L’ex président du Sénégal, Macky Sall avait pris comme engagement l’effacement de la dette fiscale des entreprises de presse sénégalaises. Mais, il se trouve que cela n’a pas été finalement signé avant la fin de son mandat. Ce qui a d’ailleurs plongé beaucoup d’entreprises de presse dans des situations troublantes. En effet, depuis quelques jours, certains organes de presse reçoivent des sommations de paiement de la part de l’administration fiscale. De l’avis du président de l’assocaition des éditeurs et professionnels de la presse en ligne (Appel), Ibrahima Lissa Faye qui a accordé un entretien à Dakaractu, « l’Etat a l’obligation d’aider les entreprises de presse ». Ainsi, il lance un appel aux nouvelles autorités de « sauver la presse, au lieu de l’enfoncer ».
Vous êtes le président de l’APPEL, au mois de mars, vous avez rencontré Macky Sall, avant son départ du pouvoir et il vous avait promis d’effacer la dette fiscale des entreprises de presse qui s’élève à 40 milliards. Qu’est ce qui s’est passée, la promesse n’a pas été tenue ?
Ibrahima Lissa Faye : « Oui, il y avait une promesse ferme du Président Macky Sall pour l’effacement de l’ardoise fiscale des entreprises de presse. Il nous avait reçus et il avait donné des instructions en conseil des ministres. Il avait également écrit au ministre des finances et du budget de l’époque mais malheureusement, je pense que le nécessaire n’a pas été fait entre le ministre des finances et la DGID pour l’effacement de l’ardoise fiscale. Les entreprises de presse coulent sous cette dette et sont obligées de payer cette dette parce qu’elle est due au fisc, elle est due à l’Etat du Sénégal.
En fait, si les entreprises de presse sont alllées vers le chef de l’Exécutif pour demander l’effacement de cette ardoise, c’est parce qu’elles sont dans des difficultés intenables. Beaucoup de ces entreprises sont en quasi faillite, certaines sont en cessation de paiement, d’autres n’arrivent plus à gérer leurs charges et ce sont de grandes entreprises traditionnelles qui sont là quand même depuis plus de 10 ou 15 ans et qui se sont retrouvées dans ses difficultés là et comme cela se fait dans d’autres pays aux Etats -Unis, en France et même dans la sous-région. Quand, il y a un secteur qui est en difficulté et qui est à terre, on ne peut compter que sur l’appui de l’Etat pour relever en tout cas ce secteur là , surtout que c’est un secteur important pour la vie en société. Et, donc on ne peut compter que sur l’Etat pour un plan de relance et nous, au sein de la CAP, depuis 2017, nous avions lancé une campagne pour un plan national de la presse. Parce que, les mesures qui sont appliquées depuis lors à travers une amnistie fiscale ou effacement de la dette ou même disons une éxonération comme ça, c’est juste des mesurettes. Ce qu’il faut, c’est un programme qui cherche, qui pourrait remettre à flot les entreprises de presse. A partir d’un ultimatum, d’un échéancier et qu’on donnerait à toutes les entreprises de presse avec des mesures humanitaires et incitatives pour qu’en tout cas, chacun se met à la page, respecte les fondamentaux de notre république, de notre société à savoir payer correctement le fisc, les cotisations sociales, respecter intégralement la convention collective et les dispositions du code de la presse. Donc, vraiment ce plan là est mis en œuvre au -delà maintenant de l’ultimatum, une entreprise de presse qui n’arriverait pas à survivre n’a plus sa raison d’être. Mais, actuellement, nous avions dejà le couteau sous la gorge et là, on dirait qu’on cherche à achever une bonne partie de la presse parce que pour dire vrai, c’est entre 70 et 80% des médias qui sont dans les difficultés et cette mesure qui consiste à leur envoyer le fisc et l’inspection du travail, c’est vraiment leur mettre le couteau sous la gorge définitivement parce que si ses mesures de redressement fiscal ou des restrictions de l’inspection du travail sont appliquées, c’est clair que des entreprises ne survivront pas à cela. Ce que nous préconisons comme solution, c’est que les acteurs des médias s’asseyent en tout cas avec l’Etat du Sénégal pour trouver des solutions pérennes, des solutions structurelles. Déjà, il y en a certaines qui ont été proposées à travers les Assises Nationales des Médias donc il faut dépoussiérer cela et voir les mesures qui sont applicables et veiller à les appliquer et aussi surtout travailler pour que la presse ne connaisse plus ses genres de difficultés ».
Depuis quelques jours, on entend des redressements fiscaux tous azimuts et même l’inspection du travail serait aux trousses de certaines entreprises de presse. Que compte faire la corporation face à cette situation ?
Ibrahima Lissa Faye : « Ce qu’il faut comprendre là, c’est qu’il faut non seulement nous mobiliser et surtout qu’on essaye de rencontrer les autorités, discuter et voir si réellement il y a des possiblités de trouver des solutions. Et moi, je pense que les autorités étatiques, elles ont le pouvoir de voir une situation réelle de la presse parce que l’Etat a les moyens de savoir exactement ce qui s’est passé, ce que chaque entreprise a eu à encaisser à travers les conventions avec les démembrements de l’Etat, à travers aussi les bilans qui sont déposés et à partir de là, à cette situation de référence, elles peuvent ou l’Etat peut discuter et voir ce qu’il peut faire . Mais, on peut pas sur la base de préjugés et ou sur la base d’une… partie de la population condamner un maillon important de la démocratie. Et, je pense que si une bonne partie de la presse disparaissait sous le régime de Diomaye Faye, ce sera une catastrophe. C’est une catastrophe et que le président de la République ainsi que son premier ministre, Ousmane Sonko, doivent pouvoir de manière lucide étudier la question, convoquer les acteurs et réfléchir carrément sur un plan de relance. Et, si c’est dire des vérités, c’est ça la vérité! Parce qu’en fait, il y’a des choses qui ce sont passées, qui ne sont plus acceptables et si on allait en arriver là aussi, il y a la responsabilité de l’Etat. Il faut le dire et le comprendre. Il y a la responsabilité de l’Etat parce que nous avons un code qui n’est pas appliqué. Oui, le code de la presse n’est appliqué qu’à 1/3 ,ce qui n’est pas acceptable du tout et c’est ce qui a expliqué ce foisonnement et tout le bordel qui existe actuellement dans la profession parce qu’il y a le statut pour les entreprises de la presse. On ne peut pas se lever et créer comme ça une entreprise de presse. On ne peut pas se lever et se réclamer journaliste comme ça. La carte nationale de presse, il y a plus de 2500 cartes qui sont délivrées et donc, on doit pouvoir exiger ses cartes de presse partout mais ce n’est pas fait. Et, nous n’avons pas un pouvoir de police, ni de gendarme pour exiger cela dans les manifestations ou dans toutes les activités . Donc, l’Etat quelque part n’a pas fait son travail et aujourd’hui ça nous retombe dessus et c’est la part de responsabilité que nous avons peut-etre nous, en tant que chef d’entreprise , c’est qu’ il y a certains en tout cas qui, malheureusement ne respectent pas la loi et n’en font qu’à leur tête et qui sont dans des combines et c’est ce qui explique aujourd’hui les problèmes que nous vivons ».
Les entreprises de presse avaient alerté sur d’éventuels soucis financiers pour payer les salaires des employés, c’est toujours le cas ?
Ibrahima Lissa Faye: « En réalité, je l’ai dit dans ma première intervention, le secteur agonise, 80% des entreprises de presse agonisent et là on leur envoie le fisc, l’inspection de travil quelque part on cherche la mort d’une bonne partie de la presse, il faut le dire surtout la presse privée. Toute la presse privée est concernée, il y avait quand même un groupe, ici qui était en règle partout, au niveau des institutions sociales, fisc , convention collective, mais cette entreprise là qui ne fait même pas de l’information générale, ça fait plus de 7 mois qu’elle est en faillite et pourtant elle ne fait même pas de la politique, elle n’est pas dans le domaine économique donc pour vous dire qu’en fait, ce n’est pas seulement propre aux entreprises de presse d’information générale ,c’est le tout le secteur qui est en berne ,qui est à terre, et l’Etat du Sénégal a l’obligation de trouver des solutions ,de chercher à sauver cette presse et maintenant de mettre en place des règles immuables et les entreprises qui ne pourront pas respecter ces règles n’auront plus leurs raisons d’être. Mais pour le moment, il faut d’abord sauver la presse au lieu de l’enfoncer ».