Les paysans trinquent, hommes d’affaires, leaders politiques et chefs religieux jouissent

par Dakar Matin

L’octroi des terres à des fins d’exploitation prive les populations locales démunies de leur droit d’accès au foncier. Le système fait que souvent les surfaces cultivables se retrouvent entre les mains de personnes beaucoup plus nantis, à cause de leur position sociale.

Le différend entre Babacar Ngom de Sedima Group et les populations de Ndingler n’est qu’une dernière affaire d’une longue liste de révoltes de populations privées de leurs terres. Si elles obtiennent gain de cause, parfois, elles deviennent aussi des victimes, contraintes d’accepter des projets qui leur sont imposés. La région Nord du pays, qui fait face à l’accaparement des terres, en est un exemple.

A titre illustratif, à Mbane, la révolte des populations contre l’octroi de leurs terres par la communauté rurale à la Compagnie sucrière sénégalaise (Css) a abouti à un drame. Il y a aussi le cas du projet Sen-Huile Sen-Ethanol dans la commune de Ross Bethio, où l’Etat avait affecté des milliers d’hectares à des investisseurs étrangers. La réticence des populations a amené les autorités à déplacer le projet à Nginth, toujours dans la région de St-Louis.

Dans la même région du Nord, l’on a encore souvenance des cas de Dodel et Démet où des investisseurs marocains ont bénéficié de 10.000 hectares. L’affaire a été par la suite corrigée par un décret présidentiel qui leur a retiré les terres. Toujours dans la partie septentrionale du pays, les populations de la commune de Diama et de Gandiol luttent toujours pour le retrait de l’octroi de 40 hectares qui seraient affectés à un promoteur privé. La région ouest du Sénégal n’est pas épargnée par ce phénomène qui est en train de devenir un fléau.

En effet dans la zone de la Petite côte, les habitants de Guéreo mènent un combat de survie pour le retrait de leurs terres octroyées à un privé. Ils souhaitent reprendre les 39 hectares cédés au groupe hôtelier Decameron. Des centaines de parcelles et des champs détenus par les populations sont dans le viseur de l’hôtel. Loin d’être exhaustifs, les exemples se comptent à la pelle. Presque partout dans le pays, ce sont des populations locales et des exploitants familiaux qui sont privés de leurs «bonnes terres» au profit de gens, sous prétexte qu’ils disposent de plus de moyens pour les rentabiliser. Les populations sont les plus grands perdants. Entre des promesses non respectées, une modique somme en guise de dédommagement et un déplacement forcé, elles sont laissées à elles-mêmes.

ABDOULAYE WADE, L’INSTIGATEUR

L’accaparement des terres, au détriment du monde rural, a connu son envol avec la venue du président de la République, Abdoulaye Wade au pouvoir. Ses projets initiés quelques années après son accession au pouvoir en 2000 comme la Grande Offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (Goana), ont été des opportunités d’octroyer plusieurs hectares de terres à des personnalités politiques, religieuses et à des multinationales étrangères. En 2011, une étude dénommée «Exportation ou nourrir les populations : impacts sur les consommateurs ruraux», réalisée par Cicodev Afrique, faisait état d’au moins 757.753 ha de terres octroyés à 17 privés, 10 nationaux et 7 étrangers. Des chiffres que l’enquête trouve non exhaustifs à cause de l’opacité qui entoure souvent les attributions.

A l’époque, la surface octroyée représentait 16,45 millions ha des terres cultivables. La superficie des terres cultivables au Sénégal est de 3, 8 millions ha. En guise d’exemples, l’étude avait fait ressortir qu’à Ross Béthio, la communauté rurale avait octroyé 5000 ha à des privés pour un projet agricole. Même constat à Diama où des privés ont eu entre 1800 et 2290 ha pour l’agriculture. A Gandon, des milliers d’hectares sont tombés dans l’escarcelle des autorités pour l’implantation de projets agricoles. A Mbane, la communauté rurale d’alors a délibéré pour l’octroi de 232.208 ha à des autorités et des privés pour le démarrage de projets en lien avec l’agriculture. Dans la partie méridionale (Sud), à Kafountine, localité située dans la région de Ziguinchor, un ministre a eu droit à 29 ha pour démarrer son projet agricole, dans le cadre de la Goana.

La situation est aussi la même dans d’autres régions. Dans la zone centre, appelée bassin arachidier, à Ngogom, dans le département de Bambey, 100 ha ont été attribués à un ministre. Dans la région de Thiès, des khalifes généraux ont eu 10.000 ha pour des projets agricoles. A Tasset, c’est le même constat : 125 ha ont été donnés à un Khalife pour les besoins de l’agriculture. A Beude Dieng, dans la région de Thiès, 10.000 ha ont été livrés à des Saoudiens pour l’agriculture. Dans la région de Louga, plusieurs donations ont été répertoriées. A Keur Momar Sarr, 100 ha ont été octroyés à un privé qui voulait faire du maraichage.

 À Diokoul, 2070 ha ont été livrés à une autorité politique pour l’élevage d’autruches et de vaches. Les promoteurs étrangers ont aussi obtenu leur part dans le partage du «butin». Plus loin, au Sénégal oriental, dans la région de Kédougou, un privé espagnol a eu droit à 80000 ha pour faire du tourisme. La liste est loin d’être exhaustive. D’Ourrour, dans la région de Fatick, à Nétéboudou, dans celle de Tambacounda, plusieurs hectares des terres sont donnés à des privés non nationaux, sr le dos des populations rurales.

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