Les populations de Dakar sont en train de payer cher l’état d’urgence assorti d’un couvre-feu instauré récemment par le président Macky Sall pour endiguer la pandémie de la Covid-19. En effet, avoir un bus de transport dans les heures de pointe relève d’un parcours du combattant. Cela s’ajoute à la présence de nombreux pickpockets. Entre couvre-feu et heures de pointe, les Dakarois vivent le martyre.
Gare routière de Petersen. Il est 18h 45mn. Un vent frais balaie l’espace. C’est la grande affluence devant les bus et les cars de transport public. De longues files en zigzag se forment. En cette période de couvre-feu où, à partir de 21 heures, il est formellement interdit de circuler dans la capitale, les passagers dont la plupart ne disposent pas de moyen de déplacement propre, sont gagnés par une forte obsession : rentrer à temps. En effet, les usagers, pour qui, le bus ou le «car rapide» constitue le seul moyen de déplacement après le travail, c’est un véritable casse-tête chinois que d’en trouver. L’arrivée d’un bus ou d’un car provoque une ruée dans une tentative de trouver une place. Des scènes qui se répètent toutes les cinq minutes. Les uns ont le sac en bandoulière ou porté sur l’une des épaules ou posé à même le sol. Sur le visage des autres, la fatigue est visible après une longue journée. Malgré tout, ils arrivent à se tenir debout. D’aucuns, épuisés, s’adossent par moments sur l’aile des bus ou des bancs en attendant le départ ou l’arrivée d’un véhicule. «C’est très difficile actuellement. En venant le matin, je suis à l’aise. Mais, dès que sonne l’heure de rentrer, je suis sous forte pression. Je me pose mille et une questions. Est-ce que j’aurai un véhicule ou pas ? Comment vais-je faire pour arriver chez moi avant l’heure du couvre-feu ?», partage Amina Dème qui fait la queue devant le bus de la ligne 29. Pour cette jeune dame qui quitte chaque jour Guédiawaye, dans la banlieue dakaroise, pour venir travailler en ville, c’est un véritable calvaire quotidien. Elle rappelle que, auparavant, elle prenait tout son temps après la descente. Parfois, raconte-t-elle, elle faisait un crochet au marché pour faire quelques courses et, ensuite, venir tranquillement prendre le bus pour rentrer chez elle. Mais, depuis que le couvre-feu a été restauré, elle ne traine plus. Dès qu’elle descend du boulot, c’est la course contre la montre. Pas de temps à perdre, il faut courir vite à la gare prendre un bus ou un car et rentrer avant 21 heures.
Son bébé sur le dos, tenant un sac bleu, Louise Sambou cherche désespérément un bus. La jeune maman qui doit rentrer chez elle à Keur Massar après un rendez-vous à l’hôpital Le Dantec se faufile entre les voitures garées dans une anarchie totale. A chaque arrivée d’un véhicule, ce sont des bousculades devant le marchepied pour chercher une place. Les endurants arrivent à s’agripper aux poignets, s’accrochent sur les portes et prennent place. Ceux qui résistent moins, repoussés, piétinés, finissent par abandonner. «Je ne peux pas forcer face à tout ce beau monde avec mon bébé sur le dos. Je vais patienter encore. Peut-être que j’aurai la chance d’avoir un véhicule même si d’autres chauffeurs disent qu’ils ne vont plus revenir, avec l’imminence du couvre-feu», sert Louise Sambou, excédée par cette longue attente.
Pour Oumar Ngom, vendeur d’habits prêt à porter au marché Sandaga, cette forte pression et la grande affluence pendant les heures de pointe dans les gares sont une occasion pour les pickpockets de se livrer à leur jeu favori. Et les voleurs ciblent souvent, selon lui, les téléphones ou les portefeuilles. Il affirme que, le week-end dernier, l’un de ses camarades a été victime d’un vol au niveau de la gare de Petersen alors qu’il prenait le bus pour rentrer aux Parcelles assainies. Un malfrat a profité, dit-il, des bousculades devant le bus pour lui soutirer son smartphone tout neuf avant de fondre dans la nature. «Les vols sont très récurrents, ici. Mon camarade a perdu son téléphone le samedi dernier à Petersen. Les voleurs sont très intelligents. Ils profitent des bousculades pour balader leurs mains afin de subtiliser les téléphones ou les portefeuilles. Et la victime met généralement, du temps à s’apercevoir qu’elle a été volée», raconte-t-il.
Samba BARRY