L’ancien chef du gouvernement tente de s’imposer comme le véritable leader de l’opposition. Les élections législatives anticipées du 17 novembre pourraient marquer sa rupture définitive avec l’ombre tutélaire de Macky Sall.
Le ton est donné dès le 21 octobre, quand Ousmane Sonko lance un défi inattendu à son prédécesseur à la primature : un débat public contradictoire. Contre toute attente, Amadou Ba accepte, non sans ironie : « Manifestement, j’ai vu juste en affirmant que M. Ousmane Sonko éprouve une nostalgie sans doute légitime de ma modeste personne. »
Bien que le débat n’ait finalement pas eu lieu – le CNRA y ayant mis son veto – cette séquence révèle, comme le rapprorte Jeune Afrique (JA), une nouvelle facette d’Amadou Ba. L’homme réputé discret et mesuré montre désormais les crocs. Quand Sonko le traite de « voleur », il réplique en le qualifiant « d’éternel opposant lent et incompétent, ne faisant que du bavardage. »
« Nous sommes en train de découvrir un autre Amadou Ba, qui est plus libre et se met de plus en plus dans la peau du leader de l’opposition », se réjouit Oumar Sow, ancien conseiller présidentiel devenu cadre de la coalition Jamm Ak Njariñ, cité par JA.
Cette métamorphose s’explique par une rupture majeure : Amadou Ba a quitté l’Alliance pour la République (APR) et la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY), emmenant avec lui le Parti socialiste et l’Alliance des forces de progrès. Mi-septembre, il lance son propre mouvement, « Nouvelle responsabilité », destiné à devenir un parti politique.
« C’est quelqu’un qui n’a plus de contraintes. Il n’a plus les mains liées et peut maintenant tracer sa voie », confie À Jeune Afrique, un ancien collaborateur à la primature. Un autre allié renchérit : « C’est un mal pour un bien qu’il ait échoué à la présidentielle. Cela lui a donné l’occasion de prendre davantage son destin en main. »
Toutefois, cette émancipation n’est pas sans obstacles. Selon le magazine panafricain, les investitures pour les législatives ont créé des frustrations, notamment chez Oumar Sow, relégué à la 27e place sur la liste nationale : « Je fais partie des rares personnes qui ont soutenu Amadou Ba et je me sens trahi », confite-t-il à JA.
À en croire Jeune Afrique, l’enjeu de ces législatives dépasse la simple confrontation avec Sonko. « Ce que veulent Amadou Ba et ses nouveaux alliés, ce n’est pas de battre Ousmane Sonko. C’est arriver devant Macky Sall », analyse un observateur. Une affirmation que réfute Oumar Sow, toujours dans les colonnes de JA : « Nous n’avons que faire des leaders qui sont hors du pays et s’adressent aux Sénégalais depuis WhatsApp. Nous, nous sommes sur le terrain et notre objectif, c’est d’être les premiers. »
Pour l’ancien Premier ministre, qui avait obtenu 35% des suffrages à la présidentielle, ces législatives représentent une opportunité de renaissance politique. Reste à voir si cette stratégie d’émancipation portera ses fruits dans les urnes.