Dernier acte d’un long processus de normalisation en Guinée-Bissau : Les soldats de la Cedeao, présents dans le pays depuis 2012, ont entamé un processus de retrait.
Les soldats togolais sont déjà partis, les sénégalais, les burkinabè et les nigérian vont bientôt suivre. La cérémonie officielle consacrant définitivement leur départ a été organisée hier en présence du président Umaro Sissoco Embaló, du président de la commission de la Cedeao Jean-Claude Kassi Brou et d’autorités militaires ouest-africaines.
Les soldats ouest-africains de la mission de la Cedeao en Guinée-Bissau (Ecomib) dont la mission était de protéger les personnalités officielles et les édifices publics vont ainsi plier bagage.
Une étape décisive dans le règlement de la crise. Car, depuis très longtemps, la Cedeao avait espérer retirer ses troupes, elle qui a beaucoup souffert de cette situation.
En réalité, la présence de ces soldats a permis d’éviter des épisodes sanglants dans un pays qui a été en proie à l’une des crises institutionnelles les plus sérieuses de son histoire.
La Cedeao a permis d’éviter la répétition de la longue série de coups d’Etat contre les Chefs d’Etat dont certains comme Nino Viera, ont été assassinés froidement par un commando.
Aujourd’hui, au moment où la majorité relative du Parti africain pour l’Indépendance de la Guinée et du Cap Vert (PAIGC) n’est plus un obstacle technique à la réunion des députés et aux travaux du Parlement depuis juin dernier, le pays est entré dans une phase active de normalisation de sa vie politique et institutionnelle.
Qui plus est, la Cour suprême du pays vient de donner définitivement raison au nouveau Président Umbalo dont la victoire a toujours été contestée par le Président du Paigc Domingos Simoes Pereira.
En clair, le nouveau Président détient aujourd’hui toutes les cartes en main pour agir. Il peut se consacrer finalement à l’essentiel c’est-à-dire à la lutte contre la pauvreté, à l’insécurité, à la pandémie à coronavirus et au renforcement des institutions et de la démocratie.
Toutefois, nous avons un sérieux doute quant à l’option de la Cedeao de retirer ses troupes du pays.
Nous pensons en effet que le risque est réel de déstabilisation par des forces armées et de sécurité qui sont loin d’avoir abandonné les vieux réflexes de concentration des pouvoirs entre leurs mains.
Pis, le pays était estampillé de narco-Etat à juste titre du fait du nombre de personnalités y compris dans l’Armée qui sont impliquées dans des trafics de drogue.
Aujourd’hui, tout cela fait désordre. Et nous ne sommes pas sûrs que cela va s’arranger sur un coup de baguette magique.
Qui plus est, le Paigc dont c’est la première défaite historique face à Umbalo rumine sa colère. Domingos Simoes n’a accepté que contre son gré. Or, le parti rêve de revenir au pouvoir. Et la sécurité du nouveau Président dans un contexte pareil est sujette à caution.
C’est pourquoi, au lieu de le laisser se faire surprendre ou se réfugier dans les Ambassades occidentales comme c’est l’habitude dans le pays, il serait souhaitable que la Cedeao procède par un retrait graduel et non définitif.
Le contingent peut être limité mais il ne saurait s’éclipser complètement sans créer les conditions d’un danger permanent de rechute dans la violence ou la crise.
Certes, l’Armée a donné des gages d’attitude républicaine et reste auprès du Chef de l’Etat actuel, mais cela ne suffit pas. Car, les généraux ne contrôlent pas toujours tout dans les rangs.
Le nouveau Président a été élu par une forte coalition, mais une bonne partie du pays est encore sous le contrôle du Paigc. Et si l’on oublie cette donne, on peut voir tous les efforts s’effondrent d’un seul coup.
Assane Samb