«Même le président Macky ne pouvait pas résister au rouleau compresseur «Diomaye-président»…»

par pierre Dieme

Dr Momar Thiam est un expert-consultant en communication politique. Il fut le premier conseiller spécial en charge de la communication du président Abdoulaye Wade nouvellement élu en 2000. En exclusivité pour « Le Témoin », Dr Thiam décrypte la déroute de la coalition Bby et analyse la redoutable machine électorale, pour ne pas dire le rouleau compresseur, Diomaye-Président…

Le Témoin – Quels enseignements tirez-vous de l’élection du candidat de la coalition « Diomaye-Président », laquelle est incarnée par le phénomène Ousmane Sonko ?

Dr Momar Thiam : D’abord permettez-moi de rappeler que les résultats provisoires publiés, hier, par la Commission nationale de recensement des votes parlent d’eux-mêmes. Fort de 54,28 % des suffrages, le candidat de la coalition « Diomaye-Président » a très largement remporté l’élection présidentielle dès le premier tour pour ne pas dire premier « demi-tour » ! Car j’imagine que dans les grandes villes et autres centres urbains comme Dakar, Diourbel, Thiès, Mbour, Ziguinchor et Saint-Louis, le scrutin était presque plié vers dimanche à midi par le candidat Bassirou Diomaye Faye. Et les premières lourdes tendances lors des dépouillements avaient confirmé cette victoire. Pour l’électorat des Sénégalais de l’extérieur, n’en parlons pas ! Car la coalition « Diomaye-Président » de la Diaspora a survolé les bureaux de vote dans les grandes provinces polarisant de fortes communautés sénégalaises. Bref, c’était une véritable razzia ! Pour revenir à votre question, il y a deux enseignements majeurs à tirer de cette situation inédite. Du côté des vainqueurs, la tâche semble titanesque compte tenu des attentes surtout d’une jeunesse aux avants postes de la contestation. Un scénario qui nous renvoie à celui du Président Mitterrand qui, après sa victoire à la présidentielle de 1981 en France, disait « maintenant les ennuis commencent » pour caricaturer ce qui l’attendait une fois élu. Le nouveau président de la République, Bassirou Diomaye Faye, est jeune, instruit et semble avoir les épaules assez larges pour la gestion des affaires publiques. Son dernier entretien avec une télévision de la place a donné l’impression qu’il s’était déjà mis dans les habits d’un chef d’Etat qui n’est pas dans le détail et qui dispose d’un calme et d’une attention productive devant les multiples défis qui l’attendent une fois élu. Toutes choses qui seront indispensables face aux multiples priorités du moment. Reste à voir ensuite ce que cela donnera au contact des dossiers brû lants tels que le coût de la vie, le problème de la corruption, la sécurité, la santé, pour ne citer que cela.

Et du coté des vaincus à savoir la coalition Apr-Bby dont le candidat était Amadou Ba ?

Du côté des vaincus, l’obligation d’une évaluation exhaustive de la pré-campagne et de la campagne électorale elle-même, avec tout ce que cela recouvre, demeure une priorité afin de panser les plaies. Cela demande une analyse de l’existant politique interne afin de situer les responsabilités de la déroute politique et repartir sur de nouvelles bases avec certainement des élections législatives qui pourraient se faire après le mois de septembre. Parce que l’Assemblée nationale sera certainement dissoute par les nouvelles autorités pour répondre à un impératif d’intérêt politique. C’est ce qui est normal ! C’est à ce prix que la coalition Benno pourrait semer encore les graines d’une concorde et d’une confiance retrouvée.

Pensez-vous que le président Macky Sall pouvait résister au rouleau compresseur de Pastef s’il avait tenté de briguer un troisième mandat ?

Non ! Même une équipe composée de « onze » Macky Sall sur un terrain de football électoral n’aurait pas pu résister au rouleau compresseur du phénomène « Pastef ». Parce que la marche révolutionnaire du duo « Diomaye-Sonko » était irréversible vers le Palais de la République. Même au-delà de cette coalition « Diomaye-Président », Macky Sall serait d’abord confronté non pas à l’opposition politique mais surtout à la société civile qui avait exporté le combat contre le troisième mandat au niveau international. Raison pour laquelle les Américains avec Anthony Blinken et même leur Sénat avaient alerté pour dissuader le Président Macky Sall de faire un forcing. Ensuite, l’opposition dans sa pluralité et l’opinion dans ses différentes composantes allaient mener un combat de principe et de survie politique qui n’épargnerait personne, Macky Sall en premier. Enfin le forcing risquerait de mener le pays au chaos et le président Macky Sall au suicide politique comme pour avec Me Abdoulaye Wade en 2012. Parce que les électeurs feraient de l’élection présidentielle un référendum pour ou contre un troisième mandat, la réponse serait vite trouvée et serait même surdimensionnée. Juste pour vous dire que ce n’aurait pas été uniquement l’affaire de Pastef mais de l’opinion dans sa généralité et sa pluralité. Heureusement que nous n’en sommes pas arrivés là !

Propos recueillis par : Pape Ndiaye 

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