Le nouveau président Bassirou Diomaye Faye, élu en mars dernier, entend bien marquer son mandat dès le départ. Parmi ses premières annonces, il a promis « un audit du secteur minier, gazier et pétrolier » ainsi que la renégociation des contrats d’hydrocarbures jugés « très défavorables » au pays par son mentor Ousmane Sonko, nommé Premier ministre. Une option qualifiée de « risquée » par de nombreux experts cités par Le Monde.
Le Sénégal, classé parmi les 25 pays les moins développés au monde, mise gros sur ses récentes découvertes gazières et pétrolières pour opérer un décollage économique. Selon Petrosen, la société pétrolière publique sénégalaise, les revenus combinés des deux principaux gisements devraient atteindre en moyenne 700 milliards de francs CFA (1,06 milliard d’euros) par an sur 30 ans.
Mais pour le nouveau pouvoir, les contrats signés par l’ex-président Macky Sall avec les compagnies pétrolières sont loin d’être avantageux pour le pays. « Certains intellectuels complexés font croire qu’il est impossible de les renégocier », dénonçait Ousmane Sonko pendant la campagne, cité par l’AFP.
Du côté des compagnies, on prône la « sacralité des contrats ». « Les meilleurs résultats sont avec les Etats qui travaillent en partenariat avec l’industrie, respectent la sacralité des contrats et créent une certitude en matière d’investissement », plaide Christine Forster, porte-parole du groupe australien Woodside Energy exploitant le champ pétrolier de Sangomar.
L’ex-président Macky Sall met lui aussi en garde contre une renégociation. « Franchement penser qu’on peut changer les contrats déjà signés avec les compagnies n’est pas possible. Ce serait désastreux pour le Sénégal », assurait-il mi-mars à Bloomberg. Selon l’ancien pouvoir, l’Etat percevrait jusqu’à 60% des revenus de l’exploitation à venir.
Pour Ibrahima Bachir Dramé, ancien responsable de Petrosen, « il n’existe pas de manière explicite des clauses qui prévoient des renégociations dans les contrats pétroliers ». Quant au gisement gazier Grand Tortue Ahmeyim, développé avec la Mauritanie, « il faut inéluctablement prendre en compte la partie mauritanienne », rappelle-t-il à l’AFP.
La renégociation semble plus aisée pour des projets en phase de développement comme le gisement gazier de Yakaar-Teranga, sans « gros investissements » déjà engagés selon M. Dramé.
A l’inverse, l’économiste Papa Demba Thiam assure que « la plupart des contrats miniers ou d’hydrocarbures sont renégociés » à travers le monde, citant 40 à 92% des contrats renégociés en 1 à 8 ans en Amérique latine et Caraïbes. « On brandit l’épouvantail des risques…C’est une forme de chantage politique et moral sur les pays sous-développés », dénonce-t-il auprès de l’AFP.
Au Sénégal, la Constitution affirme que « les ressources naturelles appartiennent au peuple ». Avec le Covid et la guerre en Ukraine, « toutes les conditions sont réunies pour justifier une renégociation », plaide M. Thiam. Mais une source du FMI rassure : les autorités « veulent s’assurer que les contrats sont conformes aux codes. On ne prend pas ça comme une chasse aux sorcières ».
Si renégociation il y a, M. Dramé insiste sur la nécessité de la « bien préparer » pour éviter les lourdes amendes, les compagnies pouvant saisir « les tribunaux internationaux » en cas de litige.
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