Le régime du président Macky Sall est-il un gouffre d’«opposants» politiques ? En effet, si l’histoire politique du Sénégal a été toujours marquée par de rudes luttes démocratiques menées par de grandes figures de l’opposition et de la société civile contre les différents régimes, le Sénégal, sous la gouvernance du président Macky Sall semble faire exception à cette règle. La plupart des opposants radicaux de l’actuel chef de l’Etat sont contraints au silence à cause des casseroles mis à jour sur la place publique.
Coïncidence ou pas, depuis son élection à la présidence de la République le 25 mars 2012, toutes les personnes qui ont choisi la voie de l’opposition radicale comme l’avait fait Me Abdoulaye Wade contre les régimes du président Léopold Sédar Senghor et son successeur Abdou Diouf, ont pour la plupart mal fini. La preuve, cette affaire de trafic de passeports diplomatiques qui éclabousse aujourd’hui l’image du mouvement «Y en a marre» du fait de l’implication présumée de trois de ses membres très actifs.
KILIFEU, SIMON ET THIAT, SOUILLES DANS UN «TRAFIC»
Lancé en janvier 2011 par un collectif de rappeurs et de journalistes dans un contexte de contestation contre les coupures intempestives d’électricité, ce mouvement a joué par la suite un grand rôle dans la perte du pouvoir par le régime libéral du président Wade, notamment à travers sa participation à la manifestation du 23 juin 2011 et ses campagnes d’incitations des jeunes à s’inscrire sur les listes électorales afin de participer au changement à la présidentielle de févier 2012. Suite à l’avènement de la seconde alternance politique au Sénégal, l’engagement des membres de ce mouvement qui prônaient «un changement de mentalité pour l’émergence d’un Nouveau Type de Sénégalais (NTS) dans une République des citoyens», a été salué dans la plusieurs pays au point que ses leaders soient invités à partager leur expérience dans certains pays africains comme en République démocratique du Congo (Rdc), au Burkina Faso pour ne citer que ceux-là. Au lendemain de la prise de pouvoir par le régime en place, le mouvement «Y en a marre» avait observé une pose de plusieurs années de ses activités de contestation jusqu’à la veille des législatives 2017. L’éclatement de cette affaire présumée de trafic de passeports diplomatiques dans laquelle sont cités, Kilifeu, Simon et Thiat intervient dans un contexte où ce mouvement qui a clairement déclaré son opposition à toute éventualité d’une troisième candidature pour l’actuel chef de l’Etat, menait comme en 2011 des activités de conscientisation des jeunes en perspectives des prochaines élections locales. Toutefois, il faut préciser que les responsables du mouvement «Y en a marre» ne sont pas les seuls à voir leur réputation construite au fil des années de lutte citoyenne fortement écornée d’un seul coup.
QUAND KHALIFA ABABACAR SALL SE PERD DANS LA CAISSE D’AVANCE DE LA MAIRIE DE DAKAR
Membre influent du Parti socialiste, Khalifa Ababacar Sall est certainement la première personnalité publique à voir son image et ses rêves brisés à cause de son opposition radicale au régime du président Macky Sall. Maire charismatique de la populeuse commune de Grand Yoff propulsée par sa popularité à la tête de la ville de Dakar après la victoire mémorable de la coalition Benno Siggil Sénégal, issue des Assises nationa les dont il était tête de liste lors des locales de 2009, Khalifa Ababacar Sall nonobstant sa réélection devant l’ancienne Premier ministre Aminata Touré, investie par la coalition au pouvoir lors des locales de 2014, n’a pas pu pour autant sortir indemne de son bras de fer avec l’actuel chef de l’Etat, autour de la présidentielle.
Présenté à l’époque comme un sérieux adversaire politique qui pourrait même passer devant le président sortant lors de la présidentielle de 2019, Khalifa Ababacar Sall a vu son rêve anéanti par le régime en place dans une affaire de détournement de deniers publics durant son premier mandat de maire de Dakar entre 2009 et 2014. Accusé le 3 mars 2017 par l’actuel procureur de la République, Serigne Bassirou Guèye d’avoir utilisé sans justification 1,83 milliard de francs CFA de la caisse d’avance de la ville de Dakar, il sera par la suite condamné à 5 ans de prison ferme assortie d’une amende pénale de 5 millions francs CFA, sans dommages et intérêts. Une situation qui le met ainsi définitivement hors de course pour une élection présidentielle.
OUSMANE SONKO ET LE «PIEGE » DU SALON D’ADJI SARR
Outre Khalifa Ababacar Sall, le leader du Pastef, Ousmane Sonko fait également partie des responsables politiques qui semblent aujourd’hui faire les frais de leur opposition radicale au président Sall. Traqué par le régime en place qui est allé jusqu’à le révoquer de la fonction publique à cause de sa ligne politique basée sur les dénonciations de certains manquements à la bonne gouvernance, Ousmane Sonko a réussi pourtant à tenir tête et à tenir bon jusqu’à la présidentielle du 26 février 2019 dernier où il a obtenu un score mémorable pour une première participation.
En effet, arrivé 3ème derrière Macky Sall, président élu, avec ses 58,27% et Idrissa Seck (20,50%), pour sa première participation à une présidentielle, Sonko qui a toujours incarné l’aille dure de l’opposition au président Sall, est ainsi présenté par plusieurs observateurs comme un potentiel successeur de l’actuel chef de l’Etat. Seulement, en début de cette année, il sera lui aussi éclaboussé par une crasseuse affaire de viol présumée avec menace de mort sur une employée d’un salon massage. Une affaire qui a failli d’ailleurs vaciller les institutions de la République du Sénégal.
En effet, convoqué à la Section de recherche de la Gendarmerie nationale qui a ouvert une enquête suite à une plainte déposée par Adji Sarr, nom de la jeune femme qui a accusé Ousmane Sonko de l’avoir violé à plusieurs reprises sous contrainte de menace avec arme à feu, le leader de Pastef a tenu un point de presse dans lequel, il a accusé nommément le président Macky Sall d’être derrière cette accusation dans le but de le faire condamner pour ainsi l’éliminer comme Khalifa Sall et Karim Wade de la course à la prochaine présidentielle.
Dans la foulée de cette déclaration, il a ainsi annoncé son refus de déférer à cette convocation, tout en appelant ses partisans à la résistance. Un appel qui a finalement eu écho favorable puisque suite à son arrestation sur la route du tribunal, des manifestations violentes ont secoué Dakar et plusieurs villes de l’intérieur du pays les 3, 4 et 5 mars au point que le juge du 2e cabinet qui avait hérité de cette affaire, se rétracte.
Prenant alors le dossier, le doyen des juges d’instruction, en lieu et place d’un mandat de dépôt comme le prévoit la loi en cas d’accusation de viol, a finalement choisi de placer Sonko sous contrôle judiciaire, le laissant ainsi rentrer chez lui. Une décision qui a finalement ramené le calme dans le pays. Seulement, l’image de Sonko continue de souffrir de cette affaire mœurs. Comme qui dirait : «Macky qui s’y frotte s’y pique».