Le Parti démocratique sénégalais (Pds) n’est donc pas partant pour la grande coalition initiée par les leaders de Pastef, Taxawu Sénégal et le Pur. Mise en place la semaine dernière et lancée en grande pompe par les leaders des partis précités, la coalition « Yewwi Askan Wi » avait suscité beaucoup d’espoirs au sein de l’opposition, notamment la possibilité de récupérer les mairies conquises par BBY lors des dernières élections locales tenues il y a sept ans. En décidant de ne pas faire partie de cette coalition, le Pds n’est-il pas en train de réussir un coup médiatico-politique ?
L’espoir suscité par la naissance de la coalition initiée par Ousmane Sonko, Khalifa Sall et Serigne Moustapha Sy n’a duré que le temps d’une rose. Le guide moral des Moustarchidines ayant annoncé à Tivaouane que le Pds faisait partie des membres fondateurs, les Sénégalais avaient pensé que l’heure avait sonné pour la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY), au pouvoir depuis 2012, de perdre la quasi-totalité des communes et collectivités locales. Pour beaucoup, ces élections, qui se profilent à l’horizon de 2022, constitueraient des primaires avant les législatives prévues dans la même année.
Malheureusement, cet espoir nourri par la frange de nos compatriotes supportant l’opposition risque d’être déçu. Pour cause, le Parti démocratique sénégalais (Pds), jusque-là en tout cas principale force de l’opposition, a décidé finalement de ne pas participer à cette coalition. Dans un communiqué publié par ses instances, le Pds soutient n’avoir jamais ratifié aucun document allant dans le sens d’adhérer à cette coalition. Ce qui a fini de ralentir l’élan suscité par la coalition en gestation auprès de la population.
D’ailleurs, certains observateurs rappellent que le Pds n’en est pas à son premier coup de Jarnac. « L’attitude de Me Abdoulaye Wade en 2019 était un peu bizarre et même contre nature. Le Pds perd le pouvoir et se retrouve dans l’opposition et voilà qu’à l’élection présidentielle qui a suivi, il n’a même pas présenté de candidat. Historiquement, le Pds a toujours eu un candidat et a participé à des élections », estime le politologue Mamadou Sy « Albert » avant de s’interroger : Pourquoi le Pds n’avait pas donné de consignes de vote en faveur d’un des quatre candidats en lice ?
Et le politologue de se demander si Me Wade n’aurait pas fait un choix définitif pour dire que c’est Karim Wade et personne d’autre. Analysant la sortie du Pds de la grande coalition dénommée Yewwi Askan Wi, le journaliste politologue Bakary Domingo Mané essaie de l’expliquer à travers trois paramètres. « Le premier paramètre, c’est que les têtes de ponts de la grande coalition dont on parle ont une opposition très affirmée face au chef de l’Etat. Ils ont un discours dans lequel le Pds pourrait ne pas se retrouver. Le second élément, c’est ce que j’appellerai la carte Karim Wade avec l’effet de l’épée de Damoclès qui pèse au-dessus de sa tête. C’est quelqu’un qui ne peut pas aller aux élections d’après le régime en place… Cette carte Karim a poussé le Pds à compter ses alliés. C’est-à -dire qu’il ne peut pas intégrer un groupe où l’opposition est affirmée alors qu’il est en train de négocier comment faire en sorte que toutes les charges qui pèsent sur Karim Wade puissent être levées. Le troisième paramètre, c’est qu’on ne sait plus ce que pèse ce parti depuis 2019 ? Tout ce qu’on sait, c’est que lors des précédentes législatives, le Pds, en coalition avec d’autres partis, avait pu obtenir un groupe parlementaire. Entre temps, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. En 2019, le Pds ne s’est pas présenté, donc impossible de l’évaluer », analyse Bacary Domingo Mané.
Poursuivant, le journaliste politique croit que le parti de Me Wade n’a pas intégré cette coalition car, voulant se mesurer, il préfère créer une autre coalition où il va pouvoir jouer les premiers rôles.
Me Wade derrière Ousmane Sonko ou Khalifa Sall ?
Après avoir refusé d’intégrer la coalition Yewwi Askan Wi, quelle pourrait être maintenant l’attitude du Pds vis-à -vis non seulement de ses militants mais aussi de cette population désœuvrée, déroutée ? Une seule alternative semble lui être offerte si ce parti tient encore à son existence. Le Pds, qui a toujours été un catalyseur des populations frustrées, doit aller seul ou en coalition aux prochaines locales.
Cette alternative pourrait toutefois se préciser dans les jours à venir car Me Wade pourrait compter sur ses alliés traditionnels comme Bokk Gis-Gis de Pape Diop, And Jëf de Mamadou Diop Decroix, en plus de l’Alliance pour la Citoyenneté et le Travail (ACT) d’Abdoul Mbaye, la République des Valeurs de Thierno Alassane Sall et d’autres partis satellites frustrés par la démarche jugée discriminatoire des leaders de la grande coalition Yewwi Askanwi.
Une chose est sûre : le Pds, quoi que l’on puisse dire, est la locomotive de l’opposition. Prenons l’exemple du département de Pikine où la formation libérale avait gagné lors des élections locales de 2014, les communes de Guinaw Rail Sud, Thiaroye Sur Mer, Mbao et Pikine Nord. Pour avoir participé à des dizaines de scrutins depuis la naissance de son parti, en 1974, au point d’avoir remporté la magistrature suprême en 2000, Me Abdoulaye Wade connaît bien les rouages de l’organisation des élections.
Il sait que, pour rafler le maximum de communes d’arrondissement, il va devoir constituer un grand pôle politique. C’est pourquoi, au vu de son expérience et compte tenu de tout ce qu’il a représenté et continue encore de représenter, « Me Wade, voire le Pds, ne veut pas être derrière Ousmane Sonko ou Khalifa Sall ou aucun autre parti de l’opposition. Son alter ego c’est Macky Sall dont il veut affronter le pouvoir », soutient Mamadou Sy « Albert ».
Son point de vue semble être partagé par Bakary Domingo Mané : « Le Pds n’intégrera pas une coalition que lorsqu’il sera sûr d’en être la locomotive. Or, Sonko sait ce qu’il pèse, le PUR de Moustapha Sy est sorti en quatrième position sur cinq lors de la présidentielle de 2019 … » a-t-il ajouté. Alors le Pds a-t-il réussi un coup politique en quittant la coalition Yewwi Askan Wi ? Notre confrère de botter en touche : « Il n’y a pas de coup politique réussi par le Pds car, pour quitter une coalition, il faudrait aurait fallu qu’elle existe. Je ne veux pas tomber dans le piège de la guerre des mots. Une coalition, qui n’est pas encore constituée, comment pourrait-on parler de retrait ? », s’est exclamé notre interlocuteur.Â
Le Témoin