Le PASTEF, un nouvel ogre politique à l’assaut des mairies

par pierre Dieme

Avec la dissolution en son sein de 13 formations politiques, le Parti Pastef, qui vient d’opérer une mutation au relent international, a annoncé en plus, sous la houlette de son leader, Ousmane Sonko, une grande coalition de l’opposition en perspective des locales. Qu’est ce qui se cache derrière cette ruée subite de leaders politiques vers le Pastef ? Sonko peut-il incarner une figure d’union au sein d’une opposition dispersée face à la coalition présidentielle ? Des spécialistes de sciences politiques répondent à ces questions à cinq mois des joutes municipales.

Fort des 13 petites formations qui viennent de se saborder en son sein, le parti Pastef a fini de s’imposer sur l’échiquier politique. Ce, à la veille de sa première participation à une élection municipale dans cinq mois. Et si on se fie à l’analyste politique Momar Diongue, cet élan pris par le Pastef n’est que le résultat de sa dynamique positive sur un terrain déserté par l’opposition. En observant la scène politique depuis la dernière présidentielle, selon M. Diongue, on se rend compte qu’en dehors de Macky Sall qui s’évertue à élargir la base de sa coalition, en s’ouvrant à Idrissa Seck et aux anciens du PDS, seul le Pastef est dans cette dynamique avec ses nouvelles alliances. « Parmi la quasi-totalité des leaders de l’opposition, s’il y a un seul qui est actuellement dans une spirale positive, c’est bel et bien Ousmane Sonko. Il est parti d’un faible score aux dernières législatives pour arriver au stade où il est en ce moment. Et les leaders politiques, qui ont des ambitions électorales, ne perdent jamais de vue une telle percée. Donc en cette période pré-électorale avec ses enjeux, ce n’est pas étonnant qu’il y ait une ruée de formations politiques vers le Pastef. D’autant plus que les autres grandes formations politiques comme le PDS et le « Taxawu » de Khalifa Sall se trouvent toutes dans des impasses. Personne ne sait de quoi demain sera fait pour le premier nommé qui mise sur Karim Wade exilé au Qatar et dont le sort est lié à celui de Khalifa. Tous ces deux ténors sont presque exclus du champ électoral et leurs horizons politiques sont assombris », explique l’analyste politique. Donc, selon lui, non seulement Sonko va profiter de cette brèche représentée par la mise hors jeu de ces deux ténors mais encore des acteurs politiques, qui veulent s’accrocher au bon wagon, ne vont pas rater le train du Pastef surtout dans ce contexte où les postes de maires sont si convoités.

La ruée vers l’image de Sonko et l’envergure symbolique de Pastef

Enseignant et chercheur en sciences politiques à l’Université Gaston berger de Saint-Louis, Moussa Diaw voit en cette attraction autour de Sonko, l’envergure symbolique que draine le Pastef au sein de l’opposition. Mais, nuance le politologue, cela ne veut pas dire que la plupart des partis intégrés permettent de gagner énormément de voix. « Il y a certains qui ne pèsent pas grand-chose sur le plan purement électoral. Ce sont la plupart des leaders, et des formations qui veulent se propulser au-devant de la scène grâce à l’image du Pastef et sa capacité de mobilisation. Mais ce qui est important pour Pastef, c’est d’avoir lui aussi la possibilité d’agrandir sa marge de manœuvre, sa base et de faire contribuer les autres leaders dans son combat », analyste l’enseignant chercheur à l’université Gaston Berger de St Louis. Même son de cloche chez l’analyste politique Momar Diongue selon qui d’ailleurs le leader du Pastef est au fait de de cette donne. « Il est arrivé 3ème à la dernière élection présidentielle avec 15 % des voix. Ce qui qui relève d’un coup de maitre plus qu’honorable surtout pour une première participation. Or, le candidat Idrissa Seck, arrivé deuxième lors de cette échéance, est allé rejoindre le camp de la majorité au pouvoir. Donc, c’est lui, Sonko, qui fait actuellement figure de plus sérieux challenger contre le pouvoir en perspective de ces élections locales à venir. Autrement dit, c’est une sorte de grand boulevard qui est tracé devant lui. Et il en est conscient », décrypte le journaliste Momar Diongue. Et c’est pourquoi, poursuit t-il, en voulant rassembler toutes les autres forces de l’opposition derrière lui où autour de son parti, Sonko veut s’engouffrer dans ce boulevard car, en réalité, il veut non seulement gagner beaucoup de municipalités mais aussi aller avec sérénité vers la conquête du pouvoir suprême en 2024.

Le leadership local, le bémol de Pastef !

Pour Momar Diongue, le seul facteur qui risque de constituer une tache sombre dans la dynamique électorale enclenchée par le Pastef, ce sera la question de son leadership au niveau local. Car force est de constater, fait-il remarquer, qu’au niveau local, des figures emblématiques font défaut à la formation politique de Sonko. « Surtout une personnalité qui peut mettre d’accord toute l’opposition. Et cette situation risque de leur poser un réel problème en perspective de cette échéance. C’est pourquoi d’ailleurs, au niveau de Dakar, il serait difficile de concevoir qu’un leader de la trempe de Soham Wardini se range derrière un candidat du Pastef. Et il en est ainsi pour d’autres localités où il n’y pas un leadership de Pastef qui s’affirme », soutient M. Diongue.

Moussa Diaw sur la nouvelle signification de Pastef : « C’est une rupture symbolique qui vise à projeter l’image de Sonko au niveau continental »

Chercheur en sciences politiques, Moussa Diaw s’est également penché sur la mutation opérée par Ousmane Sonko sur la signification de son sigle, le Pastef, devenu « Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité ». M. Diaw explique : « C’est pour rendre son parti plus africain d’autant plus que le fondement idéologique de ce parti repose sur des références qui ont marqué la vie politique africaine et le panafricanisme. Mais le fait de parler de « Patriotes africains du Sénégal » vise aussi à projeter l’image du leader Sonko au niveau continental. Car, quand on regarde idéologiquement les partis qui sont là, ils ont importé leurs idéologies. Le socialisme, le libéralisme ne sont pas sénégalais. Ce sont des penseurs occidentaux qui ont réfléchi sur ces idéologies. Pour Sonko, c’est une rupture par rapport aux fondements idéologiques. C’est-à-dire qu’il n’a pas besoin d’aller chercher des idéologies ailleurs qu’en Afrique. Donc en réfléchissant sur la pensée androgène, c’est-à-dire un certain nombre de pensées politiques africaines, il a su construire une politique sur cette base qui va s’ouvrir aux Africains et naturellement ça va lui donner une envergure d’un africanisme reconnu sur le plan symbolique. Maintenant, sur le plan politique, c’est important parce qu’il y a la solidarité africaine, le panafricanisme, des idées qui vont dans le sens de l’union des forces africaines, le combat africain et puis penser le développement au niveau africain. C’est-à-dire compter le développement sur l’Afrique, sur ses richesses, sur la transformation des matières premières en Afrique. C’est ça qui permettrait à l’Afrique de prendre en compte la dimension continentale, la nécessité de mettre en exergue ses richesses et de les mettre au service des Africains d’abord avant de s’ouvrir au monde. C’est quand même une innovation par rapport aux leaders politiques qui sont là où bien des partis politiques classiques dont on connaît le fonctionnement. »

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