Une affaire de trafic présumé de passeport pollue l’atmosphère à l’Assemblée nationale. Deux députés, Boubacar Biaye, président du conseil départemental de Sédhiou et Pca de l’ARD et Mamadou Sall, président du conseil départemental de Saléméta, tous appartenant à la majorité parlementaire, ont été cités dans cette histoire. Suffisant pour qu’Emedia pose le débat sur la délivrance de ce document très prisé, mais réservé à une minorité très réduite.
D’après l’administrateur civil de classe exceptionnelle, Mbagnick Ndiaye, la délivrance du passeport diplomatique est du domaine exclusif du président de la République. « Le passeport diplomatique est délivré par le Gouvernement du Sénégal, en l’occurrence le ministère des Affaires étrangères, sous le contrôle rigoureux du chef de l’Etat. C’est parce que le ministère des Affaires étrangères est l’un des quatre ministères du domaine régalien qui relève du Président », renseigne M. Ndiaye.
Une République, c’est également des institutions et des missions. C’est pourquoi, d’autres personnalités qui incarnent des fonctions étatiques bénéficient de ces passeports diplomatiques. Selon Mbagnick Ndiaye, le président de la République est le premier à bénéficier de ce passeport. Ensuite, le Premier ministre et l’ensemble des ministres du gouvernement. Dans le domaine judiciaire, le président de la Cour Suprême, le président du Conseil constitutionnel et le Procureur général peuvent en être bénéficiaires.
À l’Assemblée nationale, tous les députés sont détenteurs de passeport diplomatique. De même que leurs épouses. Mais, pour M. Ndiaye, c’est l’accessibilité trop facile à ces passeports qui a amené « toutes cette pagaille ». « Maintenant n’importe quel quidam en possède. Là où il faut s’en désoler, c’est quand la délivrance touche l’assemblée nationale que l’on voit des députés s’adonner à des trafics, ça devient grave et ça décrédibilise l’image du Sénégal », se désole-t-il.
L’ancien député, Cheikhou Oumar Sy relève également la gravité des suspicions contre les députés. C’est pourquoi, il estime que l’enquête doit aller jusqu’au bout. « C’est très déplorable que des députés soient cités dans des trafics de passeports diplomatiques. Ça l’est d’autant plus que l’Assemblée nationale est la 2ème institution de l’Etat. Le Parlement représente le peuple et ce dernier se voit dans une posture de trafic de passeport qui ternit l’image du pays ». Pour lui, l’Assemblée devrait se ressaisir d’autant plus qu’elle « avait déjà été citée dans une affaire trafic de faux billets. C’est un délit très grave. S’il est avéré, ils doivent être poursuivis par le Procureur. Le passeport diplomatique n’est pas n’importe quel passeport ».
Vers une levée de l’immunité parlementaire des députés incriminés
La levée de l’immunité parlementaire des deux parlementaires cités n’est plus qu’une question de jours. Pour Me El Mamadou Ndiaye, c’est la procédure normale. « Les députés bénéficient d’une protection devant la Loi, observe-t-il. Pour qu’ils soient poursuivis, il faudrait au préalable l’autorisation de l’Assemblée nationale. Et cette procédure se passe à l’Assemblée nationale ». Revenant sur les faits, Me Ndiaye note que le trafic de passeport tel que communément appelé n’a pas une qualification juridique. « Mais cela ne veut pas dire que les faits constitutifs de trafic de passeports ou de visas ne sont pas sanctionnés, explique-t-il. Ils sont classés dans une catégorie bien précise d’infraction. Ce sont celles des faux dans un document administratif. Dans notre Code pénal, ce sont des faits qui sont prévus et réprimés par l’article 137. C’est la sentence de tout fait que l’on a commis en vue d’établir la preuve d’un fait qui n’est pas du tout réel afin de donner à un individu un droit qu’il n’a pas ».
Pour les sanctions, M. Ndiaye précise que « ce sont des faits qui sont réprimés par l’article 137 du Code pénal et sont punis d’une peine allant de 6 mois à 3 ans d’emprisonnement ainsi que d’une amende 20 mille à 500 mille ».