Une question de fond se pose à notre pays : est ce que l’école publique est encore un enjeu de développement pour nos gouvernants ? L’école est devenue un ghetto. On y va par défaut et on reste faute de mieux. La preuve on ne voit personne quitter un autre corps de métier pour devenir enseignant. Du coup il faut repenser d’abord le travail des enseignants avant même de réfléchir sur leur revalorisation. Il y a un malentendu là. Lorsque je silonne le pays, je vois la qualité des infrastructures scolaires et l’idée que l’Etat se fait du système.
L’Etat veut maintenir une « garderie » paisible et mininaliste. Leurs enfants n’y sont pas et ils ne comptent pas soutenir « la relève ». Les enseignants veulent qu’on les prenne au serieux et que leur outil de travail soit reconnu. C’est très dommageable. Et puis le client principal a cessé d’exiger un service. Ceux qui peuvent le faire envoient leurs enfants dans le privé. Il n’existe pas de vrai contrat de performance. Aors que le dialogue social sur la question de l’école est le premier contact social à définir pour le pays.
Comment voulons nous préparer les élèves pour la vie, pour les entreprises, etc. Quelles sont les motivations à devenir enseignant? Pourquoi voulons nous que les enseignants aient une motivation beaucoup plus altruiste que dans les autres corps de metier ? Au point qu’il devient presque indécent de réclamer un salaire digne ? Quid du statut social de la profession? Ce corps d’élite (c’était le cas) a connu plusieurs cycles de dilution. Aujourd’hui être enseignant est devenu très ambivalent. Les raccourcis sur leur formation, les recrutements politiques, la paupérisation sont passés par là. Donc ils n’arrivent plus à se définir comme un corps et cela fragilise leur capacité de négociation.
Le syndrome de l’illégitime… Ne parlez point de vos motivations extrinsèques (salaire décent, récompense, plan de carrière), estimez-vous heureux d’avoir été casés. A la différence des corps d’élite à fort impact ou à forte capacité de nuisance (magistrat, régie financière, forces armées et corps de contrôle ). Si l’école publique redevient un outil de refondation de notre pays et un moyen pour favoriser l’équité et l’ascension sociale par le mérite alors on aura moins de grèves d’enseignants. Et la manière de traiter cette question sera moins obscène.
Pour moi cela manque de pudeur la manière d’en discuter dans l’espace public. On peut observer comment on parle de leur recrutement, titularisation , salaire, indemnité de logement, frais pour aller superviser ou corriger le brevet ou le bac. En plus de la mauvaise politisation de l’école à travers eux. Enseignants de l’APR, enseignants de cela. La mauvaise féminisation de ce corps…C’est tout cela.
Et puis un Etat inapte au dialogue social. Son intention n’a jamais été de favoriser la stabilité dans les écoles. Ni de les pacifier. Ils veulent étouffer les grèves en usant de l’usure, de la pression sociale. Voila pourquoi au gré des rapports de force les mêmes plate-formes redevendicatives refont surface. Avec la sédimentation des promesses non tenues. Interrogeons nous sur le projet éducatif sénégalais. C’est sans doute plus urgent que de mettre autant d’énergie et de manipulations pour réduire des partis politiques fantoches de toutes les manières. Le syndrome de l’inversion prioritaire…
Photo NKEN. Abris provisoires, College Kevoye, 2018. Région de Kédougou, Sénégal
NKEN