Le scanneur-simulateur de l’hôpital Dalal Jamm de Guédiawaye est encore tombé en panne. Ce, depuis le mois d’août dernier. Les malades du cancer ne savent plus à quel saint se vouer. Ils sont laissés à eux-mêmes. En sursis. Pourtant l’État a accordé, depuis le 1er octobre 2019, la gratuité de la chimiothérapie pour les femmes vivant avec un cancer du col de l’utérus ou du sein dans toutes les structures publiques de santé.
Aujourd’hui, les patients de cette maladie continuent de souffrir. En fait, le scanner est essentiel pour faire la radiothérapie. Selon des sources, les cancérologues de cet établissement ne peuvent pas détecter la maladie à l’œil nu. Du coup, ils ne peuvent pas soigner sans ce matériel. « C’est cet appareil qui fixe la position du malade pendant toute la durée du traitement. Il permet aussi de mettre le corps en version 3D pour mieux voir les parties à traiter », confient-elles.
Mutisme des autorités étatiques
Ainsi, les oncologues qui sont à Dalal ne s’occupent que des malades qui sont déjà passés à l’étape du scanner simulateur. Ils n’ont plus le moyen de traitement de nouveaux malades. « Ils les soignent mais ils ne peuvent plus prendre de patients du cancer. Alors qu’il y a des suivis à faire pour un traitement efficace. Le médecin doit savoir s’il y a des effets secondaires ou des complications. Bref, il doit surveiller le malade », insistent nos interlocuteurs.
Ces derniers regrettent le mutisme des autorités étatiques face à cette situation « déplorable ». « Les autorités sont au courant. Il faut résoudre le problème de Dalal Jamm. S’il y a des pannes au niveau de cette structure, les malades sont obligés d’aller à l’Hôpital Le Dantec. Lequel ne peut pas assumer la prise en charge de tous ces malades. Il faut que l’autre machine marche pour que les malades soient traités », avancent-ils.
À ce jour, plus de 100 patients sont, en attente, dans le couloir de la mort. « Les rendez-vous sont trop loin pour des maladies chroniques pour lesquelles les malades ne sont pas censés attendre ». Ceux qui veulent éviter cette attente risquée doivent débourser la somme de 85.000 FCFA pour la prise en charge au centre international de cancérologie.
« L’Hôpital Le Dantec ne peut pas tout absorber »
En outre, il y a lieu de se poser des questions sur cette machine à l’arrêt, alors qu’elle a été installée il y a moins de deux ans. Pour certains, cette panne est due à une absence de contrat de maintenance. La Direction de l’hôpital, souffle-t-on, « n’a pas pris toutes les garanties pour savoir qui devrait être responsable en cas de panne ». Non sans renseigner que depuis 2018 près de 300 malades y sont traités.
Seneweb a essayé d’entrer en contact avec le Directeur du Centre hospitalier national Dalal Jamm, sans succès.
Mais, dans une interview accordée à EnQuête, Moussa Sam Daff a reconnu qu’il y a eu des ennuis techniques au niveau du tube qui est tombé en panne. « L’État du Sénégal a bien acheté. Cela veut dire qu’il a mis toutes les conditions de garanties possibles. Nous avons interpellé l’entreprise qui est en Autriche. A leur niveau, ils ont des procédures. Ce sont les fournisseurs qui ont accusé du retard », a-t-il déclaré.
Le directeur assure que malgré cette panne, l’hôpital n’a jamais arrêté de prendre des patients. « À partir de la semaine prochaine, nous allons faire entrer de nouveaux malades qui seront en cours de traitement. Nous nous déplaçons avec nos moyens pour prendre ailleurs les images et venir les traiter ici à l’hôpital. Certains malades vont être pris en charge à l’hôpital Le Dantec, d’autres le seront à un autre niveau. L’offre n’est pas le monopole de l’hôpital », dédramatise-t-il.
Le Sénégal ne compte que 4 physiciens-médicaux
Seulement, la panne du scanner n’est pas le seul problème. Il y a les physiciens-médicaux. « Sans eux, il n’y a pas de radiothérapie. Ils sont là depuis 2008 et leur travail consiste à protéger les patients et le personnel qui travaille sous rayonnement immunisant. Principalement, ils garantissent la dose délivrée par les patients, ils font le contrôle qualité des machines et la planification des doses des malades. Vraiment, ils sont les pharmaciens des rayonnements immunisants », déclarent nos sources.
Malheureusement, soutiennent-elles, ce corps n’est pas reconnu dans la fonction publique. Or, le Sénégal n’en dispose que 4. « Actuellement, il n’y a pas de statut pour les physiciens médicaux, ils ne sont pas même considérés comme des techniciens. Alors que parmi eux, il y a des docteurs et d’autres qui ont des niveaux de master, c’est-à-dire Bac+5 plus une spécialisation de deux ans dans une école de formation ».
Ce manque de considération fait qu’il y a un sous-effectif. Il s’y ajoute qu’en termes de matériel, le Sénégal compte 3 machines, une à l’hôpital Le Dantec et 2 à Dalal Jamm, sans oublier le scanner de Dalal Jamm qui est en panne.
Par ailleurs, des réunions ont été tenues au ministère de la Santé et de l’Action sociale entre ces travailleurs et la tutelle, en vain. « Les physiciens étaient même allés en grève au mois d’avril. Ils étaient obligés d’arrêter les traitements. Ce qui n’est pas sans conséquence, puisque les patients risquaient de ne pas être traités. Cela avait créé un boucan et ils avaient suspendu leur mouvement d’humeur », confie-t-on.
Ce qui renseigne de l’importance de ce corps qui, selon nos interlocuteurs, doit être reconnu et encouragé par l’État du Sénégal. « Sinon, ils vont s’exiler et c’est un métier rare », avertit-on.