Crei: La réforme tant attendue, tarde

par admin

Le procès devant la Cour suprême de Tahibou Ndiaye remet au goût du jour l’acuité de la réforme, en profondeur, de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei).

Cette chronique n’a pas pour vocation de juger de la pertinence ou non de la décision prise qui a été de confirmer celle de la Crei. Ndiaye ayant perdu devant la Cour suprême alors que tous ses biens avaient été confisqués.

Ce que nous voulons plutôt mettre en avant, c’est la pertinence qu’il y a, à trouver à la Crei, un second degré de juridiction conformément aux recommandations du Comité des droits de l’homme des Nations-unies.

En effet, le seul recours dont bénéficiait Tahibou, était celui devant la Cour suprême qui, comme l’a expliqué son avocat Me Ciré Demba Clédor Ly, ne juge pas les faits mais le droit. Il s’agissait de voir si le droit a été dit et bien dit.

Donc, le prévenu n’avait, en l’espèce, comme tous ceux qui sont traduits devant cette juridiction d’exception, aucune possibilité d’interjeter appel et de bénéficier du double degré de juridiction, c’est-à-dire de la pleine garantie de ses droits.

Les décisions de la Crei n’étant pas susceptibles d’appel, ceux qui y sont condamnés n’ont pas le choix. Ils doivent se rabattre devant la Cour suprême avec de maigres chances de voir l’arrêt cassé.

En conséquence, nous ne comprenons pas pourquoi, jusqu’ici, rien n’a été fait pour réformer la Crei comme promis du reste par les autorités ?

Non seulement le double degré de juridiction est important, mais d’autres réformes s’imposent au niveau de cette juridiction.

En effet, le renversement de la charge de la preuve y est une aberration judiciaire. Il est inacceptable qu’accusé et trainé dans la boue, le haut responsable doive, lui-même, prouver l’origine licite de ses biens ou justifier de son train de vie.

Le fait que ‘’la charge de la preuve incombe à l’accusation’’ est un principe fondamental du droit pénal, un ses piliers.

Eh bien, ici, à la Crei, c’est tout à fait le contraire qui prévaut.

Il s’y ajoute une mise en accusation des plus laborieuses, pour ne pas dire problématiques. Car, le suspect a deux mois, après mise en demeure, pour produire un mémoire en défense afin de s’expliquer, point par point, sur les chefs d’accusation avancés. Il doit en fournir les preuves et là, le don n’est pas admis, par exemple.

Une autre bizarrerie car la donation est un acte juridique reconnu et réglementé par le droit.

Et d’ailleurs, pour rappel, Karim Wade a eu droit à deux mises en demeure, ce qui a prolongé, au-delà des délais raisonnables, sa détention préventive avant son jugement.

Et ce ne sont là que certaines aberrations sur la forme.

Dans le fond, il est difficile de demander à un Sénégalais de justifier de l’origine de tous ses biens. Car, culturellement, socialement, nous avons nos réalités, nos modes de vie, etc.

Cette loi sur le délit d’enrichissement illicite nous semble ainsi complétement en déphasage. Elle mérite également des retouches importantes pour l’adapter au contexte national et international de nécessité de protéger les droits de l’homme.

Certes, l’Afrique a longtemps souffert de la prévarication de ses fonctionnaires, mais rien ne nous prouve que depuis l’activation de la Crei, les choses se sont améliorées dans le cadre de la répression de la délinquance à col blanc. Au contraire. Les scandales ont doublé. Les corps de contrôle ont épinglé de hauts responsables qui, pour certains, ont même été promus à des postes de responsabilité plus importants.

Et la Crei, depuis sa réactivation, n’a traité que peu de dossiers. Exactement comme en 1981.

Un échec total qui doit pousser à une réflexion profonde sur l’opportunité ou non de son maintien, son fonctionnement, etc.

Malheureusement, les promesses à ce niveau tardent. Et des individus de la trempe de Tahibou Ndiaye devront se résoudre à accepter un verdict qui, à bien des égards, n’a pas respecté la plénitude de leurs droits.

 

Assane Samb

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