Entre campagne politique déguisée et visites économiques: Comptes et mécomptes d’une tournée de Macky

par pierre Dieme

Après les foules monstres qui l’ont accueilli lors de la tournée qu’il avait effectuée dans le Sud-est, Macky Sall a entamé depuis samedi une nouvelle descente dans le Sénégal des profondeurs. Pour certains politiques, cette deuxième descente sur le terrain participe d’une volonté du chef de l’Etat de se refaire une popularité en baisse depuis les émeutes de mars et, surtout, la difficile conjoncture économique. Selon eux, donc, le président Sall avait besoin de se rassurer.

C’est en tout cas le sens que donnent des politologues aux tournées « économiques » du président Sall. Selon eux, ces tournées sont assez significatives et prouvent à suffisance la dimension politique des tournées du président de l’Alliance pour la république (APR). Momar Diongue, journaliste politologue, Abdoulaye Mbow, journaliste politologue et historien de formation, Bakary Domingo Mané, journaliste politique et l’universitaire et politologue Alioune Badara Diop, par ailleurs assesseur à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’université Cheikh Anta Diop (UCAD), décortiquent pour Le Témoin l’actuelle tournée politique, pardon économique, du président Sall dans la région Nord.

Tournée économique ou politique ? Des observateurs pensent que les manifestations du mois de mars dernier prouvent à suffisance l’affaissement de la côte de popularité du président de la République, Macky Sall. A les en croire, ces tournées dites économiques sont une belle initiative dans la mesure où elles permettent au chef de l’Etat de se connecter aux populations pour lesquelles il travaille. « Le fait que le président inaugure  un  certain  nombre  d’infrastructures est une bonne chose qu’il faut saluer.
D’ailleurs, dans une démocratie qui respire et qui met en avant la transparence, le président de la République doit être en mesure d’expliquer à la population ce qu’il est en train de faire
 », magnifie Bakary Domingo Mané dans les colonnes du journal Le Témoin. Il pense que ces infrastructures appartiennent aux populations.

A l’en croire, dans une démocratie qui marche, il faut juste apprécier ces inaugurations à leur juste valeur, une tournée économique d’un président ne devant pas être une chose exceptionnelle. Pour l’universitaire et politologue Alioune Badara Diop, interrogé par nos confrères, le président de la République, après les évènements du mois de mars dernier, avait besoin de se sentir aimé. D’où le choix du Nord. « Après que les manifestants aient brulé les édifices publics, le Président, dans  son  subconscient,  s’est  peut-être  dit qu’il a besoin de se retrouver dans une partie du territoire où il se sentirait aimé, légitimé et protégé. Et, justement, il y a le Fouta ou ses affidés lui ont dit que c’est son titre foncier », analyse l’assesseur à la Faculté de Droit de l’université Cheikh Anta Diop.

Il explique que la visite dans le Sénégal Oriental était juste une manière de brouiller les pistes. Mais sa destination était vraiment le Fouta pour sentir la chaleur parentale. Ceci, afin de reconstituer ses réseaux et faire amende honorable.

Tournée politique mal déguisée « Il est vrai que le président de la République  avait  annoncé  sa  tournée  économique qu’il a menée dans plusieurs localités de l’intérieur notamment à Kaffrine, Tamba et    Kédougou.  Après,  c’est  l’axe  du  Nord. Mais en réalité, cette tournée n’a rien d’économique.  A  preuve  par  les  discours  qu’il tient. A chaque fois qu’il prend la parole, on a l’impression d’entendre le président d’une formation  politique  qui  s’appelle  APR  et d’une coalition », estime pour sa part Abdoulaye Mbow, journaliste et politologue.

Selon lui, le président s’est transformé en un directeur de campagne en perspective des prochaines Locales de 2022. Abondant dans le même sens, le journaliste et politologue Momar Diongue soutient avec vigueur que cette tournée est éminemment politique. « Le président de la République vivait sur la psychose de ce qui s’est passé en mars dernier et qui avait beaucoup écorné sa cote de sympathie. De ce fait, il avait besoin de reprendre la main pour montrer qu’il reste encore populaire », analyse le journaliste et politologue dans le journal Le Témoin.

Pour M. Diongue, le choix du Nord n’est pas fortuit car, au lendemain des événements de mars, les premiers mouvements de soutien venaient du Fouta qui est la base du président. Mais également Tamba, Kédougou et Kaffrine là où sa cote de popularité ne souffre pas. Ce qui fait dire à M. Diongue que le président Sall a pris le moindre risque en allant dans ces zones qui lui sont déjà acquises. « Les trois objectifs politiques de la tournée du président. Le premier est du point de vue du symbole et de l’image à envoyer à l’opinion nationale et internationale. Il fallait montrer que le président reste populaire. Le deuxième objectif politique, c’est la marche vers les élections Locales et le président avait besoin de rabibocher un certain nombre de ses  responsables  à  couteaux  tirés.  Il  veut mettre fin au choc des ambitions. Sans doute en privé et en aparté en marge des manifestations de foule. Donc le but est d’anticiper sur les listes parallèles. Et pour le troisième objectif, le président à fait office de directeur de campagne pour ses édiles en vue de montrer  ses  réalisations », décrypte Momar Diongue pour nos confrères.

Quant à Bakary Domingo Mané, il explique que, là où le président passe, il privilégie la mobilisation au détriment des vrais problèmes que rencontrent les populations concernées… « Vous avez vu, là où le président est passé, il y a eu des brassards rouges et on a vu des nervis s’en prendre à des populations qui ont tort d’exhiber, entre guillemets,  des  pancartes  où  ils  crient  leur ras-le-bol », se désole Bakary Domingo Mané. Ce qui fait dire à M. Mané que cette tournée est « beaucoup plus politicienne qu’économique ». Allons donc, qui peut penser une chose pareille ?

Les deux erreurs de l’opposition
Selon Momar Diongue, l’opposition doit éviter le mimétisme, le suivisme sans fin. « Certains veulent marcher sur les traces du président  et  essayer  de  déconstruire  tout qu’il a fait dans le cadre de cette tournée. L’impression que ça donne, c’est que l’opposition est dans la réaction et non dans l’action et que c’est le président Macky Sall qui donne le tempo » alerte M. Diongue.

Qui fait remarquer qu’il suffit que le président sorte pour que l’opposition sorte de sa torpeur. Il soutient également que le discours tenu ce weekend à Thiès, lors d’une manifestation où des membres de l’opposition avaient mis l’accent sur le fameux troisième mandat, peut totalement déconnecter les populations sur les enjeux des élections locales.

Le Témoin

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