L’ancien président Macky Sall, qui avait pourtant promis de se retirer de la vie politique en quittant ses fonctions en mars dernier, mène aujourd’hui une campagne électorale inédite depuis le Maroc. Désigné tête de liste de la coalition d’opposition Takku Wallu pour les législatives du 17 novembre, il tente de maintenir son influence à distance.
Le Monde rapporte une scène révélatrice survenue le 26 octobre à Thiès, près de Dakar : des militants de l’Alliance pour la République (APR) sont regroupés autour d’un téléphone, écoutant leur leader s’exprimer via le député sortant Abdou Mbow qui fait office de relais. Cette situation a suscité des commentaires ironiques dans les médias sénégalais qui ont baptisé l’initiative « campagne WhatsApp », relate le quotidien français.
Le journal précise que le 30 septembre, la coalition Takku Wallu, rassemblant notamment l’APR et le Parti démocratique sénégalais (PDS), avait officialisé la candidature de Macky Sall comme tête de liste nationale, démontrant ainsi son influence persistante malgré son exil marocain.
Le Monde cite la « Lettre à mes compatriotes » diffusée le 6 novembre, dans laquelle Macky Sall justifie son retour politique : « Nous constatons que l’économie est en berne », écrit-il, critiquant « le populisme » et les « contre-vérités [qui] tiennent lieu de mode de gouvernance. » Il y explique son retrait initial par « courtoisie républicaine », s’étant « imposé un temps de recul et de réserve. »
Toutefois, rapporte le quotidien français, l’ancien président reste évasif sur les raisons de sa campagne à distance. Un cadre de l’APR confie au Monde, sous couvert d’anonymat : « Nous étudions les possibilités, mais l’hypothèse de sa présence sur le territoire pour la campagne des législatives est peu probable. »
Selon les témoignages recueillis par Le Monde, Macky Sall maintient fermement le contrôle des opérations malgré son éloignement. « Il suit tout de très près », affirme Omar Youm, proche et cadre de l’APR, cité par le journal. Sa stratégie se concentre sur la défense de son bilan présidentiel (2012-2024) et l’attaque frontale des premiers mois de gouvernance du Pastef.
Face à cette situation sans précédent, Le Monde rapporte que l’APR a dû repenser sa stratégie. « On parie sur le porte-à-porte plus que sur les meetings. On pousse les militants de base à aller à la rencontre des citoyens », confie un député sortant au quotidien français. Le journal cite également Mamadou Lamine Sarr, chercheur en sciences politiques, qui rappelle : « L’APR a longtemps été une machine électorale d’une grande efficacité. Il leur reste un savoir-faire en la matière. Leur présence dans le Sénégal profond est forte. »
Le Monde fait état d’un malaise croissant au sein du parti. « En politique, le contact et la chaleur humaine comptent. Là, cette dimension est absente », avoue un militant dans les colonnes du journal. Un autre membre du parti confie : « Malheureusement, on ne trouve personne qui remplace vraiment Macky dans ce rôle de leader. Il a fondé l’APR et dirigé le pays pendant douze ans. »
Pendant ce temps, son adversaire Ousmane Sonko, Premier ministre et cofondateur du Pastef, profite de cette absence pour multiplier les apparitions publiques, allant jusqu’à organiser le 29 octobre une démonstration de force à Fatick, fief historique de Macky Sall.