« Depuis les années 1990, des études épidémiologiques ont montré que la prévalence des troubles mentaux et du comportement était élevée, tant dans les pays en développement que dans les pays développés » (Patel et al. 1999 ; Goldberg et Lecrubier 1995 ; Patel 2001 ; Demyttenaere K et al. 2004). La santé mentale constitue un enjeu majeur de santé publique à l’échelle mondiale, et le Sénégal ne fait pas exception. Malgré l’importance croissante des troubles mentaux dans les sociétés contemporaines, la santé mentale reste un domaine souvent négligé dans les politiques publiques de nombreux pays en développement, y compris le Sénégal.
Tributaires des « facteurs psychologiques trouvant souvent leur origine dans l’enfance, mais pouvant aussi être liés à des événements de la vie adulte difficiles à surmonter comme les ruptures familiales, les violences, les maladies et les handicaps ; et les facteurs sociaux avec des inégalités de genre (les femmes étant plus touchées que les hommes) et de génération (les adultes en particulier), des différences selon le niveau de vie (les plus pauvres surtout) ou encore le contexte environnemental » (OMS, 2001, Patel et al. 2010), les problèmes de santé mentale secouent l’équilibre de la société sénégalaise.
Malheureusement, la stigmatisation, la méconnaissance des troubles psychiques, ainsi que la forte influence des croyances culturelles et religieuses, compliquent la prise en charge des personnes souffrant de maladies mentales. De plus, l’accès aux soins spécialisés en santé mentale demeure limité, surtout en dehors des grandes agglomérations telles que Dakar, laissant une grande partie de la population vulnérable à l’isolement et à la marginalisation.
Dans ce contexte, cet article explore les défis auxquels le Sénégal est confronté en matière de santé mentale, notamment les perceptions sociétales des troubles psychiques et les obstacles à l’accès aux soins. Nous mettons en lumière les facteurs culturels, sociaux et économiques qui influencent la manière dont les individus et les familles perçoivent et gèrent la santé mentale. En outre, nous analysons les initiatives existantes et les solutions potentielles pour améliorer la prise en charge des troubles mentaux, tout en tenant compte des spécificités locales.
Cette réflexion vise à apporter une meilleure compréhension des dynamiques sociales et sanitaires liées à la santé mentale au Sénégal et à proposer des pistes de réflexion pour renforcer l’efficacité des politiques publiques et des interventions en santé mentale dans le pays.
Conceptualisation :
La conceptualisation de la santé mentale implique la manière dont cette notion est définie, comprise et abordée au sein d’une société, en tenant compte de divers facteurs biologiques, psychologiques, sociaux et culturels.
Elle englobe la manière dont les troubles mentaux sont perçus, traités et gérés à travers différents prismes, tout en soulignant l’importance de la santé mentale pour le bien-être global des individus. La santé mentale va au-delà de l’absence de troubles mentaux ; elle est une composante essentielle du bien-être général et de la qualité de vie.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la santé mentale est définie comme un « état de bien-être dans lequel une personne réalise ses capacités, peut faire face aux stress normaux de la vie, travaille de manière productive et peut contribuer à sa communauté. Cela dénote non seulement l’absence de troubles mentaux, mais aussi un équilibre émotionnel, une bonne gestion du stress et une capacité à interagir de manière positive avec son environnement ».
En effet, la santé mentale englobe plusieurs dimensions notamment :
le bien-être émotionnel c’est-à-dire la capacité à gérer ses émotions, à faire face à des situations stressantes et à entretenir des relations positives, le bien-être psychologique qui renvoie à la conscience de soi, développement personnel, autonomie et sens de la vie, le bien-être social qui est la capacité à maintenir des relations sociales saines, à fonctionner dans des contextes sociaux variés et à contribuer activement à la société et enfin la résilience qui reflète une capacité à rebondir après des événements stressants ou traumatiques.
D’autre part, la santé mentale d’adosse également sur trois modèles explicatifs :
– Le modèle biomédical :
Il met l’accent sur les facteurs biologiques des troubles mentaux, comme les déséquilibres chimiques dans le cerveau ou les prédispositions génétiques. La santé mentale, selon ce modèle, peut être perçue comme un dysfonctionnement du cerveau qui nécessite une prise en charge médicale, notamment par la psychiatrie, les médicaments et la thérapie.
– Le modèle biopsychosocial :
Il qui intègre les aspects biologiques, psychologiques et sociaux pour comprendre la santé mentale et souligne l’interconnexion de ces trois dimensions dans l’apparition et le traitement des troubles mentaux. Par exemple, les expériences de vie, les facteurs environnementaux, les conditions sociales et les relations interpersonnelles peuvent avoir une influence considérable sur la santé mentale d’un individu, en plus des facteurs biologiques.
-Le modèle socio-culturel :
Ce modèle se concentre sur les influences sociales et culturelles dans la conceptualisation de la santé mentale. Il met en évidence que la manière dont les troubles mentaux sont perçus et varient considérablement d’une culture à l’autre, et que la stigmatisation des troubles mentaux est souvent liée à des valeurs culturelles. Dans certaines sociétés, les troubles mentaux peuvent être associés à des croyances religieuses ou spirituelles, ce qui peut affecter les stratégies de gestion et de traitement de ces troubles.
Au-delà des modèles traditionnels, les conceptualisations modernes de la santé mentale mettent davantage l’accent sur des approches holistiques, qui intègrent des traitements pharmacologiques et psychothérapeutiques, mais aussi des facteurs tels que l’art-thérapie, la pleine conscience et d’autres méthodes de soutien communautaire.
Ces approches cherchent à améliorer non seulement les symptômes, mais aussi à favoriser un rétablissement durable, en se concentrant sur la personne dans son ensemble et en tenant compte de son environnement et de ses expériences.
II. Représentations sociétales des troubles psychiques :
Les facteurs culturels, sociaux et économiques jouent un rôle crucial dans la manière dont les individus et les familles au Sénégal perçoivent et gèrent la santé mentale. Ces éléments façonnent non seulement la compréhension des troubles mentaux, mais aussi les choix de traitement, l’attitude envers les personnes souffrant de troubles psychiques et la volonté de rechercher une aide médicale ou traditionnelle. Au Sénégal, comme dans de nombreuses sociétés africaines, les troubles mentaux sont souvent perçus à travers un prisme culturel et spirituel. La vision dominante associe souvent les maladies mentales à des causes surnaturelles, telles que la possession par des esprits ou la malédiction. Cette interprétation peut conduire à une marginalisation des individus atteints de troubles mentaux, qui sont perçus comme « anormaux » ou « dérangés ».
L’impact de ces représentations surr les individus est double. D’une part, elles renforcent la stigmatisation, ce qui peut conduire les personnes concernées à se cacher et à ne pas chercher de l’aide pour éviter le jugement social.
D’autre part, ces croyances renforcent la tendance à chercher des solutions alternatives aux soins médicaux, comme la consultation de guérisseurs traditionnels, de marabouts ou de religieux, qui peuvent offrir des remèdes basés sur la spiritualité plutôt que sur des traitements médicaux conventionnels.
Bien que des progrès aient été réalisés dans la sensibilisation à la santé mentale, notamment grâce à des initiatives communautaires et à l’action d’ONG locales, la stigmatisation reste un obstacle majeur à l’acceptation de la maladie mentale comme une condition médicale. Cela crée un environnement où les individus sont réticents à demander de l’aide par peur de l’exclusion sociale ou du manque de compréhension de leurs troubles.
2.1. Facteurs culturels
La culture sénégalaise, profondément ancrée dans des croyances religieuses et traditionnelles, influence largement la représentation des troubles mentaux. Une kyrielle d’aspects culturels jouent un rôle central en ce sens :
Croyances spirituelles et religieuses :
Au Sénégal, de nombreuses personnes croient que les troubles mentaux peuvent être causés par des forces surnaturelles, telles que la possession par des esprits, la malédiction ou le mauvais œil. Cette vision spirituelle des maladies mentales, pousse de nombreuses familles à chercher des solutions auprès de guérisseurs traditionnels, de marabouts (prêtres ou guides spirituels dans la culture musulmane) ou de chefs religieux plutôt que de consulter des médecins. Cette approche spirituelle du traitement, s’accompagne souvent de rituels, de prières ou de sacrifices destinés à chasser les mauvais esprits ou à restaurer l’équilibre spirituel.
Tabous et sens commun :
La santé mentale reste un sujet sensible et stigmatisé dans de nombreuses communautés sénégalaises. Les troubles psychiques sont souvent perçus comme une faiblesse ou un signe de malchance, ce qui conduit à l’isolement social des sujets concernées. Cette stigmatisation sociale empêche de nombreuses personnes de rechercher de l’aide, par crainte d’un éventuel jugement de la communauté. Dans certaines familles, les troubles mentaux sont ignorés ou minimisés pour éviter la honte publique.
Rôle de la famille élargie :
La famille, en particulier la famille élargie, joue un rôle fondamental dans la gestion des troubles mentaux au Sénégal. Plutôt que de rechercher des soins professionnels, les familles sont enclines à gérer les situations en interne, en prenant en charge les membres souffrant de troubles mentaux au sein du cercle familial.
Les proches sont souvent les premiers à déterminer si un individu doit recevoir une aide, et leur interprétation des symptômes peut être influencée par des croyances culturelles plutôt que par des connaissances médicales.
2.2 Facteurs sociaux
Les facteurs sociaux, notamment les structures sociales et les normes communautaires, influencent fortement la gestion de la santé mentale de plusieurs manières :
Réseaux communautaires et soutien social :
Ils jouent un rôle de soutien crucial, mais peuvent aussi contribuer à la stigmatisation des personnes souffrant de troubles mentaux. Dans les villages et petites communautés par exemple, les individus souffrant de troubles mentaux peuvent être perçus comme des éléments perturbateurs de l’harmonie sociale.
A ce titre, cette pression sociale peut empêcher les familles de demander une aide médicale, les incitant à privilégier les solutions traditionnelles ou religieuses.
Pressions sociales et économiques :
Le Sénégal étant un pays en développement, de nombreuses personnes, en particulier dans les zones rurales et les banlieues, font face à des pressions sociales et économiques considérables. Ainsi, les difficultés économiques, le chômage, les inégalités sociales et les tensions familiales peuvent exacerber les troubles mentaux, mais aussi compliquer l’accès aux soins. Dans un contexte de pauvreté, les troubles psychiques peuvent être perçus comme des luxes que certaines familles ne peuvent pas se permettre de traiter, ce qui conduit à un retard dans la prise en charge et à une aggravation des symptômes.
Accès à l’information :
L’accès limité à l’information sur la santé mentale dans de nombreuses communautés sénégalaises contribue à une méconnaissance des troubles mentaux. Le manque d’éducation formelle et de campagnes de sensibilisation compliquent la reconnaissance des signes de troubles psychiques. Beaucoup d’individus ne savent pas comment différencier les symptômes d’un trouble mental d’autres problèmes de santé, ce qui conduit à des diagnostics erronés et à des traitements inadaptés.
2.3. Facteurs économiques
Les conditions économiques, marquées par des inégalités importantes et un accès limité aux ressources, ont un impact direct sur la manière dont les individus et les familles gèrent les troubles mentaux :
Coût des soins de santé :
Les soins psychiatriques et psychologiques sont souvent perçus comme coûteux, surtout dans les établissements privés. Les médicaments nécessaires au traitement des troubles mentaux, notamment les antidépresseurs et les antipsychotiques, peuvent être inaccessibles pour une grande partie de la population, notamment dans les zones rurales et les banlieues où les ressources financières sont limitées. En réalité, le coût des soins de santé est un obstacle majeur à l’accès aux services psychiatriques formels.
Infrastructures de santé insuffisantes :
Les zones rurales et les banlieues, qui abritent une majorité de la population, souffrent d’une pénurie d’infrastructures de santé mentale. En effet, le manque d’hôpitaux spécialisés, de psychologues et de psychiatres dans ces zones, entraîne une prise en charge insuffisante des cas de troubles mentaux. En ce sens, les populations rurales sont souvent contraintes de se rendre en ville, ce qui implique des coûts supplémentaires en termes de transport et de temps, sans garantie d’un traitement adéquat en raison du manque de personnel et de ressources dans les établissements urbains.
Disparités économiques :
Les inégalités économiques et la pauvreté dans certaines régions du Sénégal accentuent la difficulté de gérer les troubles mentaux. Les personnes vivant dans la pauvreté sont plus susceptibles de souffrir de stress, d’anxiété et de dépression en raison de la précarité de leur situation. Cependant, ces individus ont moins de ressources pour accéder à un traitement médical approprié.
La pauvreté peut également aggraver les symptômes des troubles mentaux, créant un cercle vicieux difficile à briser. Face à cette situation, l’Etat du Sénégal a développé plusieurs stratégies pour améliorer la prise en charge des troubles mentaux. Bien qu’encore insuffisantes, elles montrent des signes de progrès dans la reconnaissance et la gestion des troubles psychiques. En effet, plusieurs efforts sont mis en place par l’État, les organisations non gouvernementales (ONG) et les acteurs communautaires pour sensibiliser la population, réduire la stigmatisation et améliorer l’accès aux soins.
Cependant, beaucoup reste à faire pour garantir une couverture efficace et accessible pour tous.
III. Obstacles à l’accès aux soins
L’accès aux soins en santé mentale au Sénégal est marqué par plusieurs obstacles structurels et socio-économiques. Le premier obstacle majeur est la disponibilité limitée des services spécialisés. Les hôpitaux et cliniques offrant des soins psychiatriques sont souvent concentrés dans les grandes villes, principalement Dakar. Les zones périphériques, qui abritent une grande partie de la population, disposent de peu ou pas d’infrastructures adaptées à la santé mentale. En conséquence, de nombreux Sénégalais vivant en milieu éloigné n’ont pas accès à un suivi médical en santé mentale, ce qui renforce leur isolement et leurs souffrances.
En outre, le nombre de professionnels de santé mentale (psychiatres, psychologues, thérapeutes) est insuffisant par rapport aux besoins de la population. Selon certaines estimations, il y a moins de psychiatres et de psychologues pour des millions de Sénégalais, ce qui limite considérablement la capacité de traitement des troubles mentaux à grande échelle. Même dans les grandes villes, les professionnels qualifiés sont souvent surchargés, ce qui rend difficile l’accès à des soins de qualité dans des délais raisonnables.
Le coût des soins constitue également un frein majeur. Bien que des services psychiatriques existent dans les hôpitaux publics, les coûts associés à certains traitements et médicaments peuvent être prohibitifs pour une grande partie de la population, en particulier dans un contexte économique difficile. En outre, les manques de formations adéquates pour les professionnels de la santé générale en matière de détection et de gestion des troubles mentaux renforcent la difficulté d’obtenir une prise en charge précoce.
IV Les initiatives existantes dans les politiques de santé publique :
4.1 Programmes gouvernementaux et politiques publiques
Le gouvernement sénégalais a pris quelques initiatives pour améliorer la prise en charge des troubles mentaux, bien que celles-ci restent limitées en termes de ressources et de portée.
Parmi les initiatives notables, on peut citer :
Le Plan National de Santé Mentale :
En 2011, le Sénégal a lancé un plan national de santé mentale qui a pour but de promouvoir l’accès aux soins psychiatriques et d’intégrer la santé mentale dans le système de santé général. Ce plan prévoit des actions de sensibilisation, la formation de professionnels de santé et le renforcement des infrastructures de santé mentale, bien que sa mise en œuvre soit parfois freinée par un manque de financement et d’infrastructures adaptées.
La Stratégie nationale de santé mentale
Le Sénégal a élaboré une stratégie nationale de santé mentale en 2013, qui vise à améliorer la prise en charge des troubles mentaux dans le pays. Cette stratégie repose sur plusieurs axes :
Renforcer la prévention et la promotion de la santé mentale : Cela inclut des actions pour lutter contre la stigmatisation des personnes souffrant de troubles mentaux et pour sensibiliser la population sur l’importance de la santé mentale.
Améliorer l’accès aux soins de santé mentale : L’objectif est de rendre les soins accessibles au plus grand nombre, y compris dans les zones rurales.
Former les professionnels de la santé : Des formations spécialisées sont proposées pour renforcer les compétences des médecins, des infirmiers et des autres personnels de santé dans le domaine de la santé mentale.
La loi de 2015 sur les soins psychiatriques
En 2015, le Sénégal a adopté une loi sur les soins psychiatriques, une avancée majeure dans le domaine de la santé mentale. Cette loi établit des normes pour la prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux et garantit leurs droits.
Elle vise notamment : à garantir des soins adaptés aux personnes souffrant de troubles mentaux., à instaurer un cadre juridique pour la prise en charge des patients, y compris la question du consentement pour les soins psychiatriques, à lutter contre les abus et les mauvais traitements dans les institutions psychiatriques.
La mise en place du bureau santé mentale communautaire
L’objectif général du Bureau Santé Mentale Communautaire sera de mettre en œuvre des actions pour promouvoir le bien-être, prévenir les troubles mentaux, faciliter l’accès aux soins, améliorer les chances de rétablissement, et protéger les droits fondamentaux des personnes atteintes de troubles mentaux et de handicaps psychologiques au Sénégal avec la pleine participation de la communauté.
Autrement dit, il s’agira de renforcer un leadership et une gouvernance efficace dans le domaine de la santé mentale, renforcer les services et les stratégies de promotion, de prévention et de prise en charge en matière de santé mentale, renforcer les systèmes d’information, et la recherche en matière de santé mentale.
La mise en place du bureau santé mentale en milieu scolaire et professionnel
L’objectif de ce bureau est de promouvoir le bien être mental en milieu scolaire et professionnel au Sénégal en mettant en accent particulier sur la promotion, la création et le renforcement d’un centre d’apprentissage adaptés aux handicapés mentaux, la promotion d’une bonne gestion du stress en milieu scolaire, le renforcement de la prise en charge psychologique dans le milieu professionnel et la promotion de la santé mentale dans les entreprises.
La mise en place du bureau psychiatrie légale et lutte contre les addictions.
Son objectif général est de promouvoir la lutte contre l’usage des drogues et de toutes les formes d’addictions ; et de vulgariser les textes juridiques qui encadrent la psychiatrie. révision de la loi sur les expertises et une réorganisation des expertises psychiatriques au pénal, promouvoir les bonnes pratiques et de prise en charge répondants aux normes standards aux malades mentaux et les addicts dans le respect de leurs droits et de la dignité humaine, accompagner le processus de dissémination de l’enseignement de l’addictologie, évaluer les différentes structures de soins en psychiatrie et en addictologie au Sénégal, accompagner la mise en place et le développement de l’observatoire sénégalais des drogues et des addictions (OSDA)
La prise en charge des malades mentaux addicts :
L’objectif général de ce bureau est de mettre en œuvre des interventions pour améliorer la prise en charge de problème de santé mentale de la mère, de l’enfant et de l’adolescent et promouvoir la prise en compte de la santé mentale dans les politiques, et stratégies nationales pour la santé de la mère et de l’enfant, Faciliter le développement des services de santé mentale de la mère et de l’enfant dispensés par le biais des services sanitaires et sociaux existants, développer les ressources humaines pour la santé mentale de la mère et de l’enfant, établir un cadre pour l’évaluation et le suivi de la mise en place de programmes de santé mentale mère – enfant.
. Les structures de soins psychiatriques
Le Sénégal a des structures dédiées à la santé mentale, telles que l’hôpital psychiatrique de Thiaroye, mais le pays reste confronté à un manque de centres spécialisés et d’infrastructures suffisantes pour accueillir les personnes souffrant de troubles mentaux. La majorité des soins se concentrent sur Dakar, et il existe un besoin urgent d’améliorer l’accès aux soins dans les régions périphériques.
. La prise en charge des maladies mentales dans les hôpitaux généraux
Dans le cadre des réformes récentes, il y a eu des efforts pour intégrer la santé mentale dans les hôpitaux généraux. Cette démarche concerne la formation du personnel de santé non spécialisé pour identifier et orienter les patients souffrant de troubles mentaux.
4.2 Actions des ONG et initiatives communautaires
Les ONG, souvent soutenues par des financements internationaux, ont joué un rôle clé dans la promotion de la santé mentale au Sénégal. Certaines initiatives se concentrent sur la sensibilisation, la formation des professionnels de santé et l’amélioration de l’accès aux soins :
Santé mentale et développement :
Des organisations comme la Fondation Sénégalaise pour la Santé Mentale et d’autres acteurs non gouvernementaux mènent des campagnes de sensibilisation pour lutter contre la stigmatisation des troubles mentaux et encourager les gens à rechercher une aide professionnelle. Elles organisent également des formations pour les travailleurs sociaux et les professionnels de la santé afin de les aider à mieux comprendre et gérer les troubles mentaux.
Centres communautaires de santé mentale :
Certaines ONG ont mis en place des centres de santé mentale dans les zones rurales et périurbaines, pour offrir des soins de proximité aux populations les plus éloignées des grandes villes. Ces centres sont souvent gérés par des psychologues et des travailleurs sociaux qui, malgré des ressources limitées, assurent une prise en charge adaptée aux besoins locaux.
4.3 Le rôle de la religion et des guérisseurs traditionnels
Les religieux, notamment les marabouts, jouent également un rôle dans la gestion des troubles mentaux, surtout dans les communautés rurales. Bien que cela puisse parfois mener à des traitements inefficaces, certains marabouts sont ouverts à la complémentarité avec les soins médicaux modernes. De plus, il existe des efforts pour intégrer les guérisseurs traditionnels dans les programmes de sensibilisation et les guider vers une approche plus holistique qui respecte la médecine traditionnelle tout en orientant les patients vers un suivi médical lorsque nécessaire.
V. Quelles pistes de réflexion pour améliorer la prise en charge des troubles mentaux ?
5.1 Renforcer les politiques publiques en santé mentale
Une meilleure intégration de la santé mentale dans les politiques publiques de santé est essentielle. Il s’agit de :
Prioriser la santé mentale dans les politiques de santé :
Le gouvernement doit allouer davantage de ressources à la santé mentale, en intégrant cette problématique dans les politiques de santé publique de manière plus systématique. Dans cette perspective, la construction et l’équipement d’hôpitaux psychiatriques, le financement de médicaments et le soutien à la formation des personnels de santé devraient être sérieusement envisagés.
Décentralisation des soins en santé mentale :
Le pays devrait s’efforcer de décentraliser les services de santé mentale afin que ceux-ci soient accessibles dans les zones rurales et périurbaines. La création de centres de santé mentale locaux et de cliniques mobiles, pour offrir des consultations dans des régions éloignées, serait un moyen efficace d’étendre la couverture.
5.2 Sensibilisation et lutte contre la stigmatisation
La stigmatisation des troubles mentaux doit être combattue par une approche globale de sensibilisation et d’éducation :
Campagnes de sensibilisation massives :
Des programmes de sensibilisation visant à changer la perception des troubles mentaux sont nécessaires. Des campagnes d’information dans les écoles, les universités, les médias, et à travers des communautés locales aideraient à dédramatiser les maladies mentales, à en parler ouvertement et à encourager les individus à demander une aide professionnelle.
Formations des leaders communautaires :
Les chefs religieux, les leaders communautaires et les guérisseurs traditionnels doivent davantage être impliqués dans des programmes de formation sur la santé mentale. Ainsi, en les sensibilisant et en les impliquant dans la gestion des troubles mentaux, ils pourraient jouer un rôle clé dans la réduction de la stigmatisation et dans l’orientation des patients vers les soins appropriés.
5.3 Renforcer la formation des professionnels de santé
Il est crucial de former davantage de professionnels de santé mentale pour répondre à la demande croissante. Les médecins généralistes, infirmiers et autres travailleurs sociaux doivent être formés à la gestion des activités de contact humain, la détection précoce des troubles mentaux, à leur prise en charge initiale et à l’orientation vers des spécialistes lorsque nécessaire.
Formation continue et spécialisation :
Les formations en santé mentale doivent être renforcées dans les écoles de médecine, avec des spécialisations en psychiatrie, psychologie et psychothérapie. De plus, des programmes de formation continue pour les professionnels de santé déjà en activité sont essentiels pour les maintenir à jour sur les meilleures pratiques de gestion des troubles psychiques.
5.4 Matchmaking entre médecine traditionnelle et médecine moderne
L’intégration des médecines traditionnelles et modernes peut constituer une approche complémentaire pour améliorer la gestion des troubles mentaux. Au lieu de voir la médecine traditionnelle et la médecine moderne comme opposées, une collaboration entre les deux systèmes pourrait permettre aux patients d’avoir accès à une gamme plus large de traitements, tout en garantissant leur sécurité et leur bien-être.
5.5 Améliorer l’accès aux médicaments et aux soins
Les médicaments psychiatriques doivent être plus largement disponibles et accessibles à un coût abordable. Cela pourrait inclure la réduction des taxes sur les médicaments psychiatriques essentiels et la mise en place de programmes de subvention pour les personnes à faibles revenus. Des cliniques communautaires bien équipées, notamment dans les zones rurales, sont également nécessaires pour offrir un accès rapide aux soins psychiatriques.
VI. Défis majeurs en matière de gestion de la santé mentale au Sénégal:
Stigmatisation et tabou :
La santé mentale est souvent perçue comme un sujet tabou dans la culture sénégalaise. Les personnes souffrant de troubles mentaux sont parfois stigmatisées et marginalisées. Il existe une forte croyance selon laquelle les troubles mentaux sont liés à des causes spirituelles, comme la possession par des esprits ou le mauvais sort. Cela conduit souvent à des recours aux guérisseurs traditionnels ou aux pratiques religieuses plutôt qu’à une consultation médicale.
Manque de sensibilisation :
Il existe un déficit de sensibilisation à la santé mentale, ce qui limite la compréhension de ces maladies et empêche une prise en charge appropriée. De nombreux Sénégalais ne considèrent pas les troubles mentaux comme des maladies, mais plutôt comme des signes de faiblesse ou de malchance.
Accès limité aux soins spécialisés :
Le nombre de professionnels de santé mentale (psychologues, psychiatres) est insuffisant par rapport aux besoins de la population. Les infrastructures de santé mentale sont concentrées principalement dans les grandes villes, comme Dakar, tandis que les zones rurales sont particulièrement mal desservies. L’accès aux soins reste donc un problème majeur.
Faiblesse des ressources et financement :
Le secteur de la santé mentale est souvent négligé dans les politiques publiques et souffre d’un manque de financement. Les hôpitaux et les centres de santé mentale sont souvent sous-équipés et manquent de médicaments, de personnel qualifié et d’infrastructures adaptées.
Conclusion :
La santé mentale au Sénégal reste un défi majeur, principalement en raison de la stigmatisation, de la mauvaise perception de ces troubles et du manque d’infrastructures et de ressources. Cependant, il y a des signes d’amélioration, notamment avec les initiatives locales et internationales visant à sensibiliser la population et à améliorer l’accès aux soins spécialisés. Il est essentiel que le pays développe davantage de politiques publiques adaptées pour lutter contre cette stigmatisation et offrir des soins accessibles à tous les citoyens.
Références Bibliographiques.
1. Articles scientifiques :
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Sarr, M., & Seck, I. (2018). Challenges in mental health care in Senegal: A focus on rural areas. International Journal of Mental Health Systems, 12(1), 56-67. https://doi.org/10.1186/s13033-018-0250-4
Bâ, M. K., & Thiam, O. S. (2021). L’accès aux soins psychiatriques au Sénégal : Analyse des barrières et des solutions proposées. Revue Sénégalaise de Santé Publique, 29(3), 145-158.
2. Livres et chapitres de livres :
Ba, F., & Léandre, P. (2017). La santé mentale en Afrique de l’Ouest : Enjeux socioculturels et défis économiques. Éditions Africaines, Dakar.
Sow, B. D. (2015). Les croyances traditionnelles et la médecine moderne en santé mentale au Sénégal. Dans A. S. Ndiaye & A. M. Diouf (Éds.), Médecine traditionnelle et santé mentale en Afrique (pp. 78-96). L’Harmattan.
3. Rapports d’organisations internationales :
Organisation mondiale de la santé (OMS). (2014). Rapport sur la santé mentale dans les pays en développement : Focus sur l’Afrique de l’Ouest. Genève : Organisation mondiale de la santé.
Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP). (2019). Les soins de santé mentale en Afrique : Le Sénégal dans le contexte régional. New York : FNUAP.
4. Thèses et mémoires :
Diagne, A. A. (2022). La prise en charge des troubles mentaux au Sénégal : Évaluation des politiques publiques et des soins dans les hôpitaux psychiatriques. Thèse de doctorat, Université Cheikh Anta Diop, Dakar.
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5. Articles de presse et ressources en ligne :
Le Soleil. (2023, mars 15). Santé mentale au Sénégal : Pourquoi la stigmatisation persiste-t-elle ? Le Soleil. https://www.lesoleil.sn/article-sante-mentale-senegal
RFI Afrique. (2020, septembre 3). Les défis de la santé mentale en Afrique : Le cas du Sénégal. https://www.rfi.fr/afrique/les-defis-sante-mentale-afrique-senegal.
Par Dr Abdoukhadre SANOKO. Sociologue Certifié en psychologie, action sociale, protection sociale, risques psychosociaux au travail, anthropocène et diplômé en sciences politiques et relations internationales.