BRAVO, PRESIDENT, CHAPEAU PREMIER MINISTRE

par pierre Dieme

Nous citons volontiers Youssou Ndour chantant la performance des « Lions » du football dans une Coupe du Monde, pour dire au président de la République et à son Premier ministre ceci : « Su fi yemoon saxmu neex » ! Oui, Monsieur le président de la République, oui M. le Premier ministre, si votre bilan en matière de presse devait s’arrêter aux mesures que vous avez déjà prises dans ce secteur, eh bien il serait déjà largement positif ! Car les mesures de nettoyage des écuries d’Augias que vous mettez en œuvre depuis votre arrivée au pouvoir sont de salubrité publique et vont incontestablement dans le bon sens. En ordonnant le gel de toutes les conventions signées par des ministères et des sociétés nationales avec des entreprises de presse — dont la plupart ne le sont que de nom— , le temps d’y voir clair, vous avez démontré votre volonté d’instaurer une transparence dans l’utilisation de l’argent public. Lequel, à travers ces conventions signées avec des individus entrés par effraction dans le secteur de la presse, servait à les enrichir sans cause. A coups de dizaines de millions de francs parfois pour des sites souvent fantômes et qui n’étaient créés que pour pouvoir justifier la signature de conventions. Et, donc, le versement d’argent public à des copains, des coquins, des condottiere. La plupart du temps, la contrepartie à ces libéralités financières — encore une fois avec de l’argent public ! —, c’était d’insulter copieusement les opposants, en premier lieu Ousmane Sonko et le Pastef. De les calomnier, de les diffamer, de les vilipender. A cette fin, nos larrons et donzelles étaient généreusement stipendiés à travers des ministères et des sociétés nationales.

C’était la même chose avec le Fonds d’aide à la presse dont une bonne partie passait dans les comptes bancaires des fonctionnaires chargés de le distribuer à travers des sites d’ « information » fictifs. Un fonds qui, au fil des années, a été détourné de sa vocation initiale de soutien aux entreprises de presse pour, là aussi, stipendier des mercenaires de la plume ou de la voix. C’est si vrai que, pendant deux ans, notre société, « Le Témoin », qui a 34 ans et possède un quotidien et deux radios, a été zappé de cette distribution au prétexte qu’il n’a pas déposé de demande ! Et pour cause car nous n’avions pas voulu cautionner les magouilles en cours. Dire pourtant que Mamadou Oumar Ndiaye, notre directeur de publication, faisait partie des « quatre mousquetaires » (en plus de lui il y avait Abdoulaye Bamba Diallo et feus Babacar Touré et Sidy Lamine Niasse), ainsi qu’on les surnommait, qui avaient négocié cette « aide à la presse » avec l’ancien président Abdou Diouf par l’intermédiaire de Famara Ibrahima Sagna, alors ministre de l’Intérieur. C’était en 1990. Plus de 30 ans après, il s’est trouvé des fonctionnaires pour exiger du « Témoin » de déposer un dossier pour prouver qu’il est une entreprise de presse ! Comme disent les Wolofs, « lu sotti am borom »…

Il faut «geler» le fonds d’aide à la presse !

Qu’on nous comprenne bien : nous ne soutenons pas que des conventions ne doivent pas être signées avec la presse. Non ! Ce que nous disons, c’est que des critères clairs et stricts doivent être établis et que la transparence doit prévaloir. Encore que, pour en revenir au Fonds d’aide à la presse — on en a changé le nom mais c’est tout comme —, tel qu’il fonctionne actuellement, il créé un appel d’air et favorise la multiplication des journaux, radios, télévisions, sites et autres pour capter cette manne publique. Et plus l’Etat augmentera le montant de ce fonds, plus il y aura de supports qui prétendront à ce soutien financier. C’est le serpent qui se mord la queue et on ne s’en sortira jamais. Mieux, des employés de groupes de presse recevant cette subvention ou signataires de conventions avec des sociétés, créent eux-mêmes des sites et bénéficient à leur tour et de la subvention et de conventions ! Au même titre, encore une fois, que le groupe qui les emploient. La République et décidément bonne fille…

C’est pourquoi, pensons-nous, à défaut de pouvoir le faire pour les conventions avec les ministères et les sociétés nationales — ce qui serait hautement salutaire pourtant — ce serait une bonne chose de « geler » ce Fonds d’aide à la presse ne serait-ce que pendant une année pour remettre les choses à l’endroit. Autrement dit, faire un « jubanti » là aussi. Si cela n’était pas possible, nous suggérerions de tout centraliser au niveau de la Primature et que toutes les conventions avec toutes les entreprises de presse y soient validées. Cela permettrait de contrôler l’utilisation de l’argent public dans le secteur de la presse et de la communication. Et aussi de laisser la loi du marché réguler tout cela.

En attendant, qu’il nous soit permis une fois de plus de tirer notre chapeau au président de la République et au Premier ministre pour le travail d’assainissement de la presse qu’ils ont entrepris depuis trois mois. Un travail qui aurait dû, pourtant, être l’œuvre des professionnels du secteur eux-mêmes !

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