Elément essentiel pour avoir de bons rendements, surtout avec l’appauvrissement des sols, l’engrais chimique ou organique reste introuvable dans le département de Nioro, plus particulièrement dans la commune de Médina Sabakh. Inquiets pour leurs rendements, les agriculteurs sollicitent plus d’engrais à la place des semences. (Reportage)
‘’Cette année, le Sénégal n’a pas d’engrais. La plupart des agriculteurs viennent s’approvisionner chez nous, en Gambie. Parce qu’ils disent que le Sénégal n’en a pas’’, lâche un jeune homme au cours d’une discussion à Médina Sabakh. Muni de cette information, ‘’EnQuête’’ s’est rapproché des agriculteurs, pour en savoir plus.
En ce début de matinée ensoleillée, la situation est quelque peu tendue au magasin de stockage de la localité. Le magasinier n’est pas là. Quelques agriculteurs venus prendre leur engrais, s’impatientent. Au bout d’une dizaine de minutes, il arrive dans son véhicule. Approché, il confie qu’en réalité, l’engrais est devenu une denrée rare, cette année. ‘’Il n’y a pas d’engrais’’, dit-il sans vouloir entrer dans les détails.
Si ce dernier n’a pas souhaité s’épancher sur la question, c’est tout le contraire des agriculteurs qui ne se privent pas d’étaler leur désarroi. ‘’Ma fille, il ne faut pas chercher loin. Cette année, l’engrais est introuvable’’, lancent-ils en même temps. ‘’J’ai cultivé trois hectares de mil et jusque-là, je n’y ai pas mis une seule petite graine d’engrais. Ma femme aussi a cultivé un hectare de mil et elle n’a rien reçu. J’ai également un 2,5 ha d’arachide. Or, on ne m’a donné que deux sacs d’engrais organique et un autre sac d’urée. Franchement, cette année, nous peinons à trouver de l’engrais. La variété qu’on utilise pour le mil est introuvable. Celle pour le maïs n’est qu’en faible quantité et on n’en a même pas à Médina Sabakh’’, narre Ndary Touré, assis devant la porte du magasin.
Avec un bout de papier de couleur rose qui leur serve de ‘’bon’’ ou de ‘’reçu’’, les agriculteurs viennent à deux ou seul pour retirer leurs sacs. Aussitôt servis, ils quittent les lieux à bord de leur charrette ou moto. ‘’Nous avons fait toutes les formalités, comme il se doit. Mais on n’a aucune graine d’engrais à mettre dans nos champs. Vous nous avez trouvé ici en train d’en chercher. Nous avons de l’argent, nous voulons acheter de l’engrais, mais il n’y en a pas assez pour tout le monde. Si nous le savions, nous allions demander à l’Etat de nous donner l’engrais à la place des semences. Parce que nous sommes arrivés à un stade où le sol est pauvre et il est habitué à l’engrais. Si on n’en met pas, on n’aura pas un bon rendement. Quoi qu’il en soit, l’engrais reste la priorité, pour nous’’, confie Birane Seck, qui vient de récupérer ses deux sacs.
D’après notre interlocuteur, ils n’avaient jamais rencontré un tel problème, auparavant. ‘’Notre problème était, souvent, financier. Quand on avait de l’argent sur soi, on pouvait se procurer de l’engrais comme on voulait. Cette fois-ci, c’est le contraire. On a l’argent et pas d’engrais. Or, à côté, en Gambie, ils ont de l’engrais de qualité pour le mil. Mais nous n’osons pas y aller. Car si les douaniers nous arrêtent, ils vont saisir l’engrais, la charrette et aussi le cheval, en plus d’une amende. Franchement, notre seul souci, actuellement, est d’avoir de l’engrais’’, ajoute cet agriculteur avant de partir à bord de sa charrette.
Le marché gambien, une alternative pour leur approvisionnement
Habitant dans une zone frontière, ces cultivateurs se sont rués vers le marché gambien, à la quête de l’amendement pour enrichir leurs sols, afin d’obtenir de bonnes récoltes. ‘’Au début, nous partions en Gambie pour nous approvisionner en engrais et le dédouaner. Mais depuis quelque temps, les choses ont changé. Les douaniers ne nous laissent plus faire entrer l’engrais. On ne sait plus ce qui se passe. Personnellement, je ne suis pas allé en Gambie. Je m’approvisionnais auprès des revendeurs. On mettait 500 F de plus sur le sac. Ils achetaient le sac entre 8 000 et 8 500 F CFA en Gambie. C’était avant le début de l’hivernage. Mais quand la pluie est tombée, ils revendaient le sac à 11 000 F CFA. Malgré cela, les gens étaient obligés d’acheter, car ils étaient dans le besoin et n’avaient aucune alternative’’, souligne par ailleurs le vieux Ndary Touré.
Les règles douanières ayant changé, ces cultivateurs ont été obligés de se procurer de l’engrais à Ndiba Ndiayène (village située à une dizaine de kilomètres de Médina Sabakh). ‘’Aujourd’hui, notre souhait, c’est que l’Etat nous donne plus d’engrais à la place de la semence. C’est un plaidoyer général. Car le magasin de stockage que vous voyez est rempli de semences d’arachide ; personne ne les a prises. Maintenant, la plupart des agricultures gardent leurs semences après les récoltes. Vraiment, qu’ils arrêtent les semences et qu’ils nous donnent de l’engrais. C’est ce dont nous avons vraiment besoin, actuellement’’, plaide-t-il.
L’agriculteur affirme que ce manque d’engrais va avoir des impacts sur les rendements des cultures. ‘’Avant, à cette période de l’année, on avait de belles tiges de mil. Mais cette année, ce n’est pas le cas, à cause du manque d’engrais. Si l’Etat ne prend pas des mesures urgentes, nous n’aurons pas de bons rendements. L’année dernière, nous n’avions pas eu de difficulté. Tout était dans l’ordre. On s’était ravitaillé correctement en engrais et en semence’’, fait-il savoir.
A Kaffrine, la même galère
Si du côté du Sabakh, le fumier chimique reste rare, dans le département Kaffrine et à Malène Hodar, le produit devient rare. ‘’Actuellement, il n’y a pas d’engrais. J’ai voulu m’approvisionner à nouveau pour le revendre au niveau du marché local, mais je n’en ai pas trouvé. Au niveau des ICS, on m’a dit que je n’ai droit qu’au quota qu’ils m’ont donné et que je devais fournir à l’Etat. C’est 2 000 t que j’ai déjà distribuées. J’ai distribué les 1,5 t dans le département de Malène Hodar et le reste à Kaffrine et les autres localités’’, relève ce fournisseur d’engrais.
NOTE DE LA REDACTION
‘’EnQuête’’ a tenté de joindre les services du ministère de l’Agriculture et de l’Equipement rural, pour en savoir plus sur la situation, en vain. Le secrétaire général du ministère, ainsi que le directeur de l’Agriculture n’ont pas répondu à nos appels. On leur a laissé des SMS ; sans réponse.
Du côté des Industries chimiques du Sénégal (ICS) aussi, nos tentatives sont restées vaines.
MARIAMA DIEME