« Pour un juge, il n’y a pire que d’entériner le mensonge au détriment de la vérité pour, uniquement, jouir de privilèges indus »
Messieurs les Juges, vous êtes d’éminents membres de l’illustre instance judiciaire qu’est le Conseil constitutionnel. Et pour marquer la dignité de vos fonctions, on vous a attribués le titre honorable de « « SAGES ». Un tel qualificatif n’est consacré par aucun texte officiel, c’est la société considérée en masse qui, sur la base d’une présomption d’honnêteté, de sincérité, de droiture, de justice, vous l’a conféré. Dès lors, n’est-il pas légitime, compte tenu du parcours cabossé et peu élogieux de votre institution, que cette distinction soit remise en cause ? En effet, le Conseil constitutionnel du Sénégal s’est plusieurs fois illustré par des décisions toujours discutables, contestées, contestables et sujettes à caution parce que ne correspondant pas à la vérité, et le plus souvent contraire à la logique la plus élémentaire et au bon sens commun. Le Conseil constitutionnel a, de tout temps, émis des décisions ou des avis, c’est selon, toujours favorables aux tenants du pouvoir et, singulièrement au Président de la République. Et, quelquefois, pour se dérober, faisant montre d’un ponce- pilatisme de circonstance et de mauvais aloi, il se déclare incompétent, une manière habile et peu courageuse de laisser les choses en l’état au profit de l’exécutif. Il est clair et bien évident que, compte tenu d’un tel vécu et d’une telle tradition, je me garderai de vous considérer comme de véritables sages, mais plutôt comme des pseudos sages.
Messieurs les Juges, pour l’heure, et cela a commencé dès l’entame du second mandat en cours, le débat public, notamment dans le domaine de la politique, est cannibalisé et pollué par la polémique sur l’éventualité et la possibilité d’une troisième candidature de Son Excellence Macky Sall, l’actuel Président de la République. Un tel débat, insidieusement, pernicieusement posé par les membres de la coalition présidentielle et sournoisement et malicieusement entretenu par le principal intéressé, ne devrait pas avoir lieu. La constitution, charte fondamentale de notre pays, actuellement en vigueur, est-on ne peut plus claire dans ses pertinentes dispositions, notamment à son article 27 qui stipule que « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. » En votre âme et conscience et en votre double qualité de juristes et de gardiens de la constitution, vous savez pertinemment qu’il n’y a guère matière à discussion. D’éminents juristes de la dimension de Seybani Sougou, Ngouda Mboup entre autres, ont démontré, à suffisance, avec des arguments juridiquement pertinents et scientifiquement incontestables, que le Président Macky Sall n’est pas éligible à l’élection présidentielle de 2024.
Messieurs les Juges, c’est le Président Macky Sall lui-même qui avait dit aux Sénégalais qu’il avait fait voter la révision constitutionnelle, notamment l’article 27 de la constitution, pour définitivement mettre un terme à la sempiternelle question, au récurrent débat sur le troisième mandat. Il est clairement stipulé dans cet article que « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. » Ce n’est mêmeplus une affaire juridique, c’est une affaire de français facile à comprendre. NUL, c’est un pronom indéfini qui a le sens de personne ; ce qui veut donc dire que personne, y compris le sieur Macky Sall, ne peut prétendre à un troisième mandat. Un MANDAT est un contrat unilatéral par lequel une personne (ici le peuple sénégalais), donne à une autre, le mandataire (Macky Sall) pouvoir de la représenter pour accomplir des actes, notamment à caractère juridique ; c’est la base du mandat et de ce contrat que le Président définit la politique de notre pays, signe les décrets, les conventions, les prêts etc… CONSECUTIFS, c’est-à -dire qui se succèdent immédiatement dans le temps et l’espace sans interruption. Il y a une petite nuance par rapport à successif ou l’on peut envisager un intervalle, si tenu soit-il. Ainsi, de 2012 à 2019, le Président Macky Salla exercé son premier mandat suivi immédiatement du second, sans aucune interruption pour n’avoir pas quitté le palais. A l’époque, pour justifier l’absence de déclaration de patrimoine du Président, ses partisans n’avaient-ils pas excipé de la continuité de son séjour au palais ?
Messieurs les Juges, lors de sa campagne en vue de la présidentielle de 2019, le Président avait dit aux Sénégalais qu’il en était à son premier mandat et qu’il sollicitait leurs suffrages pour un second et dernier mandat qu’il entamera en cas de réélection. A cette occasion, le Président avait déclaré et promis solennellement que jamais personne ne l’entendra évoquer un troisième mandat, tout simplement, parce qu’il en aura fini. A la page 165 de son livre, plutôt de son navet pompeusement intitulé, « Le Sénégal au cœur… », Il aclairement et expressément affirmé que s’il est réélu il en sera à son second et dernier mandat. Second et deuxième sont des synonymes parfaits ; seulement la règle communément admise et partagée, mais pas consacrée par l’Académie française, il faut bien le préciser, est d’écrire second lorsqu’il n’y a que deux éléments et pas de troisième dans l’énumération. Comme il est aisé de le constater, l’emploi du terme second, à lui tout seul, suffit pour clore le débat et indiquer que le Président Macky Sall ne peut prétendre à une troisième candidature. On peut considérer cela comme un premier verrouillage.
Mais qui plus est, le Président a ajouté que ce sera son dernier mandat ; dernier signifie qui vient après les autres dans le temps ou selon le mérite ou le rang. Cela veut dire plus rien d’autre après le dernier. Ici aussi ; l’emploi du terme dernier tout seul suffit pour clore le débat et indiquer qu’il ne peut plus prétendre à un troisième mandat ; on peut considérer cela comme un deuxième verrouillage. Comme cela a été démontré, c’est le Président Macky Sall lui-même qui, par ses écrits que vous avez certainement lus et à travers ses différents discours, engagements, et autres promesses, et les supports sont là pour en attester, a verrouillé à double tour la porte d’une troisième candidature. Un double verrouillage qui n’offre aucune échappatoire ; et toute tentative de passage en force sera considérée comme une tentative d’effraction relevant du grand banditisme politique. Vous savez pertinemment qu’il n’a jamais été question de durée du mandat mais du nombre de mandats limités à deux avec une clause d’intangibilité ou d’éternité consacrée par l’alinéa 2 de l’article 27 sciemment et nouvellement introduit à cet effet. Et puis, référez-vous à votre propre jurisprudence de 2012 ; les gens peuvent essayer de violer la constitution et s’en tirer à bon compte, mais quant à vous, ce serait une abomination et une forfaiture inouïe et gravissime que de violer votre conscience.
Messieurs les Juges, le Président de la République et ses partisans vous installeront dans la cause en vous impliquant dans ce débat exécrable, nauséeux et nauséabond du troisième mandat. En toute logique, vous n’avez absolument rien à dire dans la mesure où la constitution actuellement en vigueur n’offre aucune fenêtre d’opportunité pour installer le doute ; tout est clair et limpide. Leur stratégie que j’ai  largement et longuement décrite dans une de mes contributions consiste d’abord à activer des politiciens sans foi ni loi, des juristes stipendiés, des médias achetés  et des intellectuels  démissionnaires et corrompus, tous ayant vendu leur amé au diable, pour défendre la thèse de la troisième candidature ; ensuite, entreront en scène les militants de la coalition « benno book yakaar »pour une occupation du terrain avec la création tous azimuts de mouvements de soutien à la candidature du Président Macky Sall pour un troisième mandat, ce que j’appelle la validation ; enfin, sous le prétexte fallacieux de répondre à l’appel du peuple réduit à ses seuls partisans et, certainement, avec des explications filandreuses et laborieuses, le Président de la République va solliciter votre fameux , réputé et non moins célèbre Conseil constitutionnel pour avoir l’onction juridique nécessaire.
Messieurs les Juges, je vais vous interpeller sur un autre angle, inhabituel qui vous paraitra incongru avec une dose d’impertinence. Au nom du peuple, je suis conscient de ma prétention que j’assume, je sollicite des « sages » que vous êtes une intercession, une intervention auprès de son Excellence Macky Sall, Président de la République pour qu’il renonce à ses velléités manifestes de vouloir briguer un troisième mandat contre vents et marées, nolens volens.  Dissuadez-le de s’engouffrer dans une aventure incertaine et pleine de risques, un chemin tortueux plein d’embuches, une voie hasardeuse et dangereuse, à la limite suicidaire et dans des manouvres politiciennes et dolosives qui pourraient aboutir à des conséquences très meurtrières. Il faut qu’il évite que son nom soit toujours associé, chaque fois rattaché aux multiples morts enregistrés dans des manifestations, le plus souvent organisées, pour revendiquer des droits légitimes.
Messieurs les Juges, dites- lui de ne prêter aucune oreille attentive aux différents oiseaux de mauvais augure, aux courtisans et autres écornifleurs qui l’incitent, le poussent et l’encouragent à solliciter une troisième candidature ; et quand bien même il arriverait à se présenter, il faut qu’il sache que c’est le peuple, en toute souveraineté, qui octroie le mandat, et ce mandat ne lui sera jamais accordé Il ne faut pas qu’ils écoutent ces faux types dont l’intelligence estropiée d’avortons ne leur fait dire que des inepties. Autant, il est clair dans l’esprit des Sénégalais qu’il va se présenter, autant il doit, tout aussi être clair dans son esprit que ces mêmes Sénégalais s’y opposeront, dussent-ils y laisser leurs précieuses et inestimables vies. Il faut que le Président se méfie de son entourage constitué de politiciens invétérés, de véritables escrocs très ingénieux qui excellent dans la séduction sournoise, de vils transhumants, cette race de bêtes immondes dont les principes de vie se réduisent et se limitent à toujours vouloir remplir leurs panses insatiables, quitte à se gaver d’un mélange d’aliments fétides et de bouse de vaches. Les transhumants sont de véritables chacals, des lycaons affamés dont la dignité ne vaut plus que celle d’un rat d’égouts ; il faut les considérer comme des vermines à loger à la même enseigne que leurs hôtes qui les accueillent à bras ouverts en les corrompant avec l’argent du contribuable.
 Messieurs les Juges, en 2012, il a fallu plus d’une dizaine de morts pour qu’il accède au palais ; en 2020, il aura fallu plus d’une quinzaine de morts pour qu’il daigne comprendre la détresse et la misère que vit la jeunesse, cela ne pouvait en être autrement , s’étant lui-même défini comme un lion qui dort qui, de surcroit ne peut distinguer la couleur rouge ; combien lui faudra-t-il de morts pour qu’il comprenne, sur le tard, que son ambition, son aspiration malsaine à briguer un troisième mandat n’aura pas été une décision responsable, judicieuse, sage et bien réfléchie ? Soyez convaincus, dès à présent, que les manifestations futures pour empêcher une violation de la constitution, pour s’opposer à une troisième candidature à laquelle n’a pas droit le Président Macky Sall, risquent d’enregistrer un bilan macabre très lourd et très traumatisant. Le drame et le plus triste dans de telles situations, c’est de voir que c’est la tranche la plus dynamique, la plus active du peuple, en l’occurrence la jeunesse qui paie toujours le plus lourd tribut.
Messieurs les Juges, convenez avec moi qu’au-delà de son aspect juridique, linguistique et même légistique, la question du troisième mandat est une problématique axiologique, c’est-à -dire qui fait référence aux valeurs. Il s’agit d’évoquer l’importance de la parole donnée dans nos sociétés africaines, notamment celle de l’autorité considérée comme une émanation de la puissance divine. Ainsi la parole du chef, considérée comme infaillible et inaltérable, parce que d’essence divine doit être crue sans réserve ; un chef se doit toujours de dire la vérité, de ne point mentir et surtout de ne jamais se dédire. « Quelqu’un qui manque à sa parole est le plus vil des hommes. » (Dicton africain). Malheureusement, il faut le constater, pour, avec une certaine honte, le déplorer, le Président Macky Sall a une parole très instable, fluctuante, sans consistance et une propension aux reniements et aux parjures. Ce ne serait pas trop vous demander de le supplier pour que, de grâce, par dignité, pour son honneur et celui de sa postérité, par respect pour le peuple sénégalais qui lui aura tout donné, il n’abjure pas au sujet du troisième mandat.
Messieurs les Juges, aujourd’hui, vous bénéficiez de beaucoup d’avantages, de privilèges et de faveurs de la part de monsieur le Président de la république (villas cossues, voitures rutilantes, salaires consistants, garde rapprochée, bourses d’études pour enfants, âge de la retraite prorogé, prise en charge sanitaire totale etc…) Et je vous sais suffisamment intelligents et lucides pour comprendre que l’auteur de tous ces bienfaits attend un retour d’ascenseur que vous n’avez jamais refusé de fui accorder. L’alternative qui s’impose à vous n’est ni un véritable dilemme ni un choix cornélien à faire. Il s’agit, tout simplement, pour vous, de choisir entre les faveurs terrestres, éphémères, fugaces et provisoires de Son Excellence Macky Sall et celles éternelles et bénies d’Allah Le Tout-Puissant dont les décrets ne sont susceptibles d’aucun recours.
Messieurs les juges, chaque fois que vous vous isolerez dans la solitude et la quiétude de vos bureaux ou de vos chambres, chaque fois que vous poserez le front, pendant vos cinq prières quotidiennes pour affirmer votre soumission totale à Allah et lors de vos courtes promenades matinales, vespérales et nocturnes, les bras croisés derrière le dos égrenant votre chapelet, ne perdez jamais de vue et ayez toujours à l’esprit les conséquences fâcheuses, dramatiques, tragiques et meurtrières que pourraient engendrer la volonté, l’entêtement, auréolés de votre onction officielle, du Président Macky Sall à briguer un troisième mandat en totale violation de la constitution en vigueur dans notre pays dont vous censés être les gardiens. Vos responsabilités individuelles et collectives seront engagées et vous aurez sur la conscience d’avoir permis que le sang coule. Et comme l’a si bien dit le khalife général des Mourides, le sage Mountakha Mbacké, une seule vie de perdue est une tragédie humaine.
Messieurs le juges, m’excusant d’avance de mon impudence à verser dans un registre macabre, mais de vérité, sachez que viendra inéluctablement un jour ou votre âme désertera votre corps pour rejoindre les cieux ; souhaitons que ce soit le plus tard possible. Votre corps resté ici-bas sera enveloppé d’un linceul blanc immaculé pour être conduit dans votre dernière demeure, votre sépulture, un endroit d’une obscurité abyssale ou vous serez soumis aux interrogatoires préliminaires. Vous répondrez seul de vos actes. Le Président de la République a la prérogative constitutionnelle de nommer aux emplois civils et militaires et peut par décret prolonger vos carrières ; mais jamais il ne pourra allonger d’une seule seconde votre présence ici-bas quand arrivera le terme décrété par le Seul Détenteur de pouvoir e véritable JUGE qui Jugera tous les juges de tous les ordres.
Je ne saurais terminer sans exprimer mon soutien au peuple palestinien et mon adhésion totale à la lutte contre l’homosexualité. La défense de ces deux causes a montré, à suffisance et de manière indéniable, la formidable capacité de mobilisation des Sénégalais. Il faut espérer d’eux la même détermination et la même mobilisation populaire quand il s’agira de s’opposer à la violation de notre constitution qui ne permet à personne d’exercer plus de deux mandats consécutifs. « Vouloir conserver le pouvoir à tout prix ou y accéder coute que coute ne vaut pas la vie d’une seule personne. » (Son Grandissime et Sage Serigne Mountakha Mbacké Bassirou ).
     « NIIT BU AMUL KADDU, BUDUL SAM KADDU DU GOR. »
Dakar le 23 Mai 2021Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Boubacar SADIO
                                               Commissaire divisionnaire de police de classe
                                              Exceptionnelle à la retraite.