Marché par entente directe avec la société MARTEL LTD dans la gestion de la pêche artisanale entre 2019 et 2021 : Alioune Ndoye épinglé par la Cour des Comptes

par pierre Dieme

Cité dans le marché par entente directe exécuté à un coût onéreux avec la Société MARTEL LTD, dans sa gestion de la pêche artisanale entre 2019 et 2021, l’ex Ministre Alioune Ndoye est rattrapé par le temps.

Au Sénégal, La pêche artisanale représente en moyenne 80% des captures de produits halieutiques soit 451 964 tonnes en 2019 et 182 297 197 FCFA en valeur commerciale (ANSD SES 2019) contre 20% pour la pêche industrielle dont les captures annuelles s’élèvent à 106 118 tonnes en 2019. D’après la Cour des comptes, l’économie de la pêche est donc essentiellement portée par la pêche artisanale qui contribue à hauteur de 1,5% du PIB de l’année 2019 et 10% de la valeur ajoutée du secteur primaire. Toutefois, le contrôle, par la Cour (voir définitif décembre 2023), de la gestion des équipements de la pêche artisanale par le Ministère de la pêche et de l’économie maritime, entre 2019 et 2021, alors que Alioune Ndoye était à la tête de ce département (2019-2022), laissent apparaître bien des anomalies. Selon le rapport, en mars 2021, le MPEM a signé un marché par entente directe avec la société MARTEL LTD établie à Port-Louis (République de Maurice) portant sur la refonte des six vedettes de surveillance de la DPSP (02 vedettes de types RPB 20 et 04 vedettes de type RPB 12). Le coût du marché s’élève à 5 600 000 000 FCFA hors taxes soit un coût total de 6 608 000 000 F CFA TTC.

« La Cour retient que Monsieur Alioune NDOYE, Ministre de la Pêche et de l’Economie maritime n’a pas respecté le principe d’économie et d’efficacité des marchés publics », estimant dans la foulée que le coût de la refonte des six vedettes de surveillance de la DPSP s’élève bien à 6 608 000 000 F CFA TTC et qu’avec ce montant le Ministère de la Pêche et de l’Economie maritime pouvait bien s’équiper avec des vedettes neuves

Les six vedettes de surveillance et l’aéronef précité ont été acquis par l’Etat du Sénégal en 2006 à 4 000 000 000 FCFA. Le coût de la refonte des six vedettes de surveillance est plus onéreux que le coût d’acquisition initial, constatent les contrôleurs. Interrogé à ce sujet, Alioune NDOYE, Ministre de la Pêche et de l’Economie maritime, estime que les vedettes en question ont été commandées en 2002 et leur rénovation est intervenue presque 20 ans après. Une augmentation des coûts après autant d’années se justifie largement pour plusieurs raisons. L’indice des prix de la construction navale, qui reflète les coûts moyens de l’industrie à augmenter de manière significative, au cours des dernières années. De 2002 à 2022, cet indice est passé de 93,1 à 160,1 soit une augmentation de plus de 72 %.

Cependant, la Cour constate que la société MARTEL LTD n’a livré que deux vedettes et envisagerait la refonte des quatre autres vedettes au Sénégal (au lieu de la France) en violation des dispositions du contrat relatives au transport et à la supervision des travaux de refonte. Ainsi, la Cour rappelle que le coût de la refonte des six vedettes de surveillance de la DPSP s’élève bien à 6 608 000 000 F CFA TTC et qu’avec ce montant le Ministère de la Pêche et de l’Economie maritime pouvait bien s’équiper avec des vedettes neuves.

Il résulte de la comparaison que le prix payé à la société DREDGING International sur le marché relatif aux travaux de dragage et de balisage de la brèche de Saint-Louis est excessif

Il résulte de cette comparaison que le prix payé à la société DREDGING International sur le marché relatif aux travaux de dragage et de balisage de la brèche de Saint-Louis, est excessif, estime la Cour.

En conclusion, l’autorité contractante, en acceptant une augmentation anormale de l’offre initiale de la société DREDGING International sur le marché relatif aux travaux de dragage et de balisage de la brèche de Saint-Louis à contracter de manière onéreuse.

La Cour démonte les arguments servis par Alioune Ndoye sur la variation des prix du mètre cube, l’augmentation drastique du prix du fuel et du taux de change entre le dollar et l’Euro, et sur le changement des conditions d’accès au fleuve avec l’installation d’un banc de sable

Interrogé à ce sujet, Alioune NDOYE, Ministre de la Pêche et de l’Economie maritime, estime que la variation des prix du mètre cube dragué est passé de 3190 à 4330 FCFA pour l’embouchure et de 3656 à 4902 FCFA pour le chenal, plus éloigné de la zone de clapage, s’explique d’une part, par l’augmentation drastique du prix du fuel et du taux de change entre le dollar et l’Euro, entre les deux offres ; et d’autre part, par le changement des conditions d’accès au fleuve avec l’installation d’un banc de sable, découvert à travers des données bathymétriques plus récentes, qui allait nécessiter, pour l’entreprise, de reconsidérer sa méthodologie initiale d’action et de s’adapter aux circonstances nouvelles. Mais, pour la Cour relève, l’argument de l’augmentation du prix du fuel n’est pas corroboré par les données statistiques de la Commission nationale des Hydrocarbures. La drague utilisée par la société DREDGING International utilise le gasoil de mer (MDO). De 2020 à 2021 le prix du MDO n’a pas connu d’évolution il est resté constant à 486 894 F CFA / Tonne.

Le second argument portant sur l’augmentation du taux de change entre le dollar et l’Euro, entre les deux offres, ne peut pas prospérer puisque la société DREDGING International n’apporte pas de financement. Elle fait des prestations et reçoit en contrepartie une rémunération. Par ailleurs, dans le cadre de l’exécution du marché, le MPEM soutient que le montant payé à la société DREDGING International s’élève à 7 725 000 000 FCFA. Cependant au vu des pièces, il a été constaté que le montant payé pour solde de tout compte s’élève à 7 211 522 870 F CFA ( 2021 : 1 391 492 571 F CFA TTC en 2022 : 5 820 000 000 FGFA TTC).

Pour toutes ces « anomalies », la Cour recommande au Directeur général de l’ARCOP de diligenter une enquête sur le marché relatif aux travaux de dragage et de balisage de la brèche de Saint-Louis liant le Ministère de la Pêche et de l’Economie maritime et la société DREDGING International

Une comparaison entre le montant inscrit sur le contrat et le montant effectivement payé révèle une différence de 998 283 269 F CFA (8 209 806 147, 66 -7 211 522 870). Pourtant, constate la Cour, le contrat conclu par le Ministère de la Pêche et de l’Economie maritime est un contrat à prix ferme non révisable. Aucun avenant n’a été conclu entre les deux parties. Le renoncement de la société DREDGING International à un montant de 998 283 269 F prouve à suffisance le coût onéreux du contrat, détaille le rapport.

C’est ainsi que la Cour recommande au Directeur général de l’ARCOP de diligenter une enquête sur le marché relatif aux travaux de dragage et de balisage de la brèche de Saint-Louis liant le Ministère de la Pêche et de l’Economie maritime et la société DREDGING International.

Dans le dossier relatif au détournement d’objectif du Projet de motorisation des pirogues, les pièces justificatives produites par le gestionnaire du compte de dépôt a révélé qu’un montant de 303 349 000 a été utilisé pour effectuer des paiements des différents déplacements du Ministre de la Pêche alors que ces dépenses ne sont pas prévues dans le budget du Ministère

La motorisation des pirogues, entamée au début des années 50, est à l’origine de changements manifestes et immédiats des espaces halieutiques : les pirogues motorisées donnent accès à de nouveaux fonds de pêche et donc, à de nouvelles espèces-cibles notamment les espèces démersales ou pélagiques offshore. Ainsi, les sorties de pêche sont plus longues (2-3 jours, au lieu d’une journée), surtout si les pirogues motorisées sont équipées d’une glacière, qui permet de conserver les prises à bord), et plus éloignées du littoral. Les pirogues motorisées glaciaires vont jusqu’à plus de 50 miles (un mail nautique équivaut à 1852 m) des côtes, quand les pirogues à rame et/ou à voile des années 40-50 n’allaient pas au-delà de 6 miles.

En 2016, une subvention individuelle d’un million a été accordée pour l’acquisition de moteurs hors-bords. L’exécution de cette subvention est gérée au plan technique par la DPM (la Direction des Pêches marines) et les services déconcentrés et au plan budgétaire par le DAGE du MPEM qui en est l’administrateur de crédits.

Tout pêcheur qui dispose d’une embarcation et qui est en règle avec l’administration des pêches peut prétendre à la subvention. Toutefois, la revue du compte de dépôt fait apparaître, au titre des gestions 2019, 2020 et 2021 le paiement d’un montant total de 2 950 000 000 FCFA. Ce montant des dépenses devrait correspondre à une subvention de 2950 moteurs. Il a été constaté que l’intégralité des crédits n’est pas consacrée à la subvention, des dépenses d’un montant global de 576 937 000 F CFA sont effectuées sur le compte de dépôt et n’ont pas de lien direct avec l’objet du compte. Il apparaît ainsi, dit le rapport, un détournement d’objectif des crédits destinés à la subvention pour la couverture de charges de salaires, d’achats de matériels informatiques, de diverses prestations de services etc.

Pour Monsieur Boubacar DIOUF, gestionnaire, le compte de dépôt Aires de transformation n°368.8.036 n’est pas uniquement réservé au chapitre « projet motorisation des pirogues ». Ledit compte est alimenté par les différents chapitres de transferts courants suivants : Fonds de redéploiement industriel ; Suivi à la ressource halieutique ; Projet de motorisation des pirogues ; Projet d’appui à la pêche artisanale. Mais, aux yeux de la Cour, les développements de Monsieur Boubacar DIOUF, sur la notion d’unité de caisse au niveau des ressources des comptes de dépôt sont dénoués de tout fondement juridique. En effet, ajoute-t-elle, la règle de l’unité de caisse est prévue pour les recettes du budget général mais ne s’applique pas à des crédits déjà affectés par la loi de finances.

C’est ainsi que la revue des pièces justificatives produites par le gestionnaire du compte de dépôt a révélé qu’un montant de 303 349 000 a été utilisé pour effectuer des paiements des différents déplacements du Ministre de la Pêche alors que ces dépenses ne sont pas prévues dans le budget du Ministère. Ceci contrevient aux dispositions de l’article 9 du décret n° 2020-978 portant Règlement général sur la Comptabilité publique qui stipule clairement « … Aucune dépense publique ne peut être engagée ou payée si elle n’a été au préalable prévue au budget de l’Etat et n’est pas couverte par des crédits régulièrement ouverts ».

Pour toutes ces raisons, la Cour demande au gestionnaire du compte de dépôt de cesser d’imputer des dépenses de fonctionnement sur les crédits destinés au Projet de motorisation des pirogues.

Amadou DIA 

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