Le flou de l’Acte iii refait surface

par pierre Dieme

Entre la Ville de Dakar, gérée par Soham El Wardini de Taxawu Sénégal opposée au pouvoir et la mairie de Dakar Plateau gérée un proche du régime, Alioune Ndoye du Parti socialiste (Ps), á qui revient la compétence de la réhabilitation du marché Sandaga ?

Le différend qui oppose la Ville de Dakar à la collectivité territoriale de Dakar Plateau, sur la démolition du bâtiment central du marché Sandaga, remet au goût du jour la lancinante question de la délimitation claire des compétences et prérogatives des différentes structures. L’imprécision de l’Acte III de la décentralisation sur les compétences des uns et des autres, est mise en cause.

Entre la Ville de Dakar, gérée par Soham El Wardini, maire de la coalition Taxawu Sénégal opposée au pouvoir central et la collectivité territoriale de Dakar Plateau, à sa tête un maire proche du régime, Alioune Ndoye du Parti socialiste (Ps), á qui revient la compétence de la réhabilitation du marché Sandaga ? Cette question mérite tout son pesant d’or d’autant plus que tous les deux brandissent des arguments pour asseoir leur légitimité á agir dans cette affaire. En effet, le maire de Dakar Plateau fait appel á l’Acte III de la décentralisation pour réclamer la réparation d’une injustice. Faisant face á la presse, le lundi 16 août dernier, ce responsable du Ps, anciennement membre de la coalition Taxawu Ndakaru qui s’est agrandie en Taxawu Sénégal, indique qu’«avec l’Acte 3, la gestion des équipements, des marchés de même que des infrastructures correspondantes a été dévolue aux communes qui les abritaient a l’exception d’un seul marche dans tout le Sénégal, a savoir Sandaga. Nous avions alors dénonce cette situation au niveau de la commission Ad-hoc constituée pour la démolition du patrimoine mais, aussi par plusieurs écrits. L’argument banal qui nous avait été opposé fut que Sandaga n’était plus un marché puisque délocalisé aux Champs de course depuis 2013 et déclare déjà à l’époque comme menaçant ruine bien avant qu’il ne subisse deux grands incendies».

Pour sa défense, le successeur de Khalifa Sall à la mairie de Dakar brandit les arrêtés 27/11 du 3 mai 2006 et celui 88/3 du 12 septembre 2007, conformément a la loi 71-12 du 25 janvier 71 fixant le régime des monuments historiques, sans oublier celui des fouilles et découvertes et son décret 2001-1065 du 11 décembre 2001 relatif a un inventaire des sites et des monuments du Sénégal. « Ainsi, cette loi a son article 170 confère a la ville, la surveillance et la conservation des sites et monuments historiques, la promotion et la valorisation des sites et monuments historiques, la promotion de la culture nationale et locale », soutient-elle comme arguments pour asseoir sa légitimité. Ce conflit de compétence rappelle bien des égards ceux précédents qui avaient opposé la Ville de Dakar á certaines structures, depuis l’entrée en vigueur de l’Acte III de la décentralisation. Trois épisodes de cette guerre entre la Ville de Dakar et d’autres entités, tel que l’État central, restent frais dans les mémoires.

A l’instar de la sommation servie à la Mairie de Dakar par la Direction de la surveillance et du contrôle des sols (Descos, un organe dépendant de la Primature) pour arrêter les travaux de pavage sur la corniche ouest de Dakar, du blocage par l’Etat de l’emprunt obligataire lancé par la ville de Dakar dans la zone Uemoa, comme du différend ayant opposé la municipalité à l’ex-ministre du Cadre urbain, Diène Farba Sarr, concernant l’aménagement de la Place de l’Indépendance. Quid de ce fameux Acte III de la décentralisation censé faire une répartition claire, juste et équitable des pouvoirs et compétences des différentes structures sur un même territoire ? Pourquoi les autres villes gérées par des maires proches du pouvoir, á savoir Pikine du maire de l’Apr, Abdoulaye Timbo, Guédiawaye d’Aliou Sall de l’Apr, Thiés de Talla Sylla de l’Alliance Jëf Jël, parti membre de la mouvance présidentielle, ne connaissent pas ce conflit de champs de compétence ? En réalité, le problème semble provenir de cette réforme entrée en vigueur, en 2014.

De l’avis d’un expert en décentralisation qui a requis l’anonymat, « il y a beaucoup de flou » sur les interventions des uns et des autres sur le même territoire. Brandissant les principes du code, notamment la libre administration des collectivités territoriales, la compétence générale de développement économique et social de leur territoire, il se demande alors qu’est ce qui peut empêcher á une commune d’agir. Au même moment, fait-il noter, la loi fait un transfert de compétences de l’Etat vers lesdites collectivités dans huit domaines. Par exemple, il a été dévolu aux collectivités les compétences de construction de salles de classe et de centres de santé, ainsi que la réhabilitation de ceux-ci. Mais, depuis 1996, année du transfert de ces ressorts, l’État continue de construire des salles de classe. Sur le domaine de l’urbanisme, l’État a transféré la compétence sur l’urbanisme et l’aménagement du territoire. C’est en réalité aux communes de faire un plan d’utilisation des sols. Malheureusement, regrette l’expert en décentralisation, les communes ne planifient pas l’urbanisme et l’aménagement.

Ainsi donc revient le problème des moyens de ces collectivités. Notre expert fait remarquer, en outre, que l’Acte III de la décentralisation n’a pas respecté une des orientations qui dit qu’il faudrait la lisibilité des échelles de gouvernance, c’est á dire, qu’il faut définir clairement les responsabilités des uns et des autres, á savoir entre l’État et les autres, mais aussi entre les collectivités territoriales, les départements, les communes qui sont á l’échelle des villes, entre autres. Ce qui n’a pas été fait, laissant un vide exploité selon les intérêts. Il pense, par conséquent, que la seconde phase de l’Acte III doit prendre en charge ces grandes questions pour que la cohérence territoriale permette d’avoir une viabilité concrète des collectivités. Mieux, il reste convaincu que tant qu’il n’y a pas une clarté des responsabilités, les objectifs d’émergence ne seront jamais atteints.

Jean Michel DIATTA

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