« C’est entre 2021-2022 que le Sénégal a franchi pour la 1ére fois, le seuil des 14.000 détenus », révèle le Juge Lam

par pierre Dieme

Invité de l’émission #Midikeng sur PressAfrik, le Juge Cheikh Tidiane Lam, rapporteur de la Commission modernisation des Assises de la Justice a profité de l’occasion pour dresser un état des lieux des emprisonnements.

Inspecteur général de l’administration de la Justice, M. Lam a proposé des peines alternatives touchant davantage le portefeuille des délinquants plutôt que de les incarcérer. Selon lui, les trafiquants internationaux de drogues, qui introduisent des tonnes de cocaïne dans le pays, méritent davantage la prison que les « femmes accusées d’infanticide ou impliquées dans des problèmes de tontine », qu’il considère comme des « victimes ». En effet, il a souligné que sur les « 14 000 et quelques détenus, les femmes représentent 3% de la population carcérale », ce qui signifie, selon lui, « qu’elles ne sont pas dangereuses ».

Pour lui : « un fumeur n’est pas un délinquant dangereux et que ce n’est pas à la prison de régler ce problème, mais plutôt à « une cure de désintoxication ». C’est pourquoi, la commission modernisation des Assises de la Justice dont il est le modérateur a recommandé « dans les peines alternatives, une injonction thérapeutique pour les individus devenant dépendants. »

« Nous avons longuement réfléchi à qui doit aller en prison. Et cela devrait être quelqu’un qui le mérite vraiment », a-t-il rapporté. M. Lam a illustré ses propos en partageant une anecdote de son mandat en tant que directeur de cabinet, lorsque le directeur de l’administration pénitentiaire lui a signalé la surpopulation carcérale, particulièrement à Dakar.

À l’époque, la politique criminelle prévoyait de gracier certains détenus, à l’exception des auteurs de détournements de deniers publics, de crimes de sang et de dossiers liés à la drogue. Il explique à cette date « sur 7 000 détenus, environ 1 000 étaient en prison pour simple usage de drogue ». Alors en réponse à cette situation, une note technique a été rédigée et il a été décidé de gracier ceux emprisonnés pour usage de chanvre indien ayant purgé la moitié de leur peine.

« En 2010/2011, on considérait que 7 000 détenus représentaient un maximum. Aujourd’hui, le nombre de détenus a doublé pour atteindre 14 000, un seuil franchi pour la première fois entre 2021-2022 » , en partie à cause du contexte politique et des détenus politiques. »

Le juge Lam a conclu en expliquant que supprimer la peine de prison ne signifie pas supprimer la sanction. Il a souligné la nécessité de sanctions efficaces, citant l’exemple européen où les amendes lourdes ont contribué à réduire les accidents.

Alors pour lui : « Le Sénégal peut changer. Si le régime de sanctions est plus efficace, les travailleurs doivent être sanctionnés positivement, tandis que ceux qui détournent l’argent du contribuable sont plus dangereux que les criminels et doivent être punis », a-t-il affirmé. « Malheureusement, ce sont souvent les fraudeurs qui se retrouvent  en première ligne et sont promus », a-t-il regretté.
Fana CiSSE

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