Babacar, Modou, Moussa, Cheikh, Mansour, Bounama, Chérif, Famara, Prospère, Sadio, Cheikhouna, Baye Cheikh, Cheikh Wade, Didier Badji… Vous étiez les remparts de la République et de la Révolution matée dans le sang
La patrie, terme galvaudé de nos jours. Jours inouïs de liberté. La patrie d’autrefois et des ailleurs meilleurs garde toujours sa quintessence dans certaines contrées, proches et en même temps lointaines de nos envies et de nos désirs de liberté. Je ne sais pas de quoi je suis fait. Mais d’esprit et de matière. Ce dont je sais c’est que je veux être libre de toute entrave. Ce dont je sais c’est que je veux être libre de toute dénomination puérile. De mes dernières heures sur cette terre qui est mienne, sous l’ombre du baobab centenaire, je veux vous dire qu’une belle odyssée humaine s’achève, offrant ma belle poitrine virile aux balles de la mitraille. Fauché tel un phénix en plein vol par le geste du prince.
Macky Sall et sa cohorte de bidasses ont fini par achever ma personne. Mort d’une humanité très jeune. Ci-gît le jeune qui a donné sa vie pour que renaisse la patrie mère. Pour un Sénégal prospère. Un Sénégal de renouveau. Un Sénégal de joie. Afin un Sénégal purifié de ses basses besognes et de ses déchets humains. Reconnaissance en ce jour béni pour le Seigneur, le berger de nos âmes. Gloire et reconnaissance à ces jeunes hommes tombés sur le champ de bataille en des jours où l’aurore maléfique régnait. L’aube du diable.
L’homme devenu diable comme naquit ce Rwanda, cette belle région aux mille collines, souillée à jamais par le sang de ses propres fils. Larmes et sang pavent cette terre qui nous est si chère. Le Sénégal. Fils et martyrs de la nation, vous ne serez jamais oubliés. Martyrs de la révolution, vous ne serez jamais trahis. Et sont-ils morts pour l’éternité ? Non, vous serez toujours dans nos cœurs et dans nos pensées pieuses.
Babacar, Modou, Moussa, Cheikh, Mansour, Bounama, Chérif, Famara, Alassane, Pape Sidy, Prospère, Sadio, Cheikhouna, Baye Cheikh, Cheikh Wade, Fulbert Sambou, Didier Badji (…). Vous n’êtes pas morts pour rien. Le Seigneur dans toute sa bonté et sa mansuétude a décidé du sort de ces jeunes braves gens partis à la fleur de l’âge. Le don de soi pour la patrie. Ils l’ont porté en bandoulière en bravant le danger et cette vie par-devers eux. Leurs douces sonorités nous manquent et hantent nos sommeils de juste ; maman je veux voir le soleil ; maman je veux jouer au ballon ; maman je veux courir derrière mes amis d’enfance ; maman je veux voir le coucher du soleil. Des mots qui rappellent l’existence. Une existence parcellaire remplie de joie et de duretés.
Mais libre, Babacar l’était. Libre, Modou Guèye l’était. Libre comme Birago Diop dans Leurres et lueurs l’était. Vous ne serez jamais morts parce que vous tapissez nos vies et le souvenir de vos beaux visages et gestes sont en nous et la nation vous sera reconnaissante ad vitam æternam. A Babacar Samba, un parent, ton père ne cesse de te pleurer et de prier pour toi. Petite étoile filante, va et file tout droit dans ce beau firmament que nous ne tarderons pas à rejoindre. La vie est un combat et vous avez fait de ce combat un don de soi.
Tombés vous êtes, les armes à la main. Tombés vous êtes avec ce grand rêve de liberté. Une liberté retrouvée à jamais dans le firdaws (paradis) du Seigneur, entourés d’anges vous accueillant et de belles nymphes chantonnant votre gloire de résistants sur terre. Vous n’êtes point étrangers. Vous êtes de vrais Sénégalais, de vrais citoyens ayant eu comme credo, ce don de soi pour la patrie renaissante. Le peuple vous chante et son héros Ousmane Sonko vous vénère. Vous étiez poètes d’une vie et des révoltés d’une éphémère existence. Vous étiez les remparts de la République et de la Révolution matée dans le sang. Contre l’injustice, vous vous êtes levés tel un seul homme à l’assaut des vagues de cette mascarade du fait du prince. Peuple épris de justice et de liberté bâillonné et administration aux ordres. Vous avez hissé haut notre drapeau. Ce symbole de la résistance que le monde entier nous reconnaît. Ivres d’un changement qui point à peine, vous avez bravé la meute de loups assoiffés de sang et de larmes. Le sol de la patrie vous salue et vous dit, ô braves jeunes gens, bon repos dans mes entrailles. Et oui vous étiez une bonne bande de copains, à la vie comme à la mort et sans vous connaître. Mais la nation toute entière sait reconnaître ses enfants morts pour le sacrifice suprême. Vous êtes morts pour que renaisse la fraternité entre Sénégalais. Par-delà et par l’existence mémorielle, vous allez toujours vivre parmi nous, damnés de la terre que célébrait Frantz Fanon, cet éternel incompris.
Entre au Panthéon, à notre Panthéon sénégalais et africain, la soixantaine de martyrs. Combattants de la liberté pour que nous puissions vivre librement et dignement. Le Sénégal, beau petit pays, se doit de vous honorer et à sa manière. Une ode à la reconnaissance et au recueillement et que vos souvenirs parmi nous ne périssent jamais. Par-là, chers jeunes martyrs, vous entrez en héros et le peuple vous salue. Ivres de liberté, de justice et des envies d’ailleurs, vous êtes tombés sur le champ de bataille pour un Sénégal meilleur.
En ce jour mémorable de recueillements, le soleil luit pour vous et le Sénégal, reconnaissant, vous accueille et prie pour la paix de vos âmes même si vous serez toujours parmi nous. Sans chercher à être connus, nous vous célébrons, braves jeunes gens, nos héros. Et permettez-moi de vous offrir cette ode de feu le poète Birago Diop, feu parmi vous, braves martyrs de la nation ; Les morts sont dans l’ombre qui s’éclaire ; Les morts ne sont pas sous la terre ; Les morts ne sont pas morts ; Ils sont dans la Case, ils sont dans la foule. Et à celles et à ceux me parlant d’amnistie de vos bourreaux, je leur dis ceci et par une insolence me seyant : je chierai sur cette loi innommable qui insulte vos mémoires de martyrs du don de soi pour la patrie.
PAR IBRA POUYE