Grand mystère autour du bilan de cette offensive de l’Armée

par Dakar Matin

Des zones sous intenses bombardements de l’Armée, des positions rebelles pilonnées ; quel bilan tiré après une semaine d’offensive de l’Armée ? Un grand mystère entoure encore le bilan de ces opérations de sécurisation menées par l’Armée sénégalaise dans la zone du Sud, sur la bande frontalière de la Guinée-Bissau. Du côté de l’Armée, comme du côté des bandes armées, c’est la grande inconnue sur le bilan des pertes en vies humaines. Même si certains avancent de lourdes pertes subies par les bandes armées. L’offensive de l’Armée aurait fait fuir de l’autre côté de la frontière ces bandes armées qui ont laissé derrière leurs bases complètement démantelées. Combien sont-ils le nombre de rebelles et de militaires qui ont péri ? C’est la grande interrogation et le mystère d’un bilan d’une semaine d’intenses bombardements de l’Armée dans les zones de Sikoun, Mbissine, Bilass, Bafata… pour des opérations de sécurisation dans une région où l’accalmie reste encore prisonnière d’une «paix armée».

Il est encore difficile voire quasi impossible de donner un bilan exact des opérations de sécurisation de l’Armée sénégalaise dans la zone sud de la région de Ziguinchor. Operations qui touche la partie sud du département de Ziguinchor, surtout polarisée par les communes de Boutoupa Camaracounda, Niaguis, Adéane et Kaour (cette dernière commune se situe dans le département de Goudomp, région de Sédhiou). Même s’il est indéniable que des pertes en vies humaines (avec de nombreux cadavres du côté des bandes armées signalés par des sources) seraient enregistrées, vue l’intensité des bombardements dans la zone depuis une semaine. Des zones d’ombre persistent autour du bilan surtout en termes de perte en vies humaines ; mystère qui trouve sa justification sur la posture des bandes armées qui ne laissent jamais leurs morts et blessés sur place. Ces éléments armés préfèrent les emporter loin du champ de bataille pour leur réserver une sépulture digne de leur tradition, appliquée à cela ces mêmes bandes armées veulent éviter que leur décompte macabre sur place soit utilisé par leurs «ennemis» comme une arme de propagande qui les affecterait psychologiquement. Et d’ailleurs depuis l’éclatement du conflit, il est quasi rare de voir le cadavre d’un élément armé abandonné dans le champ de bataille.

RIEN NE FILTRE SUR LE BILAN, MAIS…

Du côté de l’Armée également, rien ne filtre sur le bilan, en pertes. La grande muette reste muette sur ses pertes aussi. Ainsi, un grand mystère entoure ces opérations de sécurisation marquées par d’intenses bombardements dans les fiefs rebelles. Mais, selon certaines sources, plusieurs bastions rebelles ont été démantelés par les frappes de l’Armée sénégalaise dans cette zone sud de la région de Ziguinchor en proie, depuis une semaine, à de violents bombardements. La base de Sikoun serait «tombée» ; si cela est confirmé, les bandes armées accuseraient alors une grosse perte, surtout que cette base, abandonnée «volontairement» par le chef rebelle Ibrahima Kompass Diatta et ses hommes, est contrôlée par un autre chef rebelle Adama Sané. L’offensive menée par l’Armée dans la zone aurait permis de chasser les bandes armées de la mythique base de Sikoun mais aussi des autres bastions situés sur la bande frontalière de la Guinée-Bissau. Un sanctuaire rebelle qui reste une position stratégique pour les bandes armées. Le fort déploiement des troupes de l’Armée sénégalaise dans la zone imprime une situation de tension et d’escalade de violence dans cette partie sud du pays.

FACE A LA VOLONTE DE RETOUR AU BERCAIL ET LA PRESSION DES POPULATIONS SUR LES AUTORITES, L’ARMEE APPELEE A RETABLIR L’ORDRE DANS LA ZONE

Aujourd’hui, rien ne filtre sur le bilan de ces opérations qui se poursuivent. Si les pertes matérielles sont bien avérées, mais il est difficile de les quantifier, les autres pertes accusées de part et d’autre sont entourées de mystère. Une zone pilonnée par l’armée, une zone qui a la particularité d’abriter des villages où les populations ont émis leur forte envie de retourner dans leurs localités d’origine. Organisées même en coalition ; ces populations ont entrepris plusieurs démarches, réunions pour convaincre les bandes armées de leur volonté de retour. Malheureusement, ces éléments armés y ont apposé un cachet «d’échec» de ces opérations de revenir au bercail. Et c’est le niet de ces dernières et la pression exercée par les populations sur les autorités locales, politiques et même administratives qui ont finalement poussé l’armée à rétablir l’ordre dans la zone. Et cela passe par ces opérations de sécurisation menées depuis une semaine par l’armée

LES ZONES REBELLES NETTOYEES, MAIS SONT-ELLES COMPLETEMENT ERADIQUEES ?

Ces opérations de ratissage sous le code «Opérations de sécurisations» menées par l’Armée dans les forêts le long de la bande frontalière avec la Guinée-Bissau trouvent toute leur complexité dans la capacité de «régénération» des bases rebelles. La zone peut être bien nettoyée des bandes armées, mais ces dernières parviennent à s’organiser en groupuscules pour faire régénérer ces bases. D’où la problématique d’éradiquer complètement la zone de ses bandes armées. Ces dernières, comme des cellules, régénèrent une fois le départ de l’Armée de ces zones, a caricaturé un observateur de la crise casamançaise qui a préféré gardé l’anonymat.

Autre paramètre qui favorise le retour des bandes armées, c’est la proximité de la frontière bissau-guinéenne qui reste une «passoire» des bandes armées qui, une fois acculées, se réfugient de l’autre côté de la frontière qui abrite des villages qui hébergeraient même des familles rebelles. Les grandes bases peuvent être détruites, démantelées ; mais la stratégie des bandes armées de se mouvoir en groupes armés favorise un retour, quelques années après voire quelques semaines après un départ acté de l’Armée. Surtout qu’il est peu probable d’installer un cantonnement armé au kilomètre-carré. Aujourd’hui, pour extirper complètement cette zone des bandes armées, il faut l’implication des populations qui doivent être sensibilisées et jouer leur partition dans la transformation de leurs contrées en havre de paix.

UNE ACCALMIE ENCORE PRISONNIERE D’UNE «PAIX ARMEE»

Dans un conflit armé, une paix est souvent matérialisée par le désarmement des belligérants qui acceptent de déposer les armes. Mais l’exemple de la Casamance est très atypique voire très particulier. Dans cette crise tri-décennale, les éléments rebelles supposés appartenir au Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) n’ont jamais été désarmés. Même ceux qui affichent leur ferme volonté à surseoir à leurs velléités indépendantistes, acceptant même de danser au rythme de la paix, marchent avec en bandoulière leurs armes. Un conflit où personne n’a déposé les armes, c’est le visage que présente le conflit casamançais. Alors, comment une paix peut-elle être effective quand chacun des belligérants est sur le qui vive avec son arme ? Une interrogation qui mérite d’être agitée surtout que l’Armée même, dans sa mission régalienne d’assurer le maintien de l’intégrité territoriale, qualifie ses opérations d’opérations de «sécurisation» pour extirper tous soupçons d’affrontements à caractère armé. Et le moindre incident est souvent déclencheur d’affrontements armés.

Les exemples foisonnent. Il y’a un peu plus de deux (2) ans, en 2018, les évènements de la tuerie de Boffa-Bayotte, marquée par l’assassinant de 14 bucherons, avaient déclenché des opérations de ratissage dans la zone. L’Armée avait pourtant nettoyé la zone qui, deux (2) ans après, est «infestée» d’éléments armés qui y font leur loi. Et c’est aujourd’hui cette résurgence d’incidents malheureux comme des rapts, kidnapping et meurtres qui sous-tendent ces opérations actuellement menées par l’armée pour «nettoyer» la zone

PAR IGNACE NDEYE

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