Les travailleurs des collectivités territoriales épuisent leur 29ème plan d’actions. Mais, c’est toujours le statu quo, ce qui les révulse.
L’Intersyndicale des travailleurs des collectivités territoriales ne compte pas lâcher du lest. «Nous sommes plus que déterminés à réclamer le droit des travailleurs des collectivités territoriales», a déclaré Moussa Cissokho, le Secrétaire général de la Fédération générale des travailleurs du Sénégal. En fait, ces travailleurs réclament l’octroi des indemnités de revalorisation de salaire. Un droit qu’ils estiment légitime car conféré par l’article 29 qui stipule que toute revalorisation allouée à l’agent de l’Etat est d’office applicable aux collectivités territoriales. Pour obtenir ce qui leur revient de droit, ils ont initié plusieurs plans d’actions.
«Nous en sommes à notre 29e plan d’actions pour l’année 2024. Depuis plus de deux ans, les travailleurs des collectivités territoriales sont en train de réclamer un droit légitime qu’on refuse systématiquement de nous octroyer. Ce qui est sûr, c’est que nous n’allons pas abandonner. Nous sommes déterminés plus que jamais à réclamer ces droits-là. Nous n’allons pas laisser tomber. Nous sommes des Séné¬galais et nous avons les mêmes droits dans ce pays», a précisé Moussa Cissokho à l’endroit de leur tutelle qui, disent les travail¬leurs, veut faire la sourde oreille.
Selon le chargé de la communication de l’administration de l’Intersyndicale des travailleurs des collectivités territoriales qui faisait face à la presse nationale, il y a dans cette affaire deux poids deux mesures. «Au même moment où nous réclamons ces droits, on a augmenté les indemnités des maires, des adjoints au maire et les indemnités des receveurs municipaux», a-t-il dénoncé.
Pour lui, on ne peut pas avoir deux types de Sénégalais : «Le Sénégal des bannis et le Sénégal des privilégiés.»
«Comment, dans un pays qui se respecte, on peut augmenter les salaires de certains travailleurs et laisser les autres à la périphérie. Personne ne saurait l’accepter», a-t-il dit. Mais, ce qui frustre le plus l’Inter¬syndicale des travailleurs des collectivités territoriales, c’est la sortie de leur ministre de tutelle. «L’actuel ministre des Collec¬tivités territoriales a fait une sortie pour dire qu’il n’y a que 1000 travailleurs qui sont concernés par les augmentations de salaires. Ce qui n’est pas exact. C’est faux», a martelé Moussa Cissokho.
D’après lui, le ministre ne s’en est pas arrêté là. «Il se permet de sortir des actes de réquisition pour essayer d’annihiler l’esprit de revendication des collectivités territoriales. Cela ne va pas prospérer parce que nous sommes aujourd’hui plus que déterminés à réclamer ce droit légitime des travailleurs des collectivités territoriales», a-t-il fait savoir.
Le Secrétaire général de la Fédération générale des travailleurs du Sénégal a l’impression que les nouvelles autorités de ce pays ne comprennent pas les enjeux. La preuve, l’Etat paie aux travailleurs des collectivités territoriales des salaires dérisoires. «Un pays ne peut pas se développer sans des collectivités territoriales viables, attractives et qui protègent les projets de développement. Allez dans la sous-région et un peu partout dans le monde, les travailleurs des collectivités territoriales sont mis dans de bonnes conditions. Ils ont des salaires qui leur permettent de vivre décemment. Il n’y a qu’au Sénégal qu’on voit des salaires de 50 mille francs, 60 mille, qui sont même en deçà du Smic, dans les collectivités territoriales», s’est-il indigné.
Durcissement du combat
Avant de rappeler que «la revalorisation des salaires, ce sont des considérations sociales». Et que les travailleurs de l’Etat doivent être traités sur un pied d’égalité, sans discrimination aucune.
D’ailleurs, le gouvernement du Sénégal avait commandité une étude sur le système de rémunération des agents de la Fonction publique. Laquelle a permis à l’intersyndicale de se faire une idée sur le traitement salarial des travailleurs de la Fonction publique.
«Quand on parle de Fonction publique, les travailleurs des collectivités territoriales sont des démembrements de l’Etat au même titre que les agents de l’Etat. Nous devons avoir les mêmes émoluments parce que nous avons les mêmes statuts. Quand vous regardez les statuts, nous avons le même barème. Le barème de salaires applicable aux agents de l’Etat, c’est le même barème qu’on applique aux collectivités. Et ils ont dit augmentation par hiérarchie. Maintenant, ils ont augmenté les salaires des agents de l’Etat. Mais il ne faut pas oublier qu’au niveau de l’Etat, il y a des agents non fonctionnaires sous régime général, c’est-à-dire le régime de l’Ipres. Même ceux-là ont bénéficié de ces augmentations», a-t-il dit.
Pourtant, «il y avait les maires des communes de Fann-Point E-Amitié, Dieuppeul-Derklé, Pikine qui avaient pris sur eux la décision de payer», a ajouté Moussa Sissokho. «Mais on nous sert après une lettre circulaire venant du Trésor qui s’oppose systématiquement à ce paiement en disant qu’il n’y a pas d’actes réglementaires», s’est-il désolé.
A l’en croire, l’ancien Premier ministre Amadou Ba, qui les avait reçus, avait reconnu qu’ils revendiquaient un droit légitime. Mais, il leur avait dit qu’il «fallait aller vers des actes réglementaires pour instruire aux receveurs percepteurs municipaux et aux maires de procéder au paiement. Malheu¬reusement, cette volonté n’a pas été réalisée, car on était à quelques semaines de l’élection présidentielle et Amadou Ba était parti».
Impact financier
Estimant que l’Etat c’est la continuité, l’intersyndicale interpelle le président de la République pour qu’il demande au «ministre des Collectivités territoriales de s’occuper du sort des travailleurs des collectivités territoriales». A en croire M. Cissokho, l’intersyndicale a des solutions de sortie de crise. Ainsi, elle suggère à l’Etat de permettre aux communes qui sont prêtes à payer, de le faire. «S’il est avéré que l’incidence financière est un peu importante, on peut différer le paiement et essayer un peu de payer de façon séquentielle pour permettre d’ici deux ans de payer tout le monde. L’essentiel est de dire que nous avons payé», a proposé Moussa Cissokho. Mais, ils ne veulent pas entendre le contraire. «Nous n’allons pas l’accepter», a-t-il dit, car il n’y a que deux choses : «La faisabilité et la soutenabilité.»
«Vous voulez payer. Com¬ment vous allez payer, vous le dites aux gens. Vous ne voulez pas payer, vous dites que ce n’est pas faisable, mais il faut avoir le courage de venir le dire aux travail¬leurs les yeux dans les yeux, et leur dire pourquoi vous ne pouvez pas payer», a-t-il proposé.
Disposée au dialogue, l’intersyndicale ne cache pas sa volonté de corser la lutte si l’Etat campe sur sa position. Pour le moment, elle a choisi de taire ses stratégies qu’elle promet de dévoiler ultérieurement si rien ne va dans le sens de leur démarche.