Le Président ivoirien Alassane Ouattara et celui de Guinée Alpha Condé ont prêté serment respectivement avant-hier pour le premier et hier pour le second.
Leurs ‘’amis’’ chefs d’Etat ont le déplacement. Parce que, faut-il le rappeler, c’est sur fond de vives tensions que les élections qui les ont portés au pouvoir ont été remportées.
La preuve, l’AFP et DW, la télévision allemande donnent exactement le même chiffre, à savoir 85 morts pour chacun de ses deux pays.
En réalité, d’autres sources révèlent des chiffres beaucoup plus importants.
En Guinée par exemple, l’UFDG de Cellou Dalein Diallo fait état de plus d’une centaine de morts du fait des manifestations contre le troisième mandat et Amnistie international en a dénombré une cinquantaine.
En Côte d’Ivoire, Ouattara était seul car ses opposants avaient tous boycotté le scrutin. En Guinée en revanche, Cellou avait préféré passer outre le mot d’ordre de boycott du Front national de défense de la Constitution (Fndc).
Dans les deux pays, les Chefs d’Etat ont tenté et réussi un troisième mandat contre vents et marées. Résultat des courses, beaucoup de morts, des blessés, des emprisonnements d’opposants et un dialogue politique dans l’impasse.
Il est curieux aussi que les deux Chefs d’Etat aient exactement le même discours : réconciliation nationale, dialogue politique, ‘’oublier le passé’’, etc.
En Côte d’Ivoire même, on annonce un Ministère de la ‘’Réconciliation nationale’’. Inédit, non ?
C’est dire que certes, le forcing pour un troisième mandat est passé, mais à quel prix ?
Il est en effet difficile d’oublier des morts surtout quand un opposant dit avoir des preuves d’avoir gagné le scrutin.
Comme Alioune Tine l’a si bien dit, le troisième mandat est un lourd fardeau pour l’Afrique de l’Ouest. Il consacre un recul incompréhensible de la démocratie au moment où tous les pays, à quelques exceptions près, étaient dans une dynamique d’achèvement de l’apprentissage de la démocratie.
Nous avons eu, presque simultanément dans de nombreux pays, des dirigeants prêts à s’accrocher au pouvoir comme si ils ont été briefés pour cela.
Il est bizarre de voir qu’en Guinée, en Côte d’Ivoire et même au Sénégal, cette question fasse débat là où en Mauritanie, au Burundi, en République démocratique du Congo, en République centrafricaine, etc., la question est réglée. Et que le Président du Niger Mahamaou Issoufou annonce qu’il ne fera pas de troisième mandat.
Le baroud d’honneur de ces Chefs d’Etat consistant à tendre la main à l’opposition pour un dialogue et une réconciliation ne sauvera pas leurs pays du gâchis ainsi engendré par le forcing.
Les dégâts sont déjà faits. Et il est énorme parce que beaucoup de personnes ont perdu la vie là il n’y aura ni Commission d’enquête ni punition des coupables.
Ainsi, il est important, pour tout Président, à y réfléchir à deux fois avant de s’inscrire dans une dynamique de forcing pour un troisième mandat.
Au Sénégal, la dernière sortie d’Aminata Touré sur le fait que Macky ne peut plus prétendre à un troisième mandat, en dit long sur le sérieux de la question.
Elle est parfaitement consciente des conséquences d’une telle déclaration, mais elle le dit pour justement officialiser, de son côté, la rupture avec son mentor. Exactement comme Me Moussa Diop l’avait fait. Ceux qui veulent ‘’provoquer’’ Macky disent qu’il n’y a pas droit. Et alors, il ne va pas les rater. Bizarre, non ?
Le troisième mandat est alors en train de faire ‘’des morts politiques’’. Si Macky insiste, il fera, comme dans ses Républiques sœurs du Sénégal, de vrais morts.
Et pourtant, comme le rappelle l’ancienne Présidente du Conseil économique, social et environnemental (Cese), la question avait été réglé depuis le dernier référendum.
Malheureusement, toutes ces tractations politiques pour former une large coalition au pouvoir et l’arsenal communicationnel mis en place au Sénégal, sont des indicateurs nets de velléités qui ne laissent plus de place au doute.
Assane Samb