Hôpital de Ninéfécha : Du rêve au cauchemar, en ruines, le bijou des Wade dégradé en poste de santé

par pierre Dieme

Situé à une quarantaine de kilomètres de la commune de Kédougou, l’hôpital de Ninéfécha a été inauguré le 6 novembre 2002 avant de mettre la clef sous le paillasson le 30 juin 2013. Après plusieurs mois de fermeture, l’hôpital a rouvert ses portes au public grâce à l’appui de la Vision mondiale avant d’être érigé en poste de santé en 2014 et intégré dans le système sanitaire de la région. Aujourd’hui, de l’hôpital de Ninéfécha, il ne reste que le nom, des habitations vétustes, des véhicules en panne, un personnel sanitaire réduit et de vieux souvenirs.

C’était un joyau au cœur d’un désert médical : portée par les rêves de grandeur de son mari, Viviane Wade avait installé un hôpital de dernière génération à Ninéfécha, situé à 40 km de Kédougou. C’était en 2002. Aujourd’hui, il ne reste de cette infrastructure, qui disposait d’un bloc opératoire, d’une maternité avec hospitalisation, d’un pavillon opéré récent, d’une chaise dentaire, d’une case de soins et des logements pour les médecins et infirmiers, que l’ombre de ces outils et de ces infrastructures. Depuis sa réouverture en 2014, la structure est passée d’hôpital moderne à poste de santé avec comme personnel sanitaire un infirmier-chef de poste, une sage-femme, une matrone, un dépositaire et un agent de santé communautaire. Trouvé dans son domicile de fonction, qui se trouve à quelques pas du poste de santé, Samba Diallo, Icp de Ninéfécha, affiche une bonne mine en cette forte période de chaleur. Malgré les conditions climatiques extrêmes et géographiques, il vit pour la prise en charge sanitaire des populations de Ninéfécha et les 23 villages que son poste polarise. Malgré cet optimisme et son engagement, les difficultés ne manquent pas : «Parmi les 14 postes de santé que compte le district de Kédougou, Ninéfécha est l’une des zones les plus difficiles d’abord à cause de son enclavement, la réticence des communautés qui sont en grande partie ancrées dans les pratiques culturelles mais aussi et surtout du fait que ces populations étaient habituées à la gratuité des soins au temps de l’hôpital avec l’Association éducation-santé.»
C’est un changement qui bouleverse le quotidien des populations. Avec l’avènement de l’hôpital de Ninéfécha, elles ont bénéficié d’une prise en charge sanitaire gratuite. Avec le changement de statut de la structure, les privilèges et autres avantages ont disparu en même temps que Mme Viviane Wade annonçait son retrait du projet. Cette situation impacte la prise en charge efficace de la santé des populations. Pour pouvoir faire face à certains impératifs ou exigences, assurer le fonctionnement correct sans rupture du service, un poste de santé a besoin de générer des ressources. «C’est pourquoi, on demande une contribution des populations par l’achat du ticket de consultation au moins pour faire face à la prise en charge du personnel communautaire, certaines charges mais, c’est difficile. Parce que les populations n’avaient pas cette habitude», enchaîne l’Icp. Il ajoute : «En hivernage, la situation est parfois intenable. C’est grâce au maire de la commune Dondo Keïta qu’on arrive vraiment à s’en sortir.»
Aujourd’hui, l’hôpital de Ninéfécha, qui était une carte postale de la région, a laissé un gros vide dans la région. Le maire ne cache pas son mécontentement face au changement de statut de la structure sanitaire de Ninéfécha. Il en parle avec difficulté et émotion. «On peut dire aujourd’hui, après tous les sacrifices, et l’investissement qui a été fait ici, que la montagne a accouché d’une souris», regrette Dondo Keïta, nostalgique de son hôpital qui faisait la fierté de toute une communauté voire une région. Amer, M. Keïta se confesse : «Au début je ne pouvais même pas dire poste de santé. Parce que je n’en voulais pas.» Il est nostalgique des offres de services, la rigueur et le professionnalisme du personnel soignant. Il faudra conjuguer au passé. «Il m’a fallu du temps pour que je me résolve à faire avec le poste de santé. Il y avait une logistique roulante très performante qui facilite la mobilité des patients et autres populations. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. La seule ambulance dont disposait la structure est en panne depuis plusieurs mois», détaille le maire de Ninéfécha.

Le véhicule du maire transformé en ambulance
Face au manque criard de logistique roulante, qui plombe les efforts du personnel soignant, le véhicule de fonction du maire a été transformé en ambulance pour les évacuations d’urgence. «Très honnêtement, le maire nous appuie énormément. Non seulement les fonds de dotation nous arrivent mais, il nous appuie en carburant pour nos différentes stratégies avancées et son véhicule est à notre disposition pour les évacuations des patients ou pour aller les chercher en cas d’urgence», poursuit l’infirmier chef de poste. Alors que l’enclavement est un sérieux problème, l’Icp est obligé d’adapter la prise en charge. «Ce sont des stratégies avancées qu’il faut mener. Plus de 97% de la population sont en stratégie avancée et mobile que je mène. Ces populations habitent à plus de 10 kms du poste de santé et il faut se déplacer pour les offrir le paquet de service sanitaire qu’il faut pour une prise en charge efficace et assistée», détaille M. Diallo. A ses yeux, il est «impérieux que le poste puisse disposer d’une logistique roulante pour exercer dans des conditions optimales pouvant permettre d’atteindre les objectifs. Nous disposons d’une vieille ambulance héritée de l’ancien hôpital et qui ne roule plus. C’est une ambulance qui tombe en panne après chaque sortie et le poste ne dispose pas de suffisamment de ressources pour son entretien».
En cette période de forte chaleur, les pathologies les plus récurrentes sont l’hypertension artérielle, la diarrhée à cause de l’hygiène. Sans oublier le paludisme, qui continue à sévir dans toute la région de Kédougou. Quid du Covid-19 ? «Tout un dispositif de formation et de communication a été mis en place pour mieux sensibiliser les populations avec l’appui des relais communautaires. Grâce à ces activités, aucun cas n’a été signalé au niveau du poste de santé», note Samba Diallo, qui se bat pour garder à vie une infrastructure en décrépitude. D’un coût d’investissement de 200 cents millions F Cfa, l’hôpital de haute pointe de Ninéfécha a été construit sur une superficie de 4 hectares par l’ancienne Première dame, Mme Viviane Wade, par ailleurs présidente de l’Association éducation-santé et ses partenaires de Nanterre (France), notamment le Conseil général de Haut de Seine, dirigé à l’époque par Charles Pasqua.

Lequotidien

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