Ces députés «hors-la-loi»

par pierre Dieme

L’Assemblée nationale du Sénégal est dans une véritable zone de turbulence. Pour cause, de 2012 à 2021, des députés issus de cette auguste institution ne cessent d’être cités dans des scandales dont le dernier en date est le trafic supposé des passeports diplomatiques. Sans occulter l’affaire des faux billets et autres impôts impayés. D’où la nécessité de repenser le profilage des députés afin d’éviter d’envoyer des «hors la loi» au sein l’hémicycle et de porter un sacré coup à l’image de la République sénégalaise.

L ’Assemblée nationale du Sénégal est-elle devenue une institution à scandales ? E tout cas, depuis quelques temps, des scandales impliquant des membres de cette deuxième institution de la République ne cessent d’alimenter l’actualité. On peut citer entre autres, l’affaire des impôts impayés, soulevée par le député Ousmane Sonko ; l’affaire des faux billets impliquant l’ex-député Seydina Fall alias Bougazelli qui défraie à nouveau la chronique avec la révélation de vidéos et autres photos contenus dans son dossier transmis au Parquet. Last but not least, certainement, c’est cette affaire de trafic supposé de passeports diplomatiques, dans laquelle deux députés sont encore cités. Toutes ces affaires ont un point commun : l’Assemblée nationale, cette haute institution de la République chargée de voter des lois et dont ces membres semblent aujourd’hui avoir de la peine à respecter comme peuvent en témoigner ces multiples scandales.

TOUJOURS EN QUETE D’ARGENT FACILE

Cette affaire de trafic de passeports diplomatiques sénégalais qui pollue depuis quelques temps le débat publique est mise à nu par la redoutable Division des investigations criminelles (Dic) de la Police nationale dans le cadre d’une enquête ouverture suite à une plainte de deux dames contre El Hadji Diadji Condé le présumé cerveau de cette affaire. En effet, lors d’une perquisition effectuée au domicile de Condé, sis à Cambérène dans le cadre de leur enquête, des éléments de la Dic ont trouvé sur place plusieurs documents dont des copies de passeports diplomatiques des députés de cette Treizième Législature. Interpellé par les enquêteurs sur la présence de ces documents appartenant aux députés, El Hadji Diadji Condé a confié à ces derniers qu’il travaillait ensemble avec ces représentants du peuple qui, selon lui, «agissaient parfaitement en connaissance de cause puisque chacun trouvait son compte dans ce business». Il s’agit entre autres de Mamadou Sall et Boubacar Biaye et d’un autre dont le nom n’est pas révélé dans la presse, tous membres du groupe de la majorité parlementaire. Cependant, plus de deux semaines après que cette affaire a éclaté, aucune procédure n’a été enclenchée dans le sens de permettre aux enquêteurs de faire face aux présumés mis en cause afin qu’ils puissent apporter leur part de vérité dans cette affaire de trafic supposé de passeports diplomatiques qui selon certains observateurs, écorne «l’image gravement l’image du Sénégal».

LA DIC, PUIS LA GENDARMERIE

Toutefois, il faut souligner que cette affaire de trafic supposé de passeports diplomatiques n’est pas le premier scandale rocambolesque impliquant des membres de l’Assemblée représentative de la République du Sénégal. Le 20 novembre 2019 dernier, la Section de recherche de la Gendarmerie, après plusieurs jours de filature est parvenue à prendre en flagrant délit de trafic présumé de faux billets aux abords de l’Assemblée nationale, Seydina Fall Boughazeli, un député du parti au pouvoir l’Alliance pour la République. Présentait à l’ancien doyen des juges d’instruction, feu Samba Sall après deux jours de garde à vue dans les locaux de cette unité spéciale de la Gendarmerie, il a finalement été placé sous mandat de dépôt pour des délits «d’association de malfaiteurs, contrefaçon de billets de banque ayant cours légal, blanchiment de capitaux et corruption», pour avoir proposé aux gendarmes enquêteurs, 10 millions de FCA en échange de sa liberté). Mais le 3 juin 2020, il a pu recouvrer sa liberté après plusieurs rejets des demandes de liberté provisoire introduites par ses avocats, pour raisons médicales auprès de l’ex-doyen des juges d’instruction. Mais au lieu de raser les murs ou de faire son mea culpa en demandant pardon au peuple sénégalais, ce député s’épanche dans les médias avec une désinvolte inouïe.

QUAND SONKO PARLAIT IMPOTS IMPAYES

Autre grande affaire sulfureuse dans laquelle, l’Assemblée nationale est citée, est celle dite des «impôts impayés de l’Assemblée nationale». Révélée par le leader de Pastef, Ousmane Sonko, cette affaire lui avait d’ailleurs valu son poste d’inspecteur des impôts et domaines suite à sa radiation de la fonction publique par un décret du président de la République pour «manquement au droit de réserve». S’exprimant au cours d’un panel «Les samedis de l’Economie», Sonko avait révélé que l’Assemblée Nationale devait 2,7 milliards au fisc sénégalais. Le lendemain, cette sortie a embrasé toute la République à l’époque au point que l’ancien ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, Amadou Ba soit obligé, après un démenti, par voie de communiqué de presse, de monter au créneau lors de l’examen du projet de loi n 16/2016 portant première loi de finances rectificative pour l’année 2016, pour indiquer que cette déclaration de Sonko, «découle d’une mauvaise utilisation de l’information sur les dettes fiscales des agences et structures autonomes assimilées». Élu député à l’issue des élections législatives de 2017, Ousmane Sonko reviendra à la charge sur cette polémique relative à l’impôt des députés pour déclarer encore lors d’une émission sur une télévision privée «que le député sénégalais paie 1.500 FCFA d’impôts», faveur qu’il n’a pas manqué d’ailleurs de dénoncer avec force. Interpellé sur cette question son collègue député du groupe de l’opposition, Mamadou Diop Decroix a indiqué pour sa part qu’il «est manifeste que comparé au système d’imposition appliqué aux salariés, le système d’imposition appliqué aux députés induit une différenciation très nette en faveur du député et qui permet donc de dire que le député ne paie pas le juste impôt même s’il paie bel et bien un impôt».

Nando Cabral GOMIS

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