Pour certains hommes de droit et autres observateurs de la vie politique, le fondement juridique de l’application de cette loi pose en effet problème, dans la mesure où aucun décret présidentiel n’a été émis pour proroger l’état d’urgence.
«La loi n° 2021-18 modifiant la loi n° 69 – 29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège comme son nom l’indique est une loi qui a apporté une modification à la Loi 69 – 29 pour les raisons que nous connaissons tous. Donc, cette loi a été modifiée pour être renforcée par rapport à un troisième régime relatif à la gestion de catastrophes naturelles ou sanitaires. Mais lorsque le président de la République veut agir sur la base de cette nouvelle Loi, il est tenu comme il l’avait fait sur la base de l’ancienne loi n° 69 – 29 du 29 avril 1969, de prendre impérativement un décret. D’ailleurs, quand on se réfère à l’article 69 de cette loi, pour que le président de la République puisse proclamer l’Etat de siège ou l’état d’urgence, il devrait prendre un décret qui est un acte administratif qui peut être attaqué devant les juridictions en cas d’illégalité. Ce n’est pas simplement parce qu’on a promulgué une loi que l’on veut que cette loi est d’application immédiate. Pour que le président de la République puisse se prévaloir des nouvelles dispositions prévues par cette modification, il est nécessairement tenu de prendre un décret ».
PAS DE BASE JURIDIQUE LEGALE DEPUIS LE 17 JANVIER
Contrairement à ce que le ministre de l’Intérieur a dit sur le plateau d’une télévision, le décret qui a proclamé l’état d’urgence est très clair concernant la date d’expiration de cette mesure qui était le 17 janvier dernier. Et depuis cette date du 17 janvier, le couvre-feu n’a plus de base juridique légale de même que l’état d’urgence. Car, le président n’a qu’un moyen pour pouvoir se prévaloir des mesures prévues par cette modification : il s’agit de son pouvoir de décret. Tout le monde sait que l’administration agit par acte. Une mesure administrative est toujours concrétisée par un acte et si cette dernière (mesure administrative) émane du président, celui-ci doit obligatoirement prendre un décret. S’il a fait une délégation, le ministre en charge de mettre en application cette mesure devrait prendre un arrêté. Mais jusqu’à ce jour, je n’ai pas connaissance de telle mesure. D’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi, il (président de la République) maintient le statut quo par rapport à ça. Une loi qui entre en vigueur ne confère pas automatiquement droit au président de se prévaloir de ses mesures. Mais, puisqu’il n’a pas eu à renouveler l’état d’urgence sur la base de la modification de la loi 69-29, on peut dire qu’il n’y a plus d’état d’urgence ni d’état de siège encore moins de couvre feu au Sénégal. Par conséquent, toutes les personnes qui ont été arrêtées et déférées au Parquet sur la base de cet état d’urgence, peuvent se prévaloir du défaut de base légale de cet état d’urgence. Puisqu’en réalité, il n y’a aucune base sur laquelle, on pourrait fonder cette mesure d’état d’urgence assortie de couvre-feu dans la mesure où le président de la République n’a pas pris de décret dans ce sens ».
Nando Cabral GOMIS