Depuis son accession à la magistrature suprême, le président de la république Bassirou Diomaye et son Premier ministre Ousmane Sonko n’ont accordé aucune interview aux médias français. Brouille diplomatique inavouée avec l’Elysée ? ou tentative de donner beaucoup plus de crédit aux médias nationaux et de changer le récit dans ce domaine ? dans tous les cas, cette attitude du président de la République et de son Premier ministre tranche avec une tradition bien sénégalaise où les chefs d’états sénégalais accordent leurs premières grandes sorties médiatiques aux journalistes français.
Elu le 25 mars 2012, le Président Macky Sall avait accordé, trois mois après, l’une de ses premières grandes interviews à Marwan Ben Yahmed de Jeune Afrique. C’était le 14 juin 2012 à Kaolack, en marge du deuxième Conseil des ministres décentralisé, après celui de Saint-Louis. Pour faire le bilan de ses 100 jours à la tête du pays, le prédécesseur de Bassirou Diomaye Faye accordera simultanément un entretien aux médias sénégalais et à RFI.
Toutefois, force est de constater que contrairement à leurs prédécesseurs qui étaient «friands» des plateaux français, le président de la République Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko sont quant à eux plus circonspects avec les médias du pays de Marianne. Depuis qu’il est à la tête du pays, le chef de l’Etat opte visiblement pour une «préférence nationale» médiatique en accordant ses premières sorties exclusivement à des journalistes sénégalais.
Expliquant cette position, le Président Faye souligne que lors de ses voyages à l’étranger, il reçoit beaucoup de sollicitations de la part des médias français et occidentaux. «Et je ne peux pas les ignorer éternellement. Mais je leur ai dit que j’accorderai mes entretiens aux médias sénégalais», soutenait-il il y a quelques mois. Mais, même avec cette justification, le Président Bassirou Diomaye Faye ne semble pas assez «pressé» de parler aux Marc Perlman et autres grands journalistes attitrés des chefs d’États africains.
Pour sa première visite officielle hors du continent africain, le Président sénégalais s’était rendu en France pour participer notamment au Forum mondial pour la souveraineté et l’innovation vaccinales. Il avait rencontré le Président Macron en marge de ce Forum. Mais à part son discours officiel prononcé à l’occasion de cette rencontre internationale, le Président Bassirou Diomaye n’avait accordé aucun entretien aux médias français lors de cette visite.
Même son de cloche pour le Premier ministre et homme fort du pays Ousmane Sonko. Ce dernier aussi très sollicité par ces médias pour son aura au Sénégal et son leadership au niveau africain semble être sur la même longueur d’onde que le chef de l’Etat Diomaye Faye.
Le leader du Pastef qui vient de porter au pinacle sa formation politique à l’issue des législatives n’accorde pas un entretien aux médias français. Et si le chef de l’État ne laisse pas apparaître un différend notoire avec son homologue français, Ousmane Sonko quant à lui n’a pas caché son mécontentement à l’égard du Président français. Ainsi il avait profité de la venue du leader des Insoumis Jean Luc Mélenchon, au mois de mai dernier, pour déverser toute sa bile sur le gouvernement français. «Vous n’avez jamais entendu le gouvernement français dénoncer ce qu’il s’est passé au Sénégal», affirmait Ousmane Sonko. Accusant dans la foulée Emmanuel Macron d’avoir accueilli et félicité Macky Sall au pire moment de la répression. Et avec véhémence, il estimait que cette posture du Président français était une incitation à la répression, une incitation à la persécution et à l’exécution de Sénégalais. Il insiste que le Premier ministre n’avait commis d’autre crime que d’avoir un projet politique. Est-ce à cause de cela que le PM boude les médias français dont certains sont des déclinaisons de la diplomatie française ? Peut-être. Mais même si le tandem Diomaye-Sonko ne pourra pas médiatiquement se recroqueviller éternellement, à un moment ou à un autre, ils devront parler avec les médias étrangers.
Force est de constater néanmoins que le Président sénégalais et son puissant Premier ministre ne subissent pas le «diktat» habituel des médias étrangers qui étaient légion avec les gouvernements précédents. Ils regardent manifestement le monde et les médias à travers le prisme de leur désir de souveraineté à tous points de vue et surtout à l’égard de cette tradition qui est une survivance coloniale et de la France-Afrique qui faisait que tant qu’un chef d’Etat africain n’a pas accordé d’interview à un médias étranger, il n’est pas encore «officiel». Ce nouveau régime semble prendre un autre détour.