la majorité présidentielle.
En dehors de son agenda chargé de futur président de l’Union africaine en 2022 ou de toute nécessité institutionnelle de faire revenir son fusible et/ou son interface devant les syndicats, les organisations patronales, les ministres et autres, Macky Sall semble bien reparti dans ses calculs avec ce retour envisagé de la Primature. Reste maintenant à savoir quels sont tous les contours de ce rétropédalage du chef de l’Etat qu’on soupçonne de vouloir briguer un autre mandat en 2024 et qui a toujours habitué sa galaxie à ne jamais poser d’actes gratuits.