« L’émotion est nègre, la raison est hellène » dixit feu le Président Léopold Sédar Senghor. Cette célèbre boutade du premier Président de la République du Sénégal doit être inscrite dans notre Constitution parce qu’elle continue de refléter jusqu’à nos jours notre rapport, nous africains, avec l’Europe. La visite du Président du parti des Insoumis, M. Jean Luc Mélenchon en est une parfaite illustration.
L’essentiel de l’exercice était destiné à confirmer à l’ancien colonisateur, notre ardent désir de proclamer notre souveraineté nationale, économique et sociale.
La question de la souveraineté est sur toutes les lèvres et chacun y va de sa propre théorie avec un point d’honneur sur la souveraineté monétaire. Et encore une fois notre « moi » émotionnel prend le dessus sur notre « nous » rationnel. Nous avons toujours ce sentiment qu’il nous faut exorciser les démons de la France. Que ce tort que le pays de Marianne nous a causé est tellement profond, qu’il nous faut à chaque fois nous rappeler ce boulet de la colonisation pour trouver une excuse à nos problèmes internes ; nos propres tares finalement.
Certes la France a été un bourreau, une sangsue avec l’esclavage, la colonisation puis la France-Afrique avec comme enjeux la question de la monnaie et des matières premières. Mais il n’en demeure pas moins que nos dirigeants doivent se poser la question de l’utilisation du legs colonial.
En accédant à l’indépendance, le Sénégal a hérité de l’administration la plus structurée de l’Afrique, d’une ville propre avec des artères dégagées et un plan d’urbanisme bien réfléchi. La SICAP et la SN HLM étaient les pionniers en Afrique en termes d’habitat social. L’école publique sénégalaise était enviée pour la qualité de son enseignement et l’université Cheikh Anta Diop était le référentiel du savoir dans le monde. Nous avions des entreprises nationales qui constituaient les fleurons industriels de notre jeune nation : ICS, SENCHIM, SEIB, SONACOS, BATA, etc.
64 ans après les indépendances, l’élite politique (en toute complicité avec l’élite de l’ENA) a réussi la prouesse de brader le foncier du premier aéroport de l’Afrique de l’Ouest (Aéroport LSS) au point de mettre en danger les 4 millions de sénégalais qui vivent dans la capitale. De 2000 à 2024, les deux régimes précédents ont fait du foncier leur pain béni sans aucune vision prospective.
Le système éducatif a été balafré par des décideurs publics qui ont fini par faire de l’éducation un champ de melons qui pourrit de l’intérieur à cause des pesticides utilisés pour noyer la mauvaise cuture.
Ce n’est certainement pas l’ancien colon qui pousse le secteur informel à occuper les trottoirs et que les mécaniciens fassent des espaces publics, des garages ouverts qui ont finis par remplacer les arbres.
Il n’a pas également conseillé à nos dirigeants de dilapider les sociétés nationales, d’offrir les ICS aux indiens sur un plateau d’or, de renoncer à nos 10% qui nous revenaient de droit dans le capital des sociétés extractives et de faire perdre à notre trésor public des centaines de milliards qui pouvaient contribuer à éradiquer les abris provisoires.
La souveraineté ne se décrète pas encore moins ne se proclame, elle s’acte. En effet, elle s’acte à travers l’éducation, la discipline, l’organisation et le culte du travail. Construire à la base une jeunesse instruite, productive, disciplinée, et ancrée dans nos valeurs religieuses et culturelles. Il faut créer d’abord, en interne, les conditions de notre souveraineté. Les pays asiatiques sont devenus souverains non pas par la parole mais par le travail. EN 1960, le Sénégal était économiquement devant la Corée du Sud, aujourd’hui elle nous apporte son soutien à travers les programmes de la KOYCA.
La visite de Jean Luc Mélenchon n’a eu le mérite que de raviver un débat inutile et nauséabond autour de l’homosexualité. Le Président de la France Insoumise, et qui veut nous soumettre à son agenda LGBT, a profité d’une plateforme universitaire, la future élite de notre cher pays, pour porter un plaidoyer dont le contenu se résume à ce que le « panafricanisme et la rupture soient enveloppés sous le sceau de la tolérance et plus spécifiquement envers les homosexuels » tout en précisant que la polygamie, légalement reconnu par la religion musulmane, est « inacceptable. ».
C’est une insulte et un manque réel de respect pour nous autres sénégalais et à son hôte. Jean Luc Mélenchon savait très bien que la question de l’homosexualité est bannie au Sénégal malgré cela, il a tenu a nous balafré devant toute l’Afrique et cela sans sourciller. Par cet acte, il décide volontairement de porter atteinte à notre souveraineté sociale, culturelle, cultuelle et religieuse. C’est une autre forme de colonisation qui ne dit pas son nom. Le Premier Ministre Ousmane Sonko ne peut laisser échapper cette belle occasion de criminaliser l’homosexualité comme il l’avait promis » à And Same Djiko Yii » et à tous les sénégalais lors des joutes législatives. Il pourra ainsi clouer le bec à Jean Luc qui veut nous imposer la mauvaise chanson.
Il faut que nous apprenions à nous discipliner, éviter de nous distraire et de nous faire distraire dans des débats qui ne participeront certainement pas à baisser le prix des denrées de premières nécessités. Nous devons nous focaliser sur nos priorités internes en :
– Imposant le « Jub » dans notre système éducatif pour « produire », à nouveau, un sénégalais discipliné, travailleur, respectueux des lois de son pays, fier de sa culture et de son héritage
– Renforçant le « Jubbal » dans toute l’administration pour que le service public soit moins corrompu et plus orienté vers le patriotisme citoyen et la préservation des deniers publics.
– Faisant du « Jubbanti » notre pansement « rationnel » dans tous les secteurs stratégiques et névralgiques de notre économie afin de la structurer autour de notre optique de souveraineté nationale.
En attendant suivons le fameux conseil de Frank Ocean : « Travaillez dur en silence, laissez le succès faire tout le bruit. » !
* Par Cheikhou Oumar Sy
Ancien Parlementaire