Avant le début de l’exploitation du pétrole, le Sénégal perdait chaque année 95,5 milliards de francs CFA, pour cause de fraude fiscale dans le secteur extractif. C’est ce qui ressort de l’analyse d’un Rapport de NRGI et l’USAID publié hier, lundi 25 novembre 2024.
Dans le secteur extractif, avant l’exploitation du pétrole, le Sénégal perdait jusqu’à 153 millions de dollars en recettes fiscales potentielles par an, à cause de la fausse facturation commerciale, une somme équivalant à 95,5 milliards de francs CFA. L’information ressort du Rapport sur «l’Evitement fiscal, fraude fiscale et fausse facturation commerciale : les risques pour le secteur», réalisé par NRGI et l’USAID, dans le cadre du Programme Trace.
Toujours selon le rapport, il existe d’importants risques de perte de recettes publiques fiscales dans l’inflation des coûts des sous-traitants dans le secteur. Il est important que le Sénégal s’attaque à ces risques, en particulier, vu que le pays est sur la lancée des opérations de production pétrolière et gazière à grande échelle. Pour cela, le Sénégal peut renforcer son autorité fiscale, vérifier les comptes des fournisseurs de l’industrie extractive et reconsidérer les conventions fiscales.
Fraude fiscale sur les exportations d’or via une fausse facturation… pour échapper à l’impôt sur le revenu des particuliers…
En guise d’exemple, l’étude signale que les exportations d’or vers les Émirats Arabes Unis représentaient 1% du total des exportations du Sénégal des biens vers le monde. Seulement, le prix des exportations d’or vers les Émirats Arabes Unis était inferieur d’environ 59% au prix moyen des exportations d’or du Sénégal en 2021. Selon NGRI, bien que cela ne prouve pas l’existence d’une sous-tarification délibérée, il pourrait être utile d’enquêter sur les raisons pour lesquelles le prix des exportations d’or du pays vers les Émirats Arabes Unis était en moyenne beaucoup moins élevé́ que celui vers d’autres pays.
Le document informe également qu’en décembre 2022, il n’existait toujours pas de raffineries d’or accréditées auprès de la London Bullion Market Association (l’organisme de normalisation du secteur) aux Émirats Arabes Unis. Il est aussi bien établi qu’il se produit au Sénégal des pratiques de fraude fiscale sur les exportations d’or. Il est également possible qu’une telle fausse facturation soit motivée par une volonté́ de dissimuler un transfert vers les Émirats Arabes Unis de richesses illicites ou pour échapper à l’impôt sur le revenu des particuliers.
Pourtant, à en croire toujours NRGI, les Douanes des Émirats Arabes Unis ont déclaré́ des prix pour les exportations d’or du Sénégal qui étaient supérieurs de plus de 60% au prix déclaré́ aux Douanes sénégalaises à l’exportation. Bien que les prix déclarés à l’importation pour un envoi donné soient généralement plus élevés que les prix pour le même envoi déclarés à l’exportation, puisque ceux dans le premier cas incluent le coût de l’assurance et du fret, la différence est généralement d’environ 6% de la valeur à l’exportation, selon les données du FMI en 2018.
Ces chiffres dépassent également de loin les estimations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) des coûts d’assurance et de fret pour l’or entre les Émirats Arabes Unis et le Sénégal. Et ce constat s’ajoute à d’autres qui établissent que l’or a été vendu à un prix inférieur à sa valeur lorsqu’il a quitté́ le Sénégal. Cela indique que le Sénégal aurait tout à gagner à partager des informations avec ses partenaires commerciaux, pour s’assurer que le même prix et la même quantité́ pour une expédition donnée sont déclarés ̀a l’importation et à l’exportation, hormis les différences dues au coût de l’assurance et du fret.
…Malgré que le Sénégal dispose déjà d’un cadre directeur solide pour lutter contre l’évasion fiscale
Alors que de nombreux pays importateurs exigent des certificats d’exportation du pays d’origine, cette obligation n’est apparemment pas appliquée ̀a Dubaï. Cela permettrait aux exportateurs d’exporter du Sénégal, à un prix inférieur à la valeur réelle de l’or et, ce faisant, de se soustraire à une partie de la taxe sénégalaise de 2% sur la valeur des exportations d’or (la contribution spéciale sur les produits des mines et des carrières), sachant que personne à Dubaï ne vérifierait la concordance entre les factures d’exportation et d’importation.
Si ces écarts sont vraiment dus ̀a une fausse facturation, selon les calculs, ils entraineraient une perte de recettes fiscales pour le Sénégal de 12 millions de dollars par an. NRGI souligne toutefois que le Sénégal dispose déjà̀ d’un cadre directeur solide pour lutter contre l’évasion fiscale par les multinationales et les agents chargés de la mise en œuvre de ces politiques possèdent un haut niveau de capacité technique. Les autorités sont parfaitement conscientes du problème et observent ce qui est perçu comme étant les bonnes pratiques à suivre dans un certain nombre de domaines, notamment les recommandations de l’OCDE sur le transfert de bénéfices.
Néanmoins, note NRGI, il y a lieu de croire que le pays continue de perdre des recettes en conséquence de pratiques de transfert de bénéfices de la part de multinationales et d’autres flux financiers illicites, en particulier en ayant recours à des tactiques de fausse facturation des exportations et des importations du Sénégal. Ces pertes peuvent être attribuables à l’insuffisance des effectifs de l’autorité́ fiscale et au fait que l’administration publique n’utilise toujours pas de solutions de pointe pour lutter contre ces problèmes.