La Division des investigations criminelles (Dic) a établi que Lin Xiwei, arrêté dans l’affaire des salles de jeux avec machines à sous, exportait frauduleusement les pièces de 100 Fcfa vers la Chine. Une fois là-bas, les pièces étaient fondues et d’autres matières en étaient fabriquées y compris des… « pièces » de 500 Fcfa réinjectées dans le marché monétaire de la zone Fcfa. Cette pratique a causé une « pénurie » de pièces de monnaie au Cameroun, où les machines étaient installées dans un premier temps.
Courant 2020, une grave pénurie de pièces de monnaie, qui continue encore, avait frappé le Cameroun. A tel point que la Banque centrale de la communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), avait annoncé le lancement d’investigations suite à son 4ème Comité de politique monétaire tenu à Yaoundé. Libération est en mesure de révéler que le ressortissant Chinois Lin Xiwei, arrêté au Sénégal pour avoir installé des salles de jeux avec machines à sous dans plusieurs localités, fait partie du réseau à l’origine de cette pénurie.
Lors de leurs interrogatoires à la Division des investigations criminelles (Dic), Ousmane Koné, Amath Gaye, Ismaila Mbaye et Massamba Gaye Ndiaye, qui ont longtemps travaillé avec le ressortissant chinois, ont révélé aux enquêteurs que Lin Xiwei ainsi que ses compatriotes exportent illégalement vers la Chine les fonds (constitués de pièces de 100 Fcfa) issus de leur activité illicite en utilisant des voies détournées. Une fois en Chine, ont-ils confessé, les pièces sont fondues et d’autres matières en étaient fabriquées y compris de de fausses pièces de 500 Fcfa qui sont réinjectées dans le marché monétaire de la zone Fcfa.
D’ailleurs, c’est à cause de cette pratique que le Cameroun, où ces machines étaient utilisées dans un premier temps, est frappé par une pénurie de pièces de 100 et 500 Fcfa, selon leurs aveux. Lors de son interrogatoire, sous le régime de la garde à vue, Lin Xiwei a expliqué avoir importé 150 machines à sous d’une valeur de 10 millions de Fcfa. Pour les formalités de dédouanement, il a dit avoir mis le container au nom de Massamba Gaye Ndiaye, lequel a réussi à les dédouaner. Après avoir récupéré les machines à sous, Lin Xiwei jure les avoir stockés dans un appartement, occupé par Massamba Gaye Ndiaye. Profitant de cette occasion, soutient-il, Massamba Gaye Ndiaye aurait dérobé ses machines qu’il avait installé dans des débits de boissons à son insu. Il a ainsi tenté de se dédouaner en affirmant n’avoir jamais été impliqué dans l’exploitation illégale des salles de jeux.
A l’en croire, en sus des machines à sous, Massamba Gaye Ndiaye aurait volé ses 35 millions de Fcfa ainsi que ses deux véhicules. Problème : entendus, Massamba Gaye Ndiaye, Ousmane Koné, Amath Gaye et Ismaila Mbaye ont confirmé que c’est bien Lin Xiwei qui a importé les machines à sous au Sénégal. Ils ont révélé que l’importation des machines se faisait en pièces détachées. Pire, le ressortissant Chinois se chargeait personnellement de les installer et de faire la programmation électronique, en y incluant le nombre de gagnants et de perdants. Autrement dit, Lin Xiwei savait combien de fois les joueurs pouvaient gagner ou perdre et toujours il s’arrangeait à ce qu’il n’y est que deux gagnants par jour, malgré le nombre pléthorique de joueurs. Par ailleurs, ils ont révélé que le mis en cause principal pouvait ramasser entre 1 et 1, 5 million de Fcfa par jour dans l’exploitation des machines et l’argent, constitué de pièces de 100 Fcfa, était stocké chez lui dans des sacs en tissus. Toutes les personnes arrêtées dans le cadre de cette affaire (Lin Xiwei, Massamba Gaye Ndiaye, Mouhamadou Diop, Ndiaga Thiam, Aly Dieng, Serigne Saliou Diom, Ousmane Kane, Amath Gaye, Moustapha Bass, Ismaila Mbaye, Sokhna Khady Mandiang et Fatou Siw) ont été mises à la disposition du procureur.
Pour rappel, ces machines étaient installées à Tivaouane Peulh, Saint-Louis, Thiès, Toubab Dialaw, Karang, Kaolack, Keur Ayib…Dans certains villages très reculés, Lin Xiwei aura réussi à rendre accrocs plusieurs jeunes que ne savaient pas que les machines étaient truquées.
Source : Libération quotidien/Edition du 14 juin 2021
Affaire Lin Xiwei : révélations sur un crime économique
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