Dans nos cénacles où nous aimons ferrailler sur les textes de lois, leur interprétation et champ d’application, il en une polémique qui vaut son pesant d’or.
Il est question de déterminer qui du Code electoral ou du Code Général de Collectivités territoriales doit servir de fondement à la révocation du maire.
Ceux-là soutiennent mordicus que le Code électoral a un champ déterminé, prédéfini et ne régit que l’élection des conseillers municipaux, du dépôt de liste, au contentieux à la proclamation définitive des résultats. Il cesse tout effet postérieurement à cette dernière.
Pour eux, le maire étant élu au suffrage universel direct, ne peut être régi par la révocation du Code électoral qui s’applique aux conseillers municipaux.
Le Code électoral serait ainsi le Code de l’ELECTION du Maire, et le Code Général des Collectivités territoriales, celui de son MANDAT.
L’autre thèse soutient, avec l’appui rigoureux de la jurisprudence Commune de Goussainville et du droit comparé français sur lequel a été cloné le droit sénégalais de la Décentralisation, que le Code électoral est, comme l’a invoqué le Préfet de Dakar, une base légale suffisante pour révoquer un maire qui a perdu son inéligibilité en cours de mandat.
Maintenant qui de l’article du Code général des Collectivités territoriales (GCCT) a même de fonder la révocation du maire, victime d’une condamnation pénale privative de droits civiques?
Le Préfet de Dakar s’est basé sur l’art 272 et 277 du Code électoral pour faire droit à la requête d’un électeur pour constater la déchéance du mandat du maire à la suite de condamnation à une peine emportant son inéligibilité.
À l’examen, on se rend compte que le Code Général des Collectivités territoriales n’est pas totalement dépourvu non plus de fondements juridiques de nature à justifier la révocation du maire à la suite d’une inéligibilité postérieure à son élection.
L’art 135 du CGCT qui prévoit la révocation de droit du maire en cas de condamnation pour crime, est exclu d’office dans le cas du maire de Dakar, condamné pour délit.
L’ancien ministre Ismaïla Madior Fall croit déceler dans l’art 140 une possible base légale, s’appuyant sur la formule « sans que la liste soit limitative », pour trouver dans l’inéligibilité nouvelle du maire en c ours de mandat, une cause suffisante de révocation à côté des autres « fautes » listées.
Sauf que et c’est le point d’Achille de son raisonnement, l’art 140 évoque une série de « fautes », qui se référent davantage à des infractions pénales ou disciplinaires pouvant donner lieu à des poursuites pénales et des sanctions administratives.
Or, dans le cas du maire de Dakar, sa révocation ne fait pas suite une quelconque « faute », mais une inéligibilité consécutive à une condamnation pénale postérieure à son élection.
Il reste cependant l’art 131 du CGCL, dans la section Suppléance, Cessation de fonction des maires et adjoints, qui semble être un fondement tout aussi pertinent et opératoire que l’art 277 du Code électoral.
Il dispose:
« le maire ou son adjoint qui, POUR UNE CAUSE POSTÉRIEURE À SON ÉLECTION, NE REMPLIT PLUS LES CONDITIONS REQUISES POUR ÊTRE MAIRE (…..) DOIT CESSER SES FONCTIONS ».
Le Préfet saisit le ministre de l’Intérieur qui prend un arrêté de suspension du maire, avant que le Président de la République ne prenne un décret de révocation.
La cause postérieure à son élection, qui ne permet plus au maire de rester maire, évoquée sans précision par l’Art 131, peut valablement et juridiquement découlée de sa condamnation pénale entraînant son inéligibilité en cours de mandat.
Comme on peut le constater, aussi bien le Code électoral que le Code Général des Collectivités territoriales, contiennent des dispositions tant générales que spécifiques pour servir de base légale à la révocation d’un maire en cours de mandat pour inéligibilité.
La Cour suprême aura l’embarras du choix; étant tenue de soulever les moyens d’ordre public non invoqués par le Préfet, elle lui sera loisible de choisir le fondement juridique le mieux approprié.
En tout état de cause, un élu qui ne peut rester député pour inéligibilité, ne saurait rester maire en raison de l’indivisibilité du suffrage universel.
Le vin de la révocation est bien tiré , faudra bien le boire.
Alea jacta est.
Honoré Député Amadou Ba