Le pays en panne de repères, les Sénégalais sont en train de se refugier dans certaines valeurs sûres, comme le footballeur Sadio Mané à qui ils étaient prêts à réserver un accueil digne de sa prouesse. Ainsi, pendant que nos dirigeants s’insultent à l’Assemblée et ailleurs, les jeunes, surtout, trouvent refuge auprès d’idoles qui se sont faits tout seul, par la force de leurs jambes, et d’autres qu’on n’entend pas beaucoup.
Quelle douche froide. La récupération politique évitée de justesse. Alors que le Sénégal s’apprêtait à réserver un accueil digne de son rang au tout nouveau ballon d’or africain, l’attaquant de Liverpool (Premier League anglaise), est retourné dans son club. Et c’est la désillusion totale chez les nombreux fans et autres autorités politiques qui avaient même déjà prévu une audience avec le chef de l’Etat Macky Sall pour fêter ce digne Sénégalais.
Mais aujourd’hui si on en est arrivé à un niveau où ce sont les footballeurs, comme on l’a vu lors du retour de la Can 2019 des poulains d’Aliou Cissé, qui drainent des foules, c’est parce qu’il y a un problème de repères au Sénégal. En effet, face à la déliquescence de l’Etat senghorien où n’importe qui se permet n’importe quoi dans certaines instances dirigeantes, le peuple se cherche des héros ailleurs. Et nombreux de nos concitoyens se reconnaissent en Sadio Mané qui est devenu une valeur refuse.
Surtout après le spectacle désolant auquel les Sénégalais ont assisté récemment à l’Assemblée nationale et les séances de pugilat qui s’en sont suivis entre le vice-président de cette institution, par ailleurs président du Parlement de la Cedeao et un journaliste maison. Des scènes de pugilat, parfois même avec l’immixtion de la famille, indigne d’un pays où le président de la République a instauré la levée des couleurs, le premier lundi de chaque mois pour inculquer des valeurs aux enfants et étudiants.
Mais, avec ce qu’on voit tous les jours, plusieurs Sénégalais se demandent comment peut-on donner des leçons de civilité, d’instructions civiques, à des jeunes s’ils voient que les aînés qui dirigent le pays s’insultent en se traitant de voleurs, en évoquant des maisons construites avec l’argent de la drogue, en réclamant leur part dans le butin des semences agricoles destinées à la couche de la population la plus défavorisée et la plus représentative. A y regarder de près, on peut même dire sans risque de se tromper que cela contribue à brouiller le message du «Patron» avec les Sénégalais.
Ainsi, avec ces contrevaleurs qui se sont récemment manifestés, les Sénégalais manquent de repères, de personnes à qui ils peuvent s’identifier. Et ce footballeur en fait partie, lui qui fait des résultats en club, qui adore son pays, sa terre natale de Bampaly où il érige à la place de l’Etat des infrastructures scolaire, sanitaire et religieuse. Et pourtant, de ce que l’on sait le Sénégal n’a pas beaucoup investi sur son parcours sportif.
En tout cas, la passion qu’il y a eu autour du Ballon d’or de France Football pour Sadio Mané, finalement arrivé 4è, et l’engouement pour son premier sacre aux Caf Awards en Egypte prouvent que les héros que les Sénégalais considèrent ne sont pas légion. Car, la jeunesse, déboussolée par le spectacle qu’offre le personnel politique du pays, cherche une valeur refuge auprès des footballeurs, des lutteurs, musiciens et autres danseurs. Et nos autorités les suivent même parfois dans ce jeu. Car, tout le monde se souvient de la tournée du ministre de l’Education d’alors, Ibrahima Sall, qui faisait une tournée dans certaines écoles avec le lutteur Modou Lô. Senghor devrait se retourner dans sa tombe.
Seyni DIOP