Préservons ce qui nous unit : notre commun vouloir de vie commune

par pierre Dieme

«Un Peuple – Un But – Une Foi». Telle est la devise de la République du Sénégal. Elle traduit notre volonté de vivre en commun, c’est-à-dire notre volonté (Une Foi), d’Unité (Un Peuple), pour la Construction nationale (Un But). Toutefois, ce pays exceptionnel, ce havre de paix dans une grisaille ouest-africaine est, depuis quelques années, sous des menaces inouïes. Elles ont comme noms, terrorisme intellectuel, discours régionalistes, communautarisme, sectarisme… Autant de maux qui menacent notre quiétude et surtout notre commun vouloir de vie commune.

DÉBAT AU RAS DE PÂQUERETTES

Selon Constantin Salavastru, «le discours politique est une forme de la discursivité par l’intermédiaire de laquelle un certain locuteur (individu, groupe, parti etc.) poursuit l’obtention du pouvoir dans la lutte politique contre d’autres individus, groupes ou partis». Cette définition, est certes approximative. Mais, elle met en évidence la dimension pragmatique du discours politique, souvent associé à un discours du pouvoir. Autrement dit, on devrait s’attendre dans l’espace public à des confrontations d’idées entre les acteurs politiques où le camp qui incarne le pouvoir étale ses réalisations, fixe le cap et celui de l’opposition, tout en portant la contradiction, propose des solutions afin que l’opinion puisse faire son choix.

L’icône planétaire, Nelson Mandela (1918-2013), disait d’ailleurs, qu’«un bon leader peut s’engager dans un débat de manière franche et approfondie, sachant qu’à la fin, lui et l’autre partie doivent être plus proches, et ainsi sortir plus forts. Vous n’avez pas cette idée lorsque vous êtes arrogant, superficiel et mal informé». Hélas, à la place d’un débat civilisé, courtois et surtout utile pour l’opinion publique nationale et internationale, on assiste depuis plus de vingt ans maintenant, au Sénégal, à des confrontations au ras de pâquerettes. L’invective dans la bouche, des seconds couteaux envahissent les plateaux de télévision, les radios et autres sites internet.

Sans occulter les colonnes de journaux. Rien que pour sortir des énormités, dans le seul et unique but de faire plaisir à un leader politique, ou à une confrérie religieuse. La plupart d’entre eux d’ailleurs, sont des courtiers politiques et/ou religieux n’hésitant pas à tourner casaque au gré de leur intérêt. La conviction étant loin d’être leur tasse de thé. Comment sommes-nous tomber du Charybde en Scylla ?

Jadis, ce pays était connu pour la qualité de ses hommes et de ses femmes politiques au discours captivant, voire hypnotisant. Nous sommes certainement tous, nostalgiques des débats de hautes factures ; de ces chaudes empoignades entre Abdourahim Agne et Ousmane Ngom respectivement présidents de groupes parlementaires socialiste et libéral, à l’Assemblée nationale. Dans un français châtié, ils tenaient en haleine l’hémicycle et l’opinion publique. Qui ne se souvient pas des discours articulés autour du Sopi de Me Abdoulaye Wade, du Folli de Landing Savané et autre Jallarbi du brillantissime Pr Abdoulaye Bathily ?

La liste est loin d’être exhaustive. Au lieu de poursuivre dans la même dynamique que leurs aînés, la nouvelle race d’hommes politiques s’illustre autrement. Au grand dam d’une population qui assiste également impuissante à des «clasicos» dignes d’un Real Madrid-Fc Barcelone, Manchester United-Manchester City, Liverpool-Everton entre confréries, ponctués souvent de dérives loufoques qui sapent l’unité nationale.

LA RESPONSABILITÉ DES MÉDIAS

Qu’on le veuille ou non, l’influence des médias a pris une place considérable. Ils représentent un pouvoir indéniable dans la société mondiale et dans ses différentes fonctions que sont entre autres, informer, éduquer, divertir, prendre position etc., ils façonnent aussi l’opinion. Ils devraient donc promouvoir l’émergence des valeurs. Surtout en ces moments où tout va à vaul’eau. Malheureusement comme le craignait, Hubert BeuveMerry, les moyens de vivre des médias ont fini par compromettre leur raison de vivre. Certes ! Pour autant, ils ne devraient pas être gagnés de plus en plus par le sensationnalisme, l’exploitation des peurs, le stéréotype, l’émotion, la complaisance et le silence. Sans occulter une avalanche de stigmatisations.

Faisant dans la simplification et dans la généralisation, nous qualifions les Nigérians de trafiquants de drogue, les Wolofs de fourbes, les Diolas de travailleurs, les Peulhs de traitres, les Mandingues de paresseux etc. On oublie à quel point l’identité peut être meurtrière. N’est-ce que disait Amine Maalouf ! Et avec l’avènement des réseaux sociaux, l’inquiétude a pris une telle ampleur que notre très cher Sénégal a failli basculer dans l’inconnu. Les derniers événements de mars dernier suffisent pour démontrer que ce qui est arrivé aux autres, peut aussi nous arriver. Nous, qui pensions toujours que Dieu avait la nationalité sénégalaise. Excusez du blasphème ! Il urge donc de se ressaisir et surtout se s’ériger en une véritable sentinelle, en dernier rempart contre toutes les dérives ethniques, religieuses, confrériques et autre régionalistes qui gagnent de plus en plus en ampleur dans notre pays. Refuser surtout d’être cette honteuse et tristement célèbre «mille collines», cette radio rwandaise qui participait activement au seul et unique génocide qui a eu lieu sur notre continent en 1994.

HARO SUR LE DISCOURS DE LA HAINE

Le 5 août 2017, votre serviteur avait publié dans les colonnes de Sud Quotidien un article intitulé : «suis à la Wolof, Peul, Sérère…». L’objectif était de démontrer que l’identité ne se compartimente pas. Par la même occasion, nous avions alors indiqué que trois irrédentismes sont à éviter pour ne pas brûler notre cher Sénégal. Il s’agit de l’irrédentisme régional, l’irrédentisme religieux et enfin, l’irrédentisme ethnique. Notre pays a frôlé le chaos avec le premier. Mais, nous avons su démontrer à la face du monde que notre devise (Un peuple. Un but. Une foi), est plus qu’un simple slogan. Même si quelques poches de résistance subsistent encore dans notre chère Casamance, force est de reconnaître que notre peuple n’a de cesse de prôner la paix et l’unité. Sans complexe aucun. Sans gêne aucune, le président de la République, Macky Sall, lui-même, a appelé à la paix des braves, parce que, dans ce conflit qui remonte à 1982 où des Sénégalais tuent des Sénégalais, il ne peut y avoir ni de vainqueurs, encore moins de vaincus.

Désormais, ce sont les deuxième et troisième irrédentistes qui menacent notre commun vouloir de vie commune. Ils sont savamment entretenus par des hommes politiques mus par des intérêts personnels et d’autres hommes d’affaires tapis dans l’ombre qui tirent les ficelles dans le seul but d’assouvir leurs besoins financiers. Il nous appartient donc, à nous tous, de savoir trier la bonne graine de l’ivraie pour que notre cher Sénégal, reste un et indivisible, comme l’ont voulu les pères fondateurs, à l’instar de Léopold Sédar Senghor. Lui, le Catholique, soutenu, appuyé, aidé par les grands Khalifes musulmans, pendant plus de 20 ans à la tête de notre pays. Pour que notre cher Sénégal continue à être cet exemple du dialogue islamo-chrétien, ce havre de paix, jalousé et vanté partout dans le monde. Amine

PAR ABDOULAYE THIAM

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