De toutes les localités considérées comme des bastions de l’ancien régime, Matam s’est distingué comme étant la plus fidèle au Président Macky Sall durant ses douze années de règne. Mais avec une série de ralliements constatée dans la contrée et les grandes foules qui y ont accompagné le cortège de Ousmane Sonko en campagne électorale, un nouveau vent de propriété est en train de souffler dans le Nord du pays. Va-t-on vers la conquête de Matam par le nouveau pouvoir ?
Longtemps considérée comme le principal grenier électoral de l’ex coalition au pouvoir Bby, la région de Matam pourrait basculer au profit de l’actuel régime incarné par le parti Pastef. C’est du moins ce qui se dessine au vu de la nouvelle situation politique qui y prévaut. En effet, en campagne dans le Fouta, la tête de liste de la mouvance présidentielle Ousmane Sonko, a été accueillie par de nombreuses foules partout où son cortège est passé. Un fait jamais imaginé il y a seulement quelques mois. Ce, parce que durant tout son règne le Président Macky Sall avait tellement miné la zone que tout opposant s’y rendait sans le moindre espoir de renverser la tendance. D’où son slogan «Matam est un titre foncier de Bby». Même Ousmane Sonko, alors très puissant opposant, avait beaucoup de difficultés à y mener ses activités politiques. Mais depuis que le vent du changement a soufflé sur tout le territoire national avec l’avènement de Bassirou Diomaye Faye au pouvoir, la cartographie politique de Matam n’est plus la même. La campagne électorale de Pastef dans cette région a été marquée par une forte adhésion des populations. C’est un constat ! Preuve par les vagues de ralliements d’anciens poids lourds vers la nouvelle mouvance présidentielle. De même que les nombreux jeunes qui ont tourné le dos aux responsables politiques locaux de l’ancien régime. Lesquels sont accusés de les avoir longtemps utilisés à des fins personnelles électorales et trompés à travers une mauvaise politique basée sur des achats de conscience. Et sans penser aucunement à lutter contre le chômage local des jeunes. Mais ce qui a le plus découragé les populations, c’est l’absence d’une vraie politique de développement pour leur région longtemps laissée en rade par les hommes politiques. C’est pourquoi d’après eux, un grand espoir est permis avec le programme Vision 2050 qui pour une fois permettra à la région de sortir de la pauvreté.
Déception des populations sur le bilan de l’ancien régime…
La fin ou non de la mainmise de l’Apr sur la région de Matam ne sera connue qu’au soir du scrutin du 17 novembre prochain. Mais tout au moins, il est permis de douter sur la survivance des habituels scores fleuves de l’ancien parti au pouvoir. Ce, d’autant plus que de grands responsables politiques sur qui Macky Sall misait pour lui assurer des victoires éclatantes dans le Fouta commencent à lui tourner le dos pour aller soutenir la mouvance présidentielle. C’est le cas de Abdoulaye Sally Sall, un de ses compagnons de première heure et maire de la commune de Nabadji. Il a été suivi par le non moins puissant ex ministre de la Justice Me Malick Sall et de Amadou Kane Diallo maire de Ogo. Selon certains analystes politiques, rien que ces départs peuvent peser lourd sur la balance eu égard à leurs poids politiques et moyens financiers. Il y a également le ralliement de plusieurs autres militants qui, même de moindre calibre ne sont pas à minimiser. Mais ce qui risque de réduire la famille « Mackyste » à sa plussimple expression, c’est la défection de plusieurs centaines de jeunes.
Farba Ngom multiplié par zéro…
Ayant pris conscience d’avoir longtemps été exploités par les hommes politiques, ils disent vouloir rompre avec cette façon très maladroite de faire de la politique. A titre illustratif ils ont cité nommément le maire des Agnam en l’occurrence Farba Ngom qui les manipulait pour disperser le cortège de Ousmane Sonko à coups de projectiles moyennant de l’argent lors de la dernière présidentielle. En plus, ils l’accusent d’avoir toujours procédé à destransferts d’électeurs et procédé à des achats de conscience lors desscrutins. Ce qui explique les gros écarts entre Bby etses adversaires. Mais pour cette fois-ci, pensent-ils, les résultats de ces législatives seront tout autre puisqu’ils vont refléter la vérité des urnes en l’absence de fraudes. Comme quoi, les jeunes d’Agnam ont décidé au soir du 17 novembre prochain de multiplier Farba Ngom par…zéro
Parlant toujours du maire des Agnam, ils ont estimé que malgré sa proximité avec l’ex Chef de l’État et ses réseaux au plus haut niveau étatique, il n’a jamais daigné leur trouver un emploi sûr et décent. Donc Farba Ngom qui fut l’homme à tout faire du Président Macky et à qui tout était permis, s’est vu affaibli dans son propre fief. Ce qui justifie l’accueil en grande pompe de la caravane de Sonko à Agnam où Binta Wagué du Pastef gagne de plus en plus de terrain. D’ailleurs, c’est sur ce terrain que le Premier ministre Ousmane Sonko lui a lancé le message disant « qu’il y a des hommes politiques qui en sont à leur dernière campagne électorale » en référence à la grande fortune prêtée à Farba Ngom et qui fera l’objet d’une enquête judiciaire pour enrichissement illicite. Cette reproche des militants faite à Farba Ngom sur son échec dans l’approche politique est la même à l’endroit des autres grands responsables politiques de l’Apr. Ainsi, forts de tous ces arguments, beaucoup de jeunes ont décidé de changer de cap pour soutenir Ousmane Sonko en qui ils portent l’espoir de faire développer le pays et particulièrement leur terroir.
Vision horizon 2050 : un espoir pour développer Matam…
A Matam, Ousmane Sonko a fait sa campagne en roue libre loin des manœuvres de sabotage et d’attaques de ses cortèges. A part le petit incident des Agnam vite maîtrisé par les Forces de Défense et de Sécurité, sa tournée dans le Fouta s’est passée sur des roulettes occasionnant de fortes mobilisations. Son programme de campagne dans la zone a été marqué par le grand meeting tenu au stade régional de Matam où face à une foule immense il a dévoilé les principaux axes de la vision du Pastef pour cette région. Dans son discours, le Premier ministre a d’abord rassuré que les projets comme la route du Dandé Mayo, le désenclavement du Ferlo, l’aérodrome et l’hôpital de Ourossogui ainsi que l’université de Matam seront bientôt relancés. Il a aussi fait part de la promesse de l’électrification et de l’accès à l’eau potable pour tous. Aussi, un vaste programme sera développé pour booster l’agriculture et l’élevage qui constituent les principales activités des populations. Dans le domaine industriel, un hub pour la transformation du phosphate va générer plus de 10.000 emplois directs accompagné de la construction d’un chemin de fer qui va relier Matam aux autres régions. En outre, l’accès aux financements et aux terres pour soutenir les agriculteurs ainsi que la création d’unités industrielles où cuir, viande et lait verront le jour. Ce vaste programme prendra en compte les microfinances, l’habitat etc. C’est compte-tenu de toutes ces promesses qui, une fois réalisées vont changer le visage de Matam que les responsables locaux du Pastef ont invité les populations à adhérer à la Vision Horizon 2050 pour accorder la majorité à leur liste. Des populations qui semblent en tout cas avoir bien perçu le message et compris les grands enjeux du moment. A les en croire, Matam ne doit plus être la vache laitière d’une quelconque formation politique. C’est pourquoi ils ont décidé d’accompagner le nouveau référentiel de développement et de s’impliquer massivement pour faire sortir leur territoire de ses difficultés. Pour eux, le temps des promesses non tenues étant révolu, l’heure est à la concrétisation des grands projets.
Toutefois la question est de savoir si cette forte adhésion des jeunes constatée lors du passage de Ousmane Sonko à Matam va se traduire dans les urnes. En tout cas si on tient à l’intention de vote des jeunes, les réalisations du précédent régime sont très en deçà de leurs attentes. Car pendant douze ans, Macky Sall n’a pas fait grand-chose pour le Fouta tant en infrastructures qu’en création d’emplois alors que le potentiel existe dans la région. Ce qui fait que la zone continue de se distinguer comme l’un des plus grands déserts industriels du pays obligeant bon nombre de ses jeunes en perte d’espoir à recourir aux motos Jakarta comme alternative d’emplois.
A moins de deux jours de la fin de la campagne, les différents concurrents pour la majorité à l’Assemblée nationale continuent de descendre sur le terrain pour convaincre les populations à leur faire confiance. Matam l’un des principaux enjeux de ce scrutin sera suivi de très près pour voir à qui va profiter la région entre le Pastef et la coalition… Wallu. Mais quoi qu’il en soit Ousmane Sonko va réussir un grand bond en avant dans la région alors que Macky Sall risque de voir son électorat chuter. Son coefficient de sympathie effrité par la montée en puissance du Pastef et le départ de beaucoup de ses anciens compagnons de guerre dont certains comme Abdou Karim Sall ont fait cavalier seul. Ce qui rend encore plus incertaine l’issue de la bataille pour bénéficier des cinq sièges en jeu de la région.