Invité de l’émission « Grand jury » dimanche dernier, le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Abdourahmane Diouf a fait savoir que le gouvernement va prendre ses responsabilités pour faire respecter l’appel à candidatures pour le poste de recteur de l’Ucad. Cette affaire indigne depuis quelques semaines le Sudes/Esr, section Ucad. Il dénonce un retard dans le lancement de l’appel à candidatures.
Une controverse entoure le prolongement du mandat du recteur de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Depuis quelques semaines, le Syndicat unitaire et démocratique des enseignants du Sénégal / Enseignement supérieur et de recherche (Sudes/Esr), section UCAD accuse le Conseil d’administration de l’Ucad de vouloir maintenir le recteur actuel dont le mandat arrive à échéance le 22 juillet 2024. Il dénonce ainsi un retard dans le lancement de l’appel à candidatures pour le poste de recteur de l’Ucad et qui, selon lui, « constitue une violation flagrante du décret n° 2021-846 du 24 juin 2021 relatif aux modalités de nomination du Recteur dans les Universités publiques ».
« Selon l’article 2 du décret précité, un comité de validation et de sélection des candidatures doit être mis en place quatre-vingt-dix (90) jours avant le terme du mandat du recteur en fonction. Or, le mandat actuel du recteur expire le 20 juillet 2024, ce qui signifie que le comité aurait dû être mis en place et l’appel à candidatures lancé il y a déjà cinquante-cinq (55) jours. Cette inaction administrative suscite notre indignation et notre profonde inquiétude quant aux conséquences potentielles sur la continuité et la stabilité de la gouvernance de l’UCAD », lit-on dans une lettre adressée au ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Abdourahmane Diouf.
Ne décolérant toujours pas, le Sudes / Esr section Ucad se dit «inquiet» et «indigné» face «aux atermoiements du Conseil d’Administration concernant le lancement de l’appel à candidatures pour le poste de recteur conformément au décret2021- 846 du 24 juin 2021», dans un communiqué en date du 4 juillet. «Il nous est revenu qu’en sa dernière réunion, le Conseil d’Administration de l’UCAD rechigne à lancer l’appel à candidatures et qu’à la place, il a décidé de commettre un conseiller juridique qui serait celui de l’actuel recteur de l’UCAD pour faire le constat que ce dernier aurait entamé tacitement depuis juillet 2023 un supposé second mandat qui devrait courir jusqu’en 2026», lit-on dans le document. Ce qui fait dire aux syndicalistes « qu’en agissant ainsi, le président du Conseil d’Administration fait preuve de carence en référence aux articles 2 et 3 du décret 2021-846 relatif aux modalités de nomination du Recteur dans les Universités publiques du 24 juin 2021 ».
Face à la presse jeudi dernier, le Sudes/Esr, section Ucad a continué à dénoncer ce qu’il considère comme une situation « scandaleuse qui menace l’intégrité et la gouvernance » de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et parle encore d’une violation de la loi. « Le 22 juillet 2024, dans moins de deux semaines, le mandat du recteur actuel de l’UCAD arrive à son terme. Pourtant, le Conseil d’Administration de notre université persiste dans son inaction, refusant obstinément de lancer l’appel à candidatures pour organiser la succession. Cette négligence flagrante n’est pas seulement une erreur administrative, c’est une violation pure et simple de la loi », a déclaré Sylvestre Kouakou, leur porte-parole. Et d’ajouter: « En arguant le subterfuge fallacieux et vétilleux de la reconduction tacite depuis juillet 2023 de son mandat qui serait de trois ans au lieu de quatre, le CA de l’UCAD a fait preuve de carence avérée. Il a une interprétation insidieuse de la loi, qui ne trompe personne ». « Le cadre légal est sans ambiguïté. La loi 2015-26 du 28 décembre 2015 relative aux Universités publiques du Sénégal fixe en son article 16 la durée du mandat des recteurs des universités publiques à quatre (4) ans. Chaque université est dirigée par un recteur choisi parmi les professeurs titulaires des universités de nationalité sénégalaise. Il est nommé par décret sur proposition du Ministre de l’Enseignement supérieur pour un mandat de quatre (04) ans, renouvelable une fois… L’actuel recteur de l’UCAD nommé le 22 juillet 2020 ne saurait en aucun cas l’être pour un mandat de trois (3) ans comme semble dire le CA. Ce serait contraire aux dispositions de l’article 16 sus-indiqué », a rappelé M Kouakou.
Invité de l’émission « Grand Jury » sur la Rfm dimanche dernier, le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Abdourahmane Diouf, a abordé la question. « Beaucoup de juristes ont lu les textes et ont donné le même point de vue. Il se trouve que ce n’est qu’au sein du Rectorat qu’on a un autre point de vue. Et ce point de vue ne peut pas prévaloir sur celui de tous les autres. Moi, je pensais qu’on allait régler ce problème très facilement, dans la cordialité, dans la diplomatie. Mais à ma grande surprise, ils se sont réunis et le Conseil d’administration de l’UCAD a dit, dans une phrase très simple mais aussi très compliquée qu’ils n’ont pas assez d’éléments pour lancer l’appel à candidatures. Donc, le Conseil d’administration de l’UCAD est en train de nous dire : je ne lancerai pas d’appel à candidatures », a-t-il dit. Et d’ajouter, « je considère que le mandat du recteur est terminé depuis juillet 2023 parce qu’il a été élu pour trois ans, 2020-2023. En 2021, il y a eu ce nouveau décret sur l’appel à candidatures. Donc c’est le texte nouveau qui s’applique. En 2023, le PCA de l’UCAD aurait dû lancer un Appel à candidature, il ne l’a pas fait. C’est une situation de carence. Le ministre de l’époque aurait dû le faire, il ne l’a pas fait. C’est une situation de carence. Et au niveau du Rectorat, ils ont développé une théorie que personne ne comprend par rapport à une reconduction tacite du mandat du Recteur. Maintenant, c’est cette situation de carence qui fait que le Recteur de l’UCAD a un mandat indu d’une année ». Sur ce, il reste ferme. « Le gouvernement prendra ses responsabilités, parce que nous considérons que l’appel à candidatures doit être fait. On n’est plus d’ailleurs dans les délais et on prendra en charge nos responsabilités pour que l’UCAD ne soit pas un îlot d’exception par rapport aux autres universités sénégalaises », a laissé entendre Abdourahmane Diouf.