Dans cet entretien accordé à Sud quotidien, le Pr Patrice Samuel Aristide Badji, agrégé des facultés de droit, est d’avis que cela est bel et bien possible
L’annonce de la production du premier baril de pétrole au Sénégal, mardi dernier, a fait renaitre le débat sur la renégociation des contrats pétroliers dont le souhait a été émis par les nouvelles autorités du pays. Dans cet entretien accordé à Sud quotidien, le Pr Patrice Samuel Aristide Badji, agrégé des facultés de droit, est d’avis que cela est bel et bien possible. Selon lui, elle pourra se faire à condition qu’il ait l’acceptation du principe de renégociation par les compagnies pétrolières et gazières ainsi que l’existence, dans le contrat de partage de production, d’une clause de renégociation.
Le Sénégal a obtenu son premier baril du pétrole, quelle lecture vous en faites ?
Cette extraction du pétrole constitue une excellente nouvelle, tant pour l’Etat que pour le peuple. Concernant l’Etat, ladite extraction contribuera à redorer son image auprès des investisseurs car intégrant désormais, grâce à celle-ci, le cercle restreint des pays producteurs de pétrole et de gaz même si beaucoup d’efforts restent encore à faire pour se hisser au même niveau que des géants pétroliers africains tels que le Nigéria et la Lybie. Sur le plan économique, il faudra faire remarquer l’apport considérable du secteur extractif dans le budget général de l’Etat quand on sait que dans le dernier rapport du Comité national ITIE, il a été mentionné que 242, 30 milliards ont été affectés au budget de l’Etat sur les 275, 33 milliards générés. L’intérêt de l’extraction du pétrole pour le peuple n’est plus à démonter d’autant que l’article 25-1 issu de la loi constitutionnelle de 2016 dispose que les ressources naturelles appartiennent au peuple et qu’elles sont utilisées pour améliorer les conditions de vie de celui-ci.
Comment va se faire réellement le partage de cette production ?
Il faudra d’abord préciser que les contrats pétroliers et gaziers en cours de validité au Sénégal sont tous des contrats de recherche de partage et de production. Ensuite, ils sont soumis au Code pétrolier de 1998 qui donne compétence aux parties, d’un commun accord, de fixer les modalités de partage de la production. Pareille conclusion peut être corroborée au regard de l’article 36 du Code pétrolier de 1998 : « Le contrat de partage de production précise conformément aux dispositions de l’article 34 les droits et obligations du titulaire et de l’Etat ou de la société d’Etat, pendant toute sa durée de validité, notamment les conditions de partage des hydrocarbures produits, aux fins de la récupération des coûts pétroliers supportés par le titulaire et de sa rémunération ».
Les nouvelles autorités ont annoncé leur volonté de renégocier les contrats. A votre avis, cela est-il possible en l’état actuel ?
La renégociation des contrats est possible à plusieurs conditions telles que l’acceptation du principe de renégociation par les compagnies pétrolières et gazières ; l’existence, dans le contrat de partage de production, d’une clause de renégociation. Or, il ne semble pas qu’en l’état actuel des choses, nous soyons dans de pareilles hypothèses. Il faudra donc que les nouvelles autorités éclaircissent la lanterne des Sénégalais sur les raisons, les points à renégocier. Ceci étant précisé, faisons remarquer que l’insertion dans les contrats de clause de stabilisation rend ardue la tâche des autorités précitées.
Quels peuvent être les avantages et les inconvénients de cette option de renégociation ?
On pourrait parler d’avantages si l’Etat du Sénégal, réussissait, après avoir démontré le caractère léonin des contrats, à obtenir leur renégociation. Au cas contraire, les inconvénients de l’option en faveur de la renégociation s’apprécieront par exemple dans le fait que les compagnies pétrolières et gazières n’acceptent pas de renégocier ou qu’une renégociation acceptée à la base n’aboutisse pas. Le risque est d’exposer le Sénégal à un contentieux qui, s’il n’est pas réglé à l’amiable, devra être porté devant le Centre international de règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI).
Propos recueillis par Ndeye Aminata CISSE