Le Sénégal risque de faire un saut vers l’inconnu si l’élection présidentielle n’est pas tenue avant l’expiration du mandat du président de la République, ce 2 avril 2024. C’est la conviction du Professeur agrégé en droit, Kader Boye. Ancien Recteur de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD), Président de la plateforme «Le Sursaut citoyen», Groupe de réflexion et d’action, Professeur Boye s’est entretenu avec Sud Quotidien en revenant sur l’intangibilité du mandat du président de la République qui a été rappelé par le Conseil Constitutionnel non sans recadrer ceux qui évoquent l’article 36 de la constitution pour maintenir le président Sall au pouvoir.
Professeur Kader Boye sort à nouveau du bois. Connu pour son franc parler et surtout sa maitrise des textes de lois qui régissent la République du Sénégal, l’ancien Recteur de l’UCAD, Président de la plateforme «Le Sursaut citoyen», Groupe de réflexion et d’action a décortiqué l’arrêt du conseil constitutionnel et alerté sur le risque du chaos qui guette le Sénégal si l’élection présidentielle n’est pas tenue avant l’expiration du mandat du président de la République, ce 2 avril 2024.
«Le conseil constitutionnel dit deux choses au Président de la République : Vous ne pouvez pas proroger votre mandat au-delà de sa date d’expiration. Vous ne pouvez pas ni l’écourter, ni le prolonger. Par conséquent, j’annule la loi qui a été votée par l’Assemblée nationale. Vous ne pouvez pas non plus par décret annuler le décret convoquant le collège électoral», analyse Professeur Kader Boye.
Et d’ajouter, «Ensuite, il demande aux autorités compétentes pas seulement au Président de la République, de prendre des mesures pour organiser l’élection dans les meilleurs délais. C’est-à-dire qu’en plus du président de la République, il y a le ministère de l’Intérieur, la Cena etc. Ce sont eux qui organisent les élections de manière pratique. Il demande à ces autorités, chacune en ce qui la concerne par la loi, d’organiser l’élection présidentielle dans les meilleurs délais. C’est-à-dire avant que le mandat du président expire».
Alors que certains brandissent l’article 36 de la constitution pour défendre le maintien du président de la République, jusqu’à l’installation de son successeur même au delà du 2 avril prochain, Professeur Kader Boye prend leur contre-pied et précise.
Pour rappel, cet article dit ceci : «Le Président de la République élu entre en fonction après la proclamation définitive de son élection et l’expiration du mandat de son prédécesseur. Le Président de la République en exercice reste en fonction jusqu’à l’installation de son successeur. Au cas où le Président de la République élu décède, se trouve définitivement empêché ou renonce au bénéfice de son élection avant son entrée en fonction, il est procédé à de nouvelles élections dans les conditions prévues à l’article 31».
La «normalité» de l’article 36
Selon lui, «l’article 36 vise un cas très simple qui est la normalité. C’est au cas où il y a eu élection présidentielle et qu’il y a eu un candidat qui a été élu. C’est dans le cas où un élu prête serment. Après avoir pris le serment, il y a un jour de plus et puis le président sortant lui transmet les pouvoirs et s’en va. Mais quand il n’y pas élection, qu’est-ce qu’il va faire au pouvoir ? On ne peut plus invoquer cet article».
A la question de savoir si l’élection présidentielle se tient après le 2 avril ? Kader Boye annonce qu’il y aura un risque de chaos dans le pays, le cas échéant.
«C’est ça le chaos qu’il veut faire», tranche-t-il. Et d’ajouter, «ou il (le président de la République, Ndlr) démissionne, ou bien il va dire, on reste là et on va dissoudre le Conseil constitutionnel».
Or, s’empresse-t-il de préciser, «le conseil va lui rétorquer que vous n’êtes plus président ! Le cas échéant, il y aura un conflit ouvert. S’il ne tient pas l’élection présidentielle avant le 2 avril, il va installer le chaos».
Avant de revenir à nouveau sur l’article 36 qui martèle-t-il, ne concerne pas du tout cette hypothèse-là. «L’article 36 a toujours existé. Parce que jamais dans cette République, une élection ne s’est déroulée au-delà de la date d’expiration du mandat du président de la République. Donc, si on élit et que l’élu prête le serment, il est président de la République. Avant qu’il ne prête serment le président sortant reste en fonction avant de lui donner les pouvoirs. C’est tout ! Mais quand il n’y a pas d’élection, cet article ne peut pas être invoqué», tranche-t-il.
Nando Cabral GOMIS et AT